L'école Bouteilly à Montlhéry
Cette chronique est le sixième volet de l'histoire de l'enseignement à Montlhéry. Cette institution, rue du docteur Ogé, a été récemment transformée en co-propriété de logements.
J-P Dagnot. Avril 2014.
Les lieux avant l'institution
Commençons par un acte rédigé à Paris en 1836 entre Jeanne Félicité Pigeon, célibataire, majeure demeurant à Montlhéry, 195 rue des Juifs, laquelle a vendu à François Michel épicier, la nue propriété pour y réunir l'usufruit le jour du décès de la demoiselle d'une maison audit 195 rue des Juifs, consistant en maison à étages, cour, jardin, autre maison à étages, écurie, remise, ... la propriété tient du couchant à Mr Welcker, d'un bout au chemin de la porte Laborde ...Rotonde à l'extrémité du jardin servant au rez-de-chaussée de serre et à l'étage de salle de billard . La description montre les parcelles cadastrales B1780-1781-1782, il n'est pas question de salles de classe ni de dortoir. Le recensement de 1841 signale Jeanne Pigeon propriétaire.
Les lieux en 1820.
Deux années après, les mêmes intervenants sont concernés par la vente d'objets mobiliers en usufruit par Jeanne Pigeon, célibataire majeure à trois personnes dont deux travaillent chez elle: François Groux homme de confiance et Marie Roussel cuisinière. Ils expliquent qu'en 1836, Melle Pigeon a vendu à ces trois personnes la nue propriété pour y réunir l'usufruit au jour du décès de la venderesse, d'une maison rue des juifs n°195, consistant:
- en un principal corps de bâtiment entre cour et jardin,
- autre bâtiment en aile, distribué au rez-de-chaussée en cuisine, vestibule, salle à manger et salon, premier étage de plusieurs pièces, au dessus chambres en mansardes et greniers, cave sous cette maison,
- basse cour à côté avec écurie remise et autres dépendances, puits et citerne, jardin clos de murs et de grille,
- rotonde à l'extrémité du jardin, servant au rez-de-chaussée de serre et au premier de salle de billard.
Ce préambule fait la demoiselle Pigeon vend l'usufruit de trois chambres à feu et de trois cabinets au premier étage .... dans la description mention du chemin de la porte de la Borde au moulin à vent, ... la vente faite moyennant 800 frs. Le recensement la déclare rentière avec un domestique. Il n'y a toujours pas d'institution.
En 1842, François Groux épicier et consors vendent à Hercule Blazy et Zélina Richebé, une maison sur cave à un étage, 193 rue des juifs dont l'usufruit est à la demoiselle Pigeon moyennant la somme de 20.000 frs. Le mois suivant la demoiselle Pigeon vend l'usufruit aux Blazy.
Cinq ans après, Elie et Jean-Baptiste Jouvenel, tonneliers, vendent une maison rue des Juifs comprenant deux corps de bâtiments moyennant 3.000 frs... Ainsi les Blazy possèdent les lieux qui vont devenir par la suite l'institution privée.
Hercule Blazy décède début 1867, suit un acte de notoriété puis la quinzaine suivante, le partage entre la veuve Blazy commune en biens d'avec son mari, et ses enfants. En 1868, la famille Blazy vend à Madame Blazy-Jalliffier, collatérale, la grande propriété, moyennant 37.000 frs.
Notons pour mémoire en 1876, l'adjudication d'une maison bourgeoise, rue du Luisant, à Désiré Gros moyennant la somme de 9.400 frs.
La veuve Louise Jallissier décède en 1879, ses enfants décident l'année suivante de mettre en adjudication la demeure de leur mère. Le cahier des charges cite une propriété rue des Juifs comprenant une maison de maître composée au rez-de-chaussée, petit salon, grand salon, office, salle à manger, petite salle à manger, cuisine, arrière cuisine, salle de bains et remise, au premier, plusieurs chambres à coucher, cabinet de toilette, cabinet d'aisance, au second étage, chambres de domestiques, fruitier, cave sous les bâtiments et la pelouse ; bâtiments servant autrefois de communs comprenant buanderie, écurie, au premier deux chambres, divers autres bâtiments, pigeonnier, écuries, remise, cour, jardin, potager ; pavillon au bout de la propriété avec serre salle de billard le tout pour 8.160 m2. L'adjudication donne :
- deuxième lot de l'article premier à Valentin Piolini pour 8.100 frs,
- le troisième lot terres soit 1.353 m2 à Désiré Gros pour 4.640frs,
- le cinquième lot à Victor Foucher pour 3.840 frs,
- le sixième lot la maison tourelle avec 1.694 m2, attribuée à Eugène Thibault pour 5.675 frs,
Nous ne retiendrons que ce qui est attribué à Désiré Gros et la vente faite à Foucher qui va servir à édifier le pensionnat.
