Le fief de Plainville à Linas |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _-------------------------Septembre 2008 Extrait d'un plan terrier du XVIIIe siècle.JP. Dagnot Ajout de paragraphes en bleu
Cette chronique se propose de décrire l'histoire d'un lieu, assis à Linas, au 7 de la rue Saint Mery. Le portail de cette demeure a déjà fait l'objet d'une inscription à l'inventaire du patrimoine des monuments historiques.
Les documents anciens avant l'érection en fief En 1207 des lettres d'Eudes, évêque de Paris, et du chapitre de Linas, permettent à Acius, chantre, de conférer ses prébendes de chanoine et de chantre à qui bon lui semblera, à condition qu'elles reviendront à la communauté en cas de mort ou de cession du titulaire. Y a-t-il une relation avec les biens en censive du chantre et l'acte suivant? En 1275, un acte nous apprend qu'une maison est située dans la censive du chantre de Linas. C'est le prévôt de Corbeil « Jehan Cocos, prévoust de Courbueil », qui notifie avec « Jehan Le Minagier, garde dou seel de la prévousté », la cession faite à Raoul de Vémars par Arnoul Le Tanneur et Marguerite, sa femme, d'une maison et jardin sis à Saint-Merry de Linas en la censive du chantre. S'agit-il du futur Plainville? Début XVIIe siècle, Marc Paris chirurgien demeurant à Montlhéry déclare une maison, scellier contenant un espasse ou environ, couverte de chaume cour cave en icelle, le tout situé rue st Médéric. Cinq années après, Sulpice Chartier, marchand boucher demeurant à Linois, déclare au profit du chantre du chapitre, une maison contenant un espasse couvert de chaume petite cour derrière le tout situé rue st Médéric. Enfin en 1611, Nicolas Lefèvre, précepteur du Roy et de monseigneur le Prince, déclare deux corps d'hôtel couverts de tuiles, grange volière étable cour et jardin derrière le tout avec une autre maison appelée anciennement la Poitevine.
Erection du fief de Plainville Nous sommes en 1613, "vénérable et discrette personne, Jacques Dervilliers, prestre, chantre et chanoine de l'église Saint Mery de Linois, confesse avoir érigé en fief par ces présentes, les maisons des héritages qui ensuivent à savoir: De cet acte notons "les anciennes clostures" , ce terme ainsi que celui de murailles est systématiquement recherché en vue de déterminer les fortifications de Linas qui ont existé durant la première moitié du XVIIe siècle. Vers 1630, le sieur Régnier décède. Sa succession se fera par l'intermédiaire de Jacques Pageot, écuyer, tuteur de Louise, fille du deffunt. Une adjudication aux requêtes du Palais attribue à Louis Lambert le lieu de Plainville. Curieusement son fils René Régnier, aide de camp des armées du roy, portera le titre de sieur de Plainville jusqu'aux environs de 1645. Quatre ans après la Fronde, Guillaume Dupuy, trésorier de l'extraordinaire des guerres en la province de Normandie, demeurant à Paris rue et paroisse Saint Honoré, de présent en sa maison de Plainville, usufruitier par donnation à lui faite par deffunt Louis Lambert, vivant maître ordinaire en sa chambre des comptes & dame Marguerite Bacquet son épouse advoue détenir en censive de la Roue: Ce personnage sera plus amplement décrit lors de la chronique sur la Chataigneraie qu'il n'habite pas cette année là, peut-être en raison des dégâts causés par la Fronde. Comme tout sujet, il déclare ses biens en roture, se trouvant derrière la maison de Plainville, au seigneur dominant de la Roue (à cause de sa chapelle).
Une seconde version le décrit confessant détenir à titre de cens envers le seigneur de la Roue, patron de la chapelle nostre dame de la Roue, à cause de ladite chapelle, en commun avec la commanderie du Déluge: En 1664, la veuve de Guillaume Dupuy a rejoint la Chataigneraie (chronique à venir), et Plainville est désormais la propriété du sieur de Bois Maigre. Ce dernier n'a pas dû remplir ses devoirs de vassal et il est attaqué par Guillaume Dupin chantre et chanoine à Linois :" par devers la saisie féodale dudit fief mouvant et relevant de la chantrerie de Linois dudit chapitre et fait défense au prévost de Montlhéry d'en connoistre" ... L'affaire se termine un an après par une sentence des requestes du Palais à Paris, entre Guillaume Dupin chantre, et Jean Bois Maigre, clerc des cents suisses qui déclare bonnes les offres faites par ce dernier et fait main levée de la saisie féodale du fief de Plainville appartenant au sieur Dupin à cause de sa qualité de chantre.
