Le moulin à vent du Plessis-Pâté |
|||
Chronique du Vieux Marcoussy -----------------------------------_-------------------- ---------Décembre 2010
JP. Dagnot
Après avoir décrit la fin du château du Plessis-Pâté, nous nous proposons de relater quelques notes montrant l'existence d'un moulin à vent qui a existé au XVIe siècle et dont on vient de retrouver l'emplacement et les fondations, ce qui est exceptionnel. Il était situé en limite de seigneurie et pourrait être recouvert par un projet de construction de 52 logements. L'emplacement vu par satellite s'obtient en cliquant sur le mot souligné.
Les documents retrouvés Pour commencer, un document montrant l'existence du moulin du Plessis aurait été le bienvenu. Malheureusement le document de 1405 dans lequel Marie la Pâté avoue la haute justice du Plessis et la Motte de Montlhéry, ne cite rien d'intéressant au Plessis mais des biens à Corbeil, où il est question d'un moulin qui de présent est demoly et ny a que la place assis au Chastellet (Corbeil). Les aveux rendus au suzerain de Villeneuve-en-Brie ( Sucy-en-Brie), de 1399 jusqu'en 1768, ne mentionnent pas la banalité du moulin qui, en principe, est attachée à la seigneurie. Finalement, il faut se contenter d'un document indirect datant de 1546, Guillaume Baron, meunier demeurant au Plessis Paté, constitue sa procuratrice générale Denise Bourillon sa femme et lui donne pouvoir de vendre demi arpen de vignes au vignol de Marennes en Brye. (1) Les Baron sont des familles de laboureur et de meunier. À la même époque, Estienne Baron est meunier au moulin du Petit Paris à Leuville. Quarante années passent, en 1587, un bail à loyer est conclu par Messire Jean Blosset à Pierre Jeurlin, meunier demeurant au moulin du Pré, du droit de chasse dépendant de la seigneurie du Plessis pour faire moudre les bleds & autres graines dépendants de ladite seigneurie sujettes à son moulin à vent, du Plessis, Chercoix, la Justice & autres, ledit bail fait pour trois années & à la charge par le meunier de bien servir les sujets de ladite chasse & outre moyennant deux muids de bled méteil mesure du Plessis et rendu dans les greniers du seigneur. Le seigneur du Plessis décèdera en fin d'année. Dans la région, des troubles sérieux dus aux guerres de religion se manifestent et montrent qu'avant l'avènement d'Henri IV, de nombreux édifices non protégés ont été détruits. Ce moulin comme on le verra à la fin de cette chronique est en limite de seigneurie au sud-ouest du siège seigneurial et sans défense. Le bail ne prévoyant rien pour le meunier de ce moulin, on peut raisonnablement penser qu'il est déjà détruit à cette date. Il faut attendre 1595 pour trouver un document rédigé chez un notaire parisien qui va préciser cet état de fait. Jullien Belloust procureur de haulte et puissante dame Claude de Blosset, l'une des dames de la feue reyne mère du feu roy, femme & espouze de Loys de Montbron, chevalier des ordres du roy, gentilhomme ordinaire de sa chambre, la dame autorisée par justice, héritière sous bénéfice d'inventaire de Messire Jehan de Blosset son frère, chevalier des ordres du roy, capitaine de 50 hommes d'armes, conseiller en son conseil d'estat et privé, lieutenant général pour sa majesté au gouvernement de Paris, seigneur de Torcy, Plessis-pasté, ..., baille à titre de ferme & prix d'argent jusqu'à six ans, la terre & seigneurie du Plessis, à Anthoine Arraulx, marchand laboureur demeurant à présent au Plessis Pasté, paroisse saint Pierre de Brétigny, consistant en: Résumons les informations collectées: On peut également penser que le moulin n'a jamais été reconstruit par l'absence de baux, malgré un dépouillement systématique des liasses des notaires de Montlhéry. De plus les aveux rendus sont muets sur ce moulin ce qui confirme sa non-reconstruction. Une dernière hypothèse: le moulin avait été peut-être construit sans autorisation, en effet le droit de banalité ne figure dans aucun des aveux, ceci depuis 1399 jusqu'à la Révolution. Or ces derniers sont détaillés, mentionnent des droitures et cens, de valeur bien moins importante qu'un droit de banalité. Enfin l'examen détaillé d'un terrier de 1519, au chapitre: le domaine tenu en les mains de Monseigneur cite: la maison seigneuriale, le coullombier, le grand jardin, le pré Madame, plusieurs jardins, le clos des vignes, le bois des Roches, ... Puis, la prévosté, le greffe, forage, rouage... Pas un mot sur le moulin ou la banalité. Une autre hypothèse tout autant plausible, serait de supposer la destruction partielle du moulin lors des guerres de religion, époque pendant laquelle les troupes de Condé ravagèrent le sud parisien comme en témoignent les dommages subis en 1582 par le portail occidental de l'église de Longpont voisine du Plessis-Pâté. La période de prospérité du règne d'Henri IV ne permit pas la reconstruction ; projet complètement abandonné après les terribles ravages de la Fronde. La seconde partie de cette chronique est rédigée par Stéphane Adam qui a procédé aux fouilles archéologiques du premier semestre 2010 en se limitant au moulin à vent, sujet de cette chronique.
