La fin du chateau du Plessis-Pâté (de l'an V de la République à 1831) |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------ _------- --------------- -------- - Octobre 2010
Extrait d'un procès verbal d'estimation du château.JP. Dagnot
La chronique précédente se terminait juste avant l'application de la loi du 28 ventose an IV. L'assignat est remplacé par le mandat territorial, la mise à prix se calcule sur la base de 18 à 22 fois la valeur d'estimation de 1790. Enfin la loi du 16 brumaire an V établit les règles de la vente aux enchères publiques: le paiement a lieu moitié en numéraire, moitié en papier. Ces quelques changements vont permettre la vente des biens nationaux du Plessis-Pâté.
Ajudications de l'an V Au début de l'an V, le presbytère, jardin et dépendances de la commune du Plessis-Pâté, est adjugé au citoyen François Cadier cultivateur, demeurant à Montlhéry... La vente des pièces de terres isolées de l'émigrée commence par soumission. En nivôse, Michel Gilleron de Marolles soumissionne le parc, avenue et dépendances du Plessis d'Argouges. Sa demande déclenche le processus de mise en vente. Un expert Toussaint Fedon, est nommé pour estimer ces biens. Cet entrepreneur de bâtiments demeure à Villiers-sur-Orge, il décrit ainsi l'intégralité du domaine et commence par les bâtiments:
Extrait du plan d'intendance.
Extrait de l'affiche de la vente.
La semaine suivante, la vente a lieu, et surprise, c'est l'entrepreneur de bâtiment qui s'en rend adjudicataire, comme dernier enchérisseur pour la somme de 894.000 frs! Il déclare qu'il se réserve la faculté de faire déclaration de command. C'est le début d'une magouille à tiroir. Quelques mois passent sans payements du sieur Fedon, ceci malgré deux sommations... En germinal, citons la vente de la ferme des Bordes à Brétigny, également celle de la Justice, puis le château des Bordes.
Remises en vente du château Revenons au château du Plessis, l'administration, faute de règlement, considère l'adjudication nulle et se repose la question de scinder le domaine. Nous arrivons au début de l'an VI, une nouvelle adjudication est préparée suite à la folle enchère de Fedon. Les enchères commencent avec une mise à prix de 142.000 frs, la première enchère est portée par le citoyen Husquin 2.000.100 frs ... la dernière par le même 3.022.000 frs. Ce nouvel homme de paille se réserve la faculté de faire déclaration de command. Il a, soit disant, déposé 14.979 frs de rente représentant la garantie du tiers des paiements en numéraire. En marge apparaît le nom du stratège Jean-Baptiste Dupuis, au travers d'un notaire parisien, Thion de la Chaume, qui paie soit disant 11.886 frs de droits divers, dont ceux d'enregistrement attachés à la vente. Dans la région, les habitants flairent la supercherie et comme nous sommes en l'an 6, les mairies ont disparu au profit d'une administration cantonale, c'est l'agent municipal du Plessis qui doit veiller à ce que le nouvel acquéreur ne démolisse pas les bâtiments, ni ne coupe les bois, tant qu'il n'aura pas versé la paiement définitif de son acquisition. Le jeu des chaises musicales continue, l'homme de paille Husquin en constitue un autre, Michel Lallemand pour effectuer le paiement tant du château d'Ecouen, que celui du Plessis d'Argouges, moyennant le prix que le procureur jugera convenable et signer les déclarations des contrats. Suivre et la passation et l'exécution des contrats proposés par le ministre de la Marine pour raison de la vente des bois étant dans le domaine du Plessis d'Argouges... La raison de l'intérêt pour le domaine est enfin apparue! Les risques se confirment, Husquin couvre ses arrières vis-à-vis de son commanditaire Jean-Baptiste Dupuis devant le notaire Thion de la Chaume, en déclarant qu'il a agi pour le compte dudit Dupuis demeurant à Paris rue neuve Etienne, division de Bonne Nouvelle. À Montlhéry, Gaudron-Dutilloy, à