L'institution au 27 rue des Juifs
Quelques mois après, Demoiselle Eugénie Allain, âgée de 62 ans, demande d'ouvrir, le premier octobre, rue des juifs un pensionnat et externat libre de demoiselles . Elle était maitresse adjointe chez sa soeur à Leuville dans l'enseignement public. Elle ne figure pas au recensement de 1881. L'expérience sera éphémère. L'institution existe.
Voyons maintenant la famille Gros et notamment le couple Désiré Gros et son épouse Henriette Michelet. Ils ont une fille Mathilde Henriette qui se marie avec Narcisse Potage. Ce préambule fait notons en 1881, un bail sous seing privé entre Désiré Gros et Henriette Michelet, d'une part et Narcisse Potage et Henriette Gros, d'autre part, qui comprend le droit au bail, la clientèle, l'achalandage, le mobilier servant à l'exploitation et l'immeuble acquis de Victor Foucher. Ce document montre la prise en main de l'institution rue des Juifs par la fille de Désiré Gros.
Curieusement l'acquisition du jardin de Victor Foucher a lieu en mars 1882 moyennant 8.500 frs. En septembre 1882, un autre acte sous seing privé de la valeur du pensionnat dirigé par Madame Potage qui comprend le droit au bail, la clientèle, l'achalandage le matériel et mobilier servant à l'exploitation. avec un jardin rue des juifs de 1.371 m2 acquis en mars 1882 à Victor Foucher pour 8.500 frs. Cet acte remet l'acquisition Foucher à la bonne date.
En fin d'année, Charles Michelet père, veuf d'Henriette Coquet, et son fils vendent à Désiré Gros un jardin porte de la Borde de 520 m2 moyennant 600 frs. De ce fait l'institution trouve son périmètre définitif.
Henriette Gros institutrice, mariée à Narcisse Potage ancien huissier, décède début 1883 à l'âge de 24 ans. Pierre Alexandre Prou, chef d'institution participe à la rédaction de l'acte de notoriété de la défunte; ses parents et ses frères et soeurs héritent de ses biens. L'actif du couple comprend le mobilier personnel, la valeur du pensionnat de demoiselles que la défunte dirigeait à Montlhéry dans une maison louée en 1881 par Désiré Gros. Le mari recède le tout moyennant le paiement des dettes. L'institution à partir de cette date appartient au couple Gros-Michelet.
En mars 1883, Nathalie Lavesvre, brevetée de capacité pour l'enseignement primaire et l'enseignement supérieur, déclare vouloir ouvrir un pensionnat libre supérieur avec externat précédemment dirigé par Melle Allain, rue des Juifs 27. Un écrit sous seing privé est fait le même mois entre le couple Gros qui loue pour 6, 9, 12, ou 18 ans, à Nathalie Lavesvre, institutrice, à Paris:
1°) une maison 27 rue des Juifs, au rez-de-chaussée, salon, salle à manger, deux chambres, réfectoire, cuisine, au premier étage, dortoirs avec lavabos et lieu d'aisance, au second même distribution qu'au premier, au troisième grenier avec deux chambres. Sous la maison, cave et calorifère. Dans la cour, autre corps de bâtiment comprenant trois classes et un vestiaire; plus loin buanderie et bûcher, jardin clos de murs;
2°) une institution de demoiselles dirigée anciennement par madame Potage,
3°) le mobilier industriel servant à l'exploitation de l'institution de demoiselles,
moyennant 5.000 frs annuels . Qu'elle pourrait éventuellement acquérir l'institution moyennant 24.000 frs.
Cette première description montre déjà un établissement conséquent.
En mai 1883, Désiré Gros décède, âgé de 44 ans. Sa veuve Françoise Michelet demande son inventaire après décès qui est réalisé en novembre. Le début se passe rue du Luisant, puis continue ensuite au 27 rue des Juifs: réfectoire, cuisine, salon, au premier 2 chambres, au second 2 chambres, réfectoire, lingerie, dortoirs au premier et second, chambres au troisième. bâtiment des classes, vestiaire, 3 classes...
Le recensement de 1886 précise: Nathalie Lavesvre, 56 ans, maîtresse de pension, Amélie Conard 23 ans, Marie Lefèvre 23 ans, Victoire Lalo 24 ans, Schmith Héléna, anglaise, 20 ans, Wolfperch Adèle, 20 ans, institutrice, et Justine Combrun, 37 ans, lingère, Jeanne Redouté, 39 ans, cuisinière, Modeste Fontan, 16 ans, italienne, femme de chambre, Marguerite Colin, 50 ans, couturière. L'institution à cette époque compte donc cinq institutrices dont une anglaise ainsi qu'une couturière.
En 1891, Louis Lemaire époux d'Amélie Conard devient chef d'institution au 27 rue des Juifs ... Relevons cinq professeurs.
