Cette chronique est la seconde partie de l'histoire d'une des branches de la maison de Montlhéry, celle issue d'une des filles de Milon 1er le Grand (*). Alors qu'aucun patronyme ne nous ait parvenu, nous avons pris le parti d'appeler Adélaïs de Montlhéry-Plancy. Cette demoiselle fit souche dans le comté de Champagne pour avoir épousé Philippe de Plancy : « N… de Montlhéry fut conjointe avec le seigneur de Plancy en Champagne… ». Après avoir parler d'Adélaïs, son mari Philippe, leur fils Hugues 1er et leur petit-fils Hugues II de Plancy, nous poursuivons l'histoire de cette maison qui donna un évêque, un régent du royaume de Jérusalem et des seigneurs prestigieux du comté de Champagne (1).
C.Julien - Novembre - 2015
Les croisés
Les chevaliers de la maison de Plancy avaient accompagné, vers 1179, le comte Henri le Libéral à la seconde croisade prêchée par saint Bernard (2). Parmi les seigneurs qui faisaient partie de la suite, on cite Pierre de Courtenay, fils du roi de France, Guiard de Reynel, Henri comte de Grandpré, Geoffoy de Balan son frère, le chancelier Etienne, Milon le Bréhan et Hugues II de Plancy . Après une expédition désastreuse, prenant la voie de terre, le comte traversa l'Illyrie et revint en France, où il arriva vers la fin de février 1181 avec son chancelier, futur évêque de Troyes.
Gilon, seigneur de Plancy, ne voulut pas s'éloigner de France sans réparer ses torts envers le monastère de Montiéramey. Les religieux s'étaient plaints au pape, et les abbés de Clairvaux et de Longuay avaient été chargés d'examiner l'affaire. Gilon reconnut ses injustices nombreuses et défendit à sa femme d'exercer, pendant son absence, aucune vexation à l'égard des religieux (3).
Les plèges du comte de Champagne
Sous le règne d'Henri de Champagne, Hugues de Plancy, l'un de ses vassaux champenois, se porta garant du serment que l'évêque de Meaux obtient du comte et par lequel ce dernier promet de ne plus imiter la monnaie de Meaux.
En 1165, Henri eut une contestation avec l'évêque de Meaux : nous ignorons à quel propos. Et pour porter préjudice à cet évêque contre lequel il était fort irrité, il fit fabriquer en métal de bas aloi des deniers semblables à ceux de la ville de Meaux, où le droit de frapper monnaie appartenait au prélat. Grâce à la différence de prix qui existait entre l'argent en lingot et l'argent monnayé; il était de règle, au moyen âge, que le droit de frapper monnaie fût pour les hauts barons une source importante de revenu. La fabrication des monnaies était donc une des branches de recette de l'évêque de Meaux; mais quand les deniers faux frappés par ordre du comte de Champagne se furent répandus, et que leur existence fut de notoriété publique, toutes les personnes auxquelles on offrait des deniers de Meaux, soit que ces deniers eussent été frappés par les officiers de l'évêque ou par ceux du comte, craignirent de recevoir des pièces de monnaie sans valeur, et refusèrent de les accepter, ou ne les acceptèrent qu'à un cours inférieur au cours primitif. Cependant l'illustre faux monnayeur reconnut ses torts, et, la main sur les reliques, il jura de respecter à l'avenir les droits de l'évêque ( Hist. des ducs et comtes de Champagne , t. III). Selon d'Arbois de Jurainville, la mention de témoins qui terminent la plupart des chartes de Marie de France et d'Henri II permettent de dresser la liste des conseillers de cette comtesse et de ce comte. Parmi les anciens conseillers se trouvent Anseau de Trainel, Garnier de Trainel, Hugues de Plancy , Robert de Milly et Guillaume archevêque de Reims, frère d'Henri 1er.
Les historiens rapportent les paroles du comte : « À l'avenir, je ne ferai faire, ni laisserai faire par mes sujets, ni bonne, ni fausse monnaie de Meaux; je ne me permettrai, ni ne permettrai à personne, autant qu'il sera en moi, aucun acte qui puisse la déprécier, et autant que j'en aurai le pouvoir, elle aura le même cours que les monnaies de Provins et de Troyes. Si quelqu'un imite la monnaie de Meaux, en bon ou en » mauvais métal, ou altère celle qui est déjà frappée, j'en ferai justice comme s'il s'agissait des monnaies de Troyes ou de Provins. Il y a deux choses surtout que je liens à rendre manifestes: c'est que je ne puis pas changer la monnaie de Meaux ni la rendre plus légère, et c'est que je dois faire en sorte (selon mon pouvoir s'entend), que, dans le comté de Provins et de Troyes, elle a ait cours comme étant de même aloi et de même poids que mes monnaies susdites, et qu'elle y soit acceptée sans change ».
Sur l'ordre d'Henri, trois de ses barons confirmèrent ce serment par un autre; ces barons étaient Anseau de Traînel, bouteiller; Hugues II de Plancy , et Eudes de Pougy, connétable, ils jurèrent que rien de contraire aux engagements pris par le comte ne se ferait avec leur consentement, « si même, nous pressentions qu'il eût le projet de violer sa promesse, nous ne négligerions ni les exhortations ni les prières les plus vives pour a l'en empêche r », ajoutaient-ils (Cartulaire de l'église de Meaux). Il faut remarquer qu'Anseau de Trainel, bouteiller du comte de Champagne, et Hugues de Plancy étaient beaux-frères à cause d' Élisabeth de Trainel, femme de Hugues.