la tête de l'administration cantonale, met en garde l'administration chargée de la vente des domaines nationaux, quant à l'abattage des bois du domaine du Plessis. La machine infernale est en route, on a besoin de lampistes qui vont être obligés de payer. Les naïfs sont Antoine Gosselin et Jean Leclerc, marchands de bois, qui se portent caution pour Jean-Baptiste Dupuis, command du citoyen Husquin, acquéreur du domaine du Plessis d'Argouges. L'escroquerie est organisée de main de maître, le commanditaire n'est jamais présent. Les marchands vont jusqu'à se présenter à l'administration et décrivent les biens dont ils sont propriétaires... Nous arrivons en l'an VIII, les cautions n'ont pas suffi. L'administration va remettre en vente le domaine du citoyen Dupuis. Quelques citoyens ont retrouvés de vieilles factures qu'ils soumettent à l'administration pour être indemnisés: Fait assez rare nous sommes en messidor an IX, le préfet de Seine-et-Oise, au vu d'un arrêté du gouvernement, ordonne l'élimination du nom de Chevalier, femme séparée de Gabriel Larivière, Marie-Marguerite, vicomtesse, de la liste des émigrés. Cette dernière promet comme c'est la règle fidélité à la constitution, et va pouvoir jouir, suite à la levée du séquestre, de ses biens non vendus! Elle ne pourra cependant prétendre à aucune indemnité pour raison de ses biens aliénés. Le plus comique, c'est le maire de Marcoussis qui est prévenu! Généralement les émigrés sont revenus l'année suivante. À la fin de l'an IX, un registre d'enregistrement des procès-verbaux d'affiches nous informe que le domaine du Plessis appartenant à Jean-Baptiste Dupuis négociant à Paris, va être mis en adjudication sur une mise à prix de 10.000 frs à la requête de Victor Drovot entrepreneur de bâtiments. Egalement, le ministère des finances exproprie le citoyen Dupuis, faute de paiement des cédules souscrites pour le paiement du domaine. En brumaire an X, Jean-Paul Loyal, notaire à Montlhéry, est désigné pour procéder à l'expertise du domaine du Plessis-Pâté. En préambule il rappelle que ce domaine est cultivé par deux fermiers les citoyens Josse et Philippe qui lui ont montré un écrit fait par un représentant du fameux Dupuis, daté de brumaire an VII faisant bail pour 3 ans des terres du domaine à l'exception du potager moyennant 2.700 frs, et un autre au citoyen Thomas, du potager avec le logement du jardinier. Débute alors la description des lieux. Nous ne reprenons pas en détail la description analogue à celle de l'an VI. Notons simplement les changements intervenus: En floréal an X, Germain Granger, propriétaire de la ferme mitoyenne avec le parc, demande des réparations urgentes. L'administration accepte de faire procéder à l'adjudication des réparations du mur en question. Deux mois après en messidor an 10, a lieu la dernière adjudication du domaine. La description dans l'acte de vente cite encore le "château du Plessis d'Argouges" contenant en superficie 37 ha (on est passé au système métrique!). Dans l'exposé il est rappelé que le fameux Dupuis doit 137.000 frs en six obligations non honorées. Le procès-verbal de ré-estimation du domaine l'évalue à 24.800 frs. cette fois le paiement sera réalisé en numéraire métallique. La première mise en vente n'a pas trouvé de preneur! À la seconde le citoyen Jean Simon de Fienne s'est présenté et a obtenu l'adjudication moyennant 27.380frs soit l'estimation plus les 10% légaux. Le lendemain il a déclaré qu'il avait agit en command pour Pierre Boignet, marchand de fer, et Jean Geneste, marchand de métaux, les deux demeurant à Paris. Une note précise que la place située entre l'église et la ferme ainsi que la croix qui existait sur cette place ne font pas partie de l'acquisition. De ce fait le château est maintenant aux mains de spécialistes de la récupération. Le parc a disparu, il faut maintenant détruire le reste!