Plainville sous les Gohel-Boucher Il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour voir Plainville, avec de nouveaux propriétaires. En effet le couple Nicolas Boucher-Marguerite Gohel, achète les lieux à Denis Bourgoin, chevalier, seigneur de la Grange Batelière. Ce dernier, comme fils aisné, est seul héritier par la renonciation de Lambert Bourgoing et de ses frères et soeurs, de Louis Bourgouin, maître ordinaire en la chambre des comptes. L'acquisition de la petite Rome est faite en un second temps par les mêmes. Les Bourgoin se défont de leurs héritages à Linas. Le même jour, Nicolas Gaudron, chevaucheur ordinaire des écuries du roy demeurant à Linois achète diverses pièces, le tout contenant 50 arpents, soit tous les héritages de la succession sur Linois, La Ville-du-Bois, Longpont, la Roue et Montlhéry. Relevons que Boucher et Gaudron sont beaux-frères par leurs femmes Gohel. Le premier qualifié de bourgeois de Paris demeure quai Malaquais, le second, chevaulcheur ordinaire des écuries du Roy, demeure à Linas. Le couple s'installe et comme tous les notables de l'époque, acquiert une concession de banc en l'église St Méry, acte rédigé par le chantre de la collégiale. A noter que les chanoines d'une part, et la fabrique d'autre part, se partagent par moitié les 100 livres demandées pour la concession. L'an 1712, un foy et hommage portant aveu et dénombrement, est rendu par Nicolas Boucher, sieur de Plainville demeurant à Paris, à Mr Claude Legrand, chantre.., pour raison du fief de Plainville situé à Linois rue saint Médéric, à cause de sa dignité de chantre. Ledit fief consistant en une grande maison sur la rue St Médéric, contenant en fond de terre deux arpents et demy, tenant le tout d'un coté au sieur avouant et à Louis Bonnemé, d'autre aux murs du bourg de Linois, d'un bout au sieur avouant d'autre bout à la rue st Médéric. L'intérêt de l'acte n'est pas l'aveu mais la confirmation que les fortifications de Linas longeaient cette propriété. Ce couple parisien demeure également à Paris, rue Jacob, paroisse St Sulpice. Lui est bourgeois de Paris, un de ses beaux-frères n'est autre que Nicolas Gaudron, devenu maître de poste à Linas, l'autre Mathurin Lemaréchal, commissaire de police à Montlhéry. Ce bourgeois décède en 1727 dans sa maison de Linas. De son inventaire après décès, pas grand chose d'original à dire. Son épouse comme c'est la coutume, rend un aveu des biens au chantre de St Mery en 1736. A la même époque, la veuve remplit également les mêmes devoirs et déclare aux seigneurs de la Roue et du Déluge: En 1747, Delle Marguerite Gohel, veuve Nicolas Boucher, bourgeois de Paris, fondée de procuration de Nicolas Gohel son neveu, lequel estoit fils de Pierre qui estoit de un autre Pierre & Anne Pétrimoux ses pères & mères fait une déclaration pour une grange size à Linois sur la grande rue qui descend de Montlhéry à Linois sous laquelle est une cave près de la Fontaine, petite cour derrière tenant d'un côté à Robert Benoist, d'autre à Robert Blanchard. De nouveau en 1750, Marguerite Gohel, demeurante ordinairement à Paris rue du Cocq, paroisse St Jean en grève, estant de présente en sa maison de Plainville rue st Médéric, à Linois, réitère l'aveu de 1737 comme usufruitière de la maison & héritage, à François Penot de Tournière de Cossière, seigneur de la Roue, à cause de ladite chapelle par moitié, & au commandeur du Déluge pour l'autre moitié. Elle a en effet donné la nue-propriété à son neveu Nicolas Gohel en se réservant sa vie durant l'usufruit. En 1755, le couple Boucher-Gohel étant éteint sans enfant, le bien passe au neveu Nicolas Boucher qui décède à son tour laissant sa soeur Charlotte comme héritière de Plainville. Cette dernière n'est pas intéressée par le lieu et vend cette propriété.