Côté propriétaire, notons la parcelle construite, B1783, attribuée à EugèneThibault de Montlhéry, entrée en 1885 sortie en 1893, et qui est mentionnée comme ayant fait une construction nouvelle. Eugène Thibault, rentier, 54 ans, décède le 11 mai 1897. Son épouse Florentine Colin 48 ans, requiert son inventaire après décès le mois suivant et obtient le partage le 18 août. Le cadastre confirme sa veuve en 1899. Enfin, Emile Barbe maître de pension lui succède en 1900. La recherche d'une vente entre Florentine Colin et Emile Barbe est restée infructueuse... Ils habitent en 1896 au 29 rue des Juifs, l'institution créée par Nathalie Lavesvre se trouve au 27, et est loué par Emile Barbe.
Revenons à l'institution, fin 1894, Marie Mallet, épouse Barbe, brevetée, a l'intention d'ouvrir une école primaire 27 rue des Juifs . Elle a enseigné ces douze dernières années à Ballainvilliers, comme institutrice publique. Cette institution va prospérer pendant 25 ans.
Retenons de l'inventaire après décès de 1897, que le lieu d'habitation est la tourelle et que le partage entre la veuve et ses deux filles Julienne et Louise donne à la veuve la maison en tourelle rue des juifs, avec 1.380 m2 estimée 7.000 frs.
Les recensement de 1901 à 1911 (disponibles) citent le couple Mallet-Barbe directeurs de l'établissement. La fin des Barbe se confirme en octobre 1919, par la vente de meubles et transport de bail au 27 rue des Juifs par Emile Barbe à Gros Edmond sont conclus moyennant 1.200 frs .
L'année suivante, Georges Haegeli, instituteur libre, déclare qu'il a l'intention d'ouvrir une école primaire de garçons libre avec pensionnat qui sera établi dans un immeuble appartenant à Mme veuve Gros et sis rue des Juifs au n°27 . Il a enseigné pendant les 18 années précédentes chez Monsieur Gros, grande rue n°28, à l'institution Resve et Gros.
Notons en 1922, le décès au 27 rue des Juifs d'Edmond Gabriel Gros, ancien chef d'institution. Suite à ce décès des problèmes surgissent dans la famille Gros qui aboutissent à des procès concluant à ce que Georges Alexandre, employé aux chemins de fer à Orléans, Camille Henriette, majeure demeurant à Montlhéry route d'Orléans, Jeanne Resve demeurant également route d'Orléans, en son nom et pour Simone et Edmée ses filles mineures, lesquels disant que par suite d'un jugement il va être procédé à la vente aux enchères publiques:
1°) une propriété autrefois à usage de pensionnat rue des Juifs, n°27, cadastrée B1780-1781-1782 ... mise à prix 120.000 frs,
2°) une propriété grevée de l'usufruit rue du Luisant, cadastrée B207-2073 , mise à prix 20.000 frs,
Adjudication lot 1 aucune enchère, lot 2 attribué à Bara moyennant 25.000 frs.
Voyons la matrice cadastrale qui mentionne:
- Michel Désiré Gros parcelles B1780-1781-1782, pour l'école comprenant cuisine, buanderie, maison, classes, avec sortie de la maison B2072, rue du Luisant.
- La même case cite également en 1928 Pierre Madeuf docteur en médecine, Puy de Dôme et autre adresse faubourg st Jacques à Paris,
- enfin en 1934, Germain Eugène Bouteilly comme directeur de pension grande rue.
Signalons le décès d'Emile Désiré Barbe en 1931.
En 1935, Mademoiselle Huguette Le Vagueresse , brevetée, demande l'autorisation d'ouvrir une école primaire au 27 rue Ogé (anciennement rue des Juifs). Elle occupait le poste d'économe à l'institution Resve et Gros.
De la déclaration qui va suivre on peut affirmer que l'institution Bouteilly existe entre 1939 et 1947. Donc en 1947, c'est au tour de Marcelle Lyssenne , brevetée, qui demande l'autorisation de diriger une école primaire privée de jeunes filles rue du docteur Ogé en remplacement de Mme Paraisne . J'ai exercé de 1932 à 1936 en qualité d'institutrice à l'institution Rouillot et 1939 à ce jour à l'institution Bouteilly.
En 1959, le compte cadastral 1450, mentionne Blanche Servant veuve Germain Bouteilly, demeurant à Orléans pour une maison rue docteur Ogé référencée B1118 ( les références ont changé). Les Bouteilly sont propriétaires rue du docteur Ogé et exercent au 28 grande rue.
L'année suivante, le compte cadastral 1572 cite Bouteilly Jean Edmond, demeurant 28 Grande rue pour maison B991 maison 992 avec jardin. Cette personne dirige l'établissement Resve et Gros.
La famille Bouteilly est toujours propriétaire de l'institution, en 1971: je soussignée Smida née Bouteilly Monique, déclare avoir l'intention d'ouvrir une école primaire mixte privée... Je viens du Maroc et j'ai exercé depuis octobre 1970 en occupant les postes de conseillère pédagogique puis de directrice intérimaire, à l'école de filles dirigée par Madame Leyssenne.
Cette institution existait encore en 2002 comme le montre la plaque fixée ci-dessus. Ce bâtiment a été récemment transformé en co-propriété de logements.
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