La fin des cautions du filou Néanmoins l'administration ne lâche pas les lampistes, ces derniers, Gosselin et Leclaire, adressent une supplique au préfet: Le citoyen Dupuis, fournisseur de la guerre, acquit le château d'Ecouen et du Plessis Sebbeville sous le nom d'Husquin, pour le prix de 3.022.000frs. Le gouvernement désira conserver le château d'Ecouen, comme monument d'art. On engagea l'acquéreur à se désister, il y consentit à condition de proroger une partie du prix de l'acquisition du Plessis-Sebbeville. Le ministère des finances sanctionna cet arrangement. Il voulut jouir des bois avant l'expiration du paiement et fournit donc pour caution lesdits citoyens Gosselin et Lemaire jusqu'à concurrence de 2.950.038 frs... Le citoyen Dupuis était absent pour raison de son commerce... l'administration a pris une inscription hypothécaire sur les biens des cautions ... en final ils demandent main-levée de l'inscription hypothécaire. L'administration n'est pas blanche dans cette affaire: La suite de cette histoire n'est pas glorieuse, le dénommé Leclaire décède en 1808, sa veuve, ayant la tutelle de ses enfants mineurs, demande à Versailles d'utiliser une somme de 40.259 frs provenant de fournitures qu'elle a faite à la manufacture impériale de Sèvres pour acquitter sa dette comme caution dans l'adjudication du château du Plessis. L'administration continue sa besogne, apparemment ils ont retrouvé la trace du fameux Dupuis en Côte-d'Or et contacte le maître des requêtes de la Côte-d'Or pour prendre rang sur les biens du fameux Dupuis...
Bien mal acquit ne profite jamais On pourrait penser que cette chronique s'achève. Nous allons maintenant voir ce proverbe s'appliquer aux biens séquestrés sur les émigrés.
Généalogie simplifiée de la succession Chevalier-La Rivière.Marie Marguerite Chevalier, revenue en France en l'an 9, décède en 1814 sans avoir récupéré ses biens vendus entre l'an V et l'an X. Mère de trois enfants, deux vivent encore et se partagent ce qui reste. Le premier frère avait cédé en 1791 sa part à son frère Henri-Charles. La soeur, au vu du peu à se partager, renonce à la succession. En 1816, un acte de notoriété spécifie que Henri Charles est seul héritier de sa mère quant à la succession de la comtesse d'Esclignac. Les temps changent. Après les défaites des troupes françaises sous l'Empire, le France retrouve un régime monarchique avec Louis XVIII et Charles X roi de France. En 1825, la chambre vote une loi (2) en faveur des émigrés spoliés pendant la Révolution. Henri-Charles de la Rivière, ancien officier des gardes françaises, présente un dossier pour obtenir le règlement et la liquidation de l'indemnité qui lui est due. Il se présente comme seul héritier de sa mère. L'indemnité se monte à la totalité des biens vendus. Examinons le bordereau d'indemnité: Elisabeth-Pauline Larivière, soeur d'Henri-Charles, est mariée à un contre-amiral de la marine royale et demeure à Cherbourg. Elle regrette sa décision d'abandon de la succession de sa mère et demande également sa part à l'administration sur les biens séquestrés sur sa mère. L'administration jubile, le dossier du frère peut être bloqué! Un procès commence en 1826 entre le frère et la soeur où elle présente son contrat de mariage pour obtenir sa part... Deux années passent et en 1828, un jugement intervient entre les parties qui donne raison à la soeur. Après la sentence, l'administration renvoie le dossier de la soeur, en demandant un complément d'instruction! Les mois passent nous sommes en 1829, les courriers se passent dorénavant entre le préfet qui a changé et le ministre des finances. En 1830, dans une séance du conseil de préfecture, le préfet vu le dossier, l'avis de son prédécesseur, en septembre 1826, sur la demande d'Henri Charles, et sa soeur, ..., vu le jugement de 1828, les droits de la vicomtesse fixés au tiers de la succession, que les réclamants ont laissé expiré les délais prescrits, il est impossible d'exprimer un avis motivé, déclare que la somme retenue sera de 747.214 frs et il demande de produire encore quelques documents! Le dernier document date d'août 1831, le bureau de l'indemnité, de la direction du contentieux du ministère des finances, transmet au préfet la décision prise par la commission de liquidation, pour l'adresser aux intéressés ...
Notes (1) La somme de 2.950.938 frs en bon des deux tiers, correspond multiplié par 50, à 59.018 frs en numéraire métallique. (2) Loi dite du milliard du 23 mars 1825. Une somme légèrement inférieure à un milliard de francs doit être partagée entre cinquante mille nobles en l'espace de cinq ans. Cette loi permet aussi de régler définitivement le problème des biens nationaux. (3) Le capital est égal dans le cas présent à 18 fois les revenus.
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