Plainville sous Dlimal Nous arrivons en 1766, devant un notaire de Montlhéry ayant rejoint la capitale, Anne Charlotte Gohel, veuve Joseph Schmitt, Suisse de nation, maître peintre à Paris, y demeurant rue de Bretagne au Marais, paroisse Saint Nicolas des Champs, laquelle vend à Jacques Joseph Dlimal, courrier ordinaire du Roy, et Claudine Boution son épouse, la propriété de Plainville comme déjà décrite plusieurs fois. L'ensemble forme un clos de 8 arpents (24.000 m2) dont 2 en fief. La petite Rome fait également partie de la vente. La vente faite moyennant 9.500 livres francs deniers. La vente semble bien s'engager, quinze jours après l'acheteur s'acquitte de ses devoirs de vassal devant Louis Beauperrin de Villemont, doyen, chantre, chanoine du chapitre de Linas. Ledit Beauperrin formant une opposition deux mois après le serment pour recevoir ses droits de quints associés audit fief. Les relations s'arrangent avec la concession d'un banc au sieur Dlimal, dans l'église Saint Médéric. Un autre problème survient qui concerne la vente faite quelques mois plus tôt. Les héritiers collatéraux de Nicolas Gohel se manifestent, il s'agit de la branche des Gaudron Dutilloy (Pierre, Charles, et Marie-Madeleine). Ils essaient de s'opposer à la succession de Nicolas Gohel. Leur action se fera à leurs frais et dépens (216 livres), libérant enfin la vente de Plainville. Ce propriétaire ne sera pas épargné par le comte de Noailles, nouveau seigneur de Montlhéry, qui essaie de récupérer un maximum de droits pour sa châtellenie. Néanmoins, le chantre visé verra son fief de Plainville, comme amorti et possédé en franche aumône. La confirmation est donnée en 1786, par une sentence rendue en la chambre des comptes, entre Noailles et le grand chantre Thibert qui décharge le sieur de "Limagne" (Dlimal), propriétaire du fief de Plainville, de l'assignation à lui donnée en exécution d'un jugement du 17 février dernier, et ordonne que le fief de Plainville ne sera point compris dans les évaluations du comté. C'est peut-être la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, en effet en 1787, Jacques Joseph Dlimal, courier ordinaire du roy et Claudine Bouton son épouse vendent à Benoist Bastide "intéressé dans les affaires du roy" , une maison et fief appelée le fief de Plainville sis à Linas rue st Médéric consistant: Un regard sur les revenus du Chapitre d'octobre 1790, montre pour le sujet qui nous intéresse, le droit de mutation du fief de Plainville qui s'est élevé à 1.000 livres. C'est la dernière fois, qu'il sera perçu, le fief disparaissant avec la Révolution.
Plainville durant la Révolution et l'Empire Nous savons peu de choses sur Benoit Bastide. Son testament rédigé peu avant son décès en l'an 8, constitue sa veuve, Geneviève Thouvenot, légataire universelle, elle devient ainsi propriétaire des lieux. L'endroit semble lui convenir et voulant améliorer ses revenus, elle vend la nue-propriété de Plainville et se réserve l'usufruit. C'est pour cette veuve, sa résidence secondaire. Elle décèdera à Paris le premier prairial an 13. En ce qui concerne les propriétaires suivants, en l'an 10, la veuve Martner acquiert la nue propriété de Plainville, à Geneviève Touvenot veuve Benoit Bastide, qui s'est réservée l'usufruit. L'usufruit est réuni à la nue propriété par le décès de la veuve Touvenot le premier prairial an 13. En 1811, une autre veuve, Dame Charlotte Marie Bertrand, veuve André Martner du Lys, demeurant rue de Berry, vend à Pierre Marie Chrétien, docteur en médecine, et Joseph Rosalie Ichalette, demeurant à Paris: Logette qui est célibataire achète à Pastoureaux aussi célibataire. Logette achètera deux portions de terrain qui se trouvent depuis encloses, une de 17 m2 l'autre de 68 m2. Ce sieur récompensera une compagne en 1816, en se mariant avec elle en juillet, et en lui cédant ses biens mobiliers et immobiliers dont Plainville. Deux mois après, il décède sans héritier. Sa veuve, dont les charmes sont certains, fait appel à une dame Jeanne Michèle Dupin pour la représenter à partir de cette époque. Ainsi pour le cadastre cette personne est considérée comme la propriétaire! La revente des lieux en 1825 sera également réalisée par cette mandataire demeurant rue de Richelieu. L'acheteur Martin Roche "tient l'hôtel des colonies à Paris rue de Richelieu"(1)... Dans l'acte Plainville est désigné comme maison de campagne. La description est toujours la même. On parle encore de la réunion de Plainville et Rome. Pour la petite histoire, Pastoureaux logeait dans l'hôtel garni (en tous les sens du terme), rue de Richelieu.
En examinant le plan cadastral ci-dessus et les indications de la matrice ci-dessous, la propriété est détaillée sans ambiguïté: Nous arrivons en 1827, Martin Roche, tenant l'hôtel garni des colonies, demeurant à Paris rue Richelieu, lequel cède à Léonard Cabot propriétaire, demeurant à Paris rue Roquépine: La suite peut être continuée par des curieux. Relevons les propriétaires mentionnés par le cadastre: Cabot, Berthelot, Boussard, Bettancourt... Egalement la propriété se divise au fil du temps.
Note (1) Cet hôtel est cité dans les romans du XIXe siècle comme accueillant les touristes et les provinciaux.
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