Fouilles INRAP de 2010------------------------------------------------------janvier 2011 S. Adam (3)
À la fin du XVe et au cours du XVI siècle, on voit fleurir un nouveau type de moulin dans la campagne de Montlhéry. Il s'agit de moulins utilisant la force du vent. Ceux-ci sont situés au sein de propriétés, château ou manoir, plus rarement dans des grandes fermes, certains sont mêmes isolés dans les endroits les plus propices à capter le vent, en rase campagne ou sur des promontoires. À titre indicatif, à la fin du XVe siècle, on estime 72.000 le nombre de moulins en France, dont 12.000 moulins à vent (4).
Résumons le résultat des fouilles: une structure cruciforme et bâtie de pierres de meulière et de grès a été mise au jour au sud de l'emprise. Elle est constituée de quatre bases de murs respectivement numérotées 1032 (nord), 1035 (est), 1034 (sud) et 1033 (ouest). Ces quatre murs s'inscrivent dans un cercle de pierre également construit numéroté 1036. L'ensemble est bâti de la même manière : des blocs de grès grossièrement taillés en cube servent de parement externe tandis que le blocage et le centre de la croix sont exclusivement constitués de petits blocs de meulière. Seule une partie du mur oriental 1033 est conservée sur deux assises liées à la terre argileuse.
Les murs mesurent entre 35 à 40 cm de large pour une longueur d'environ 1,7 m. En projetant le cercle inscrit, nous obtenons un diamètre de 4m. Aucun matériel datant n'a pu être réellement raccordé à cette structure. Du matériel résiduel gallo-romain et moderne a été trouvé en égale quantité dans les strates supérieures recouvrant l'unité architecturale. Ce même état de fait avait été constaté lors du diagnostic archéologique l'année d'avant. La méthode de construction et l'emploi de grès et de meulière nous avaient d'abord fait croire qu'il s'agissait d'un bâtiment romain.Il s'avère qu'il s'agit de la base aménagée en pierre supportant un moulin à vent en bois.
Vue aérienne de la zone de fouille montrant les fondations empierrées et en croix d'un moulin à vent sur pivot .
L'identification du bâtiment mis au jour au sud-ouest de l'emprise, correspondante à la limite du clos du château du Plessis-Pâté est sans conteste le moulin mentionné dans l'acte notarial de 1597. Si nous ne connaissons pas les dates précises d'édification et de destruction de ce moulin, nous avons toutefois pu déterminer une fourchette chronologique de son utilisation. De nombreux moulins ont été construits dans la région entre la fin du XVe siècle et la première moitié XVIe siècle. Le château du Plessis-Pâté est alors occupé par Jean II Blosset (à partir de 1473), par Jean III Blosset (à partir de 1506) puis par Jean IV Blosset, son fils. Nous nous trouvons ici dans le même cas de figure que le moulin de Roissy-en-France. Les moulins étant royaux, il fallait une autorisation du Roy pour posséder son propre moulin à vent. Or, nous avons ici affaire à une famille seigneuriale proche du pouvoir royal. Jean II était chambellan et Jean IV était le confident d'Henri III. Il est donc difficile d'estimer lequel des seigneurs fut l'édificateur du moulin. Il est également difficile d'évaluer la date de destruction du moulin. Le château quitte la famille Blosset pour se retrouver dans la famille Montbron jusqu'en 1655. Il serait étonnant que les Montbron se soient débarrassés d'un moulin pouvant leur assurer facilement des revenus. Le doute est par contre plus fort quand le château passe dans les mains du seigneur de Laigue. En effet, celui-ci fait ajouter des jardins et améliore le château. Nous pouvons nous demander si ce n'est pas à ce moment précis que l'idée d'entretenir le moulin est abandonnée. L'absence du moulin sur les cartes de Cassini, la carte des chasses du roi (1774) ou encore du fond de plan d'intendance (1770-1799) démontre qu'il n'était plus utilisé, ni visible dans le paysage au cours du XVIIIe s. Et contrairement aux autres lieux-dits alentours, il n'a pas été conservé dans les mémoires ."
Conclusion Les fondations de ce moulin à vent sont uniques. Du point de vue du patrimoine local, la mise en évidence de ces restes serait un plus incontestable. Les éléments pourraient être déplacés et reconstitués dans une des pelouses autour de la mairie. Ces fondations s'inscrivent dans un diamètre de 4 mètres ce qui représente une tâche raisonnable. Un entretien avec Mr Tanguy, maire du Plessis-Pâté, laisse à penser que ce projet est réaliste.
Notes (1) Document fourni par Pascal Herbert. (2) Ce document a été trouvé par un survol systématique des minutes des liasses des notaires parisiens du XVIe siècle. La raison est simple: le nombre de documents délivrés aux AN, limité à 5 par jour, laisse un temps suffisant pour dénicher des actes, qui parfois, sont plus intéressants que ceux recherchés par raisonnement. (3) Texte rédigé par Stéphane ADAM, Responsable d'opération. INRAP 2010. (4) J.-Y. Dufour Roissy-en-France « le moulin à vent ». Rapport final d'opération. INRAP. Janvier 2009. 297p. Cf. p. 24.
Ces sujets peuvent être reproduits " GRATUITEMENT" avec mention des auteurs et autorisation écrite
|