Haïce (Barthélemy) de Plancy
L'état civil d'Haïce de Plancy « dominus Haicius de Planceio » nous est mieux connu : selon une charte de 1168, Haïce était frère d'Hugues II, seigneur de Plancy ; il appartenait donc par sa naissance au baronnage champenois. À son prénom Aïcius , Haïcius ou Haycius , qu'on écrivait en français Haïz dans une charte de 1170, il joint, dans un grand nombre de diplômes, le nom de sa famille de Planceio ou de Planciaco . Il était clerc en 1160, puis chanoine de Saint-Étienne de Troyes en 1161 et sous-doyen de la même église en 1164.
De nombreux diplômes citent le nom d'Haïce de Plancy. Pendant son canonicat, en 1162, il est témoin et souscrit la charte du comte Henri le Libéral qui fait un échange de serfs avec le monastère Saint-Loup de Troyes en recevant pour sa part, la sixième partie de froment à prendre proche l'étang piscicole de La Bretonnière et remet à ce couvent diverses redevances. En l'an 1164, le couvent de Molesme engage à ce chanoine sa grange de Rumilly. En l'an 1182, il est qualifié de doyen des chanoines de Saint-Étienne. En 1190, Haïce de Plancy fut intronisé évêque de Troyes sous le nom de Barthélemy « Bartholomeus de Plancy, Trecensis episcopus » (4). En 1168, Haïce de Plancy, qualifié de sous-doyen de Saint-Etienne « Haicius, subdecanus Beati Stephani », souscrit la charte confirmative de Mathieu, évêque de Troyes, qui constate que, sous la direction du prieur Jean, le prieuré de l'Abbaye-sous-Plancy « prioratus de Planciaco qui vulgo Abbatia dicitur » a vendu à Saint-Loup, moyennant 300 sols, tout ce qu'il possédait à Longsols et en confirme la vente.
Dans le bulletin de la Société littéraire et historique de la Brie, il est dit qu'Haïce de Plancy avait exercé d'abord la fonction laïque de chancelier de Henri 1er en 1168 et 1173, remplaçant momentanément Étienne. Il était chancelier du comte en Terre-Sainte, où il figure dans une charte de 1179 (datée de Sébaste, l'ancienne Samarie, in urbe Sebastiensi , n° 315), en 1180 à Troyes (n° 319). Il conserva ses fonctions de chancelier sous la régence de la comtesse Marie et sous le règne de Henri II le Jeune. Il devint en 1190 évêque de Troyes (Gall. Christ., XII, 503BCD) (5).
Dans la seconde moitié du XIIe siècle l'abbaye de Molesme était fortement endettée, plusieurs aliénations survenues sous l'abbatiat de Névelon de Bazoches prouvent que l'état financier était fort obéré. Pour faire face à son énorme embarras financiers, Thomas de Chacenay, abbé de 1171 à 1175, dut emprunter, vers 1175, 35 livres à Haïce de Plancy, qui obtint pour cette somme le renouvellement de la gagerie, bail viager des granges de Rumilly et de Courgelaines avec leurs vastes dépendances. Élu en 1177, le nouvel abbé nommé Engelbert dut continuer les expédients de ses prédécesseurs en empruntant 120 livres à Haïce de Plancy sur le village de La Perthe, qu'il bailla au prêteur pour en jouir sa vie durant. Par ce prêt, ce chanoine se faisait concéder la jouissance viagère de sa gagerie. L'abbaye ne put récupérer La Perthe qu'en 1190, quand Haïce fut élu évêque de Troyes ; encore bénéficia-t-elle d'une clause du bail de 1176, suivant laquelle Haïce s'obligeait à rendre La Perthe s'il devenait évêque.
De 1182 à 1188, Regnaud, abbé de Molesme, approuve l'arrangement que Haïce de Plancy a fait avec l'abbé de Rebais, au sujet de la femme de Renaud de la Perthe et de celle de Garnier de Bonne-Voisine. Haïce de Plancy n'attendit pas qu'une des clauses de la charte de 1166 fût accomplie pour remettre à l'abbaye de Molême la possession de la Perthe. Dans un titre qu'on peut placer de 1190 à 1193, il abandonne tous ses droits sur la Perthe « Perta, Perleia, Pertica ».
Avant son élévation à la dignité de chancelier, Haïce de Plancy faisait probablement déjà partie du conseil habituel du comte Henri, car il est témoin des dix-huit chartes de ce prince données entre 1159 et 1177. La principale fonction des chanceliers d'Henri paraît avoir été de faire rédiger les chartes qui constataient les actes de son administration. En 1182, la comtesse Marie reçoit le témoignage d'Haïce de Plancy, à qui Henri avait enjoint de faire exécuter une charte : « domini Haicii, cancelarii, cui idem dominus cartam suam quper hoc faciendam injunxerat ». En général, le chancelier se bornait à faire rédiger les actes par le notaire du comte, et la seule fonction dont il dût personnellement s'acquitter était d'opérer la remise de cet acte à la partie intéressée. On avait soin de faire, au bas de la pièce, mention de l'accomplissement de cette formalité. De là, la formule « tradita ou data per manum N. cancellarii ». Il ne faut pas la confondre avec la formule « Actum… » qui se rapporte à la convention verbale dont la rédaction de l'acte était précédée.
Étant à Sézanne, en mars 1187, le comte Henri transige avec Haïce de Plancy sur la propriété de cinq serfs. Les évêques de Troyes avaient le droit d'émettre des monnaies épiscopales. Des deniers, datés de 1192, ont été attribués à Barthélemy de Plancy.
Haïce de Plancy selon Desguerrois
Une très ancienne biographie du soixantième évêque de Troyes, Haïce de Plancy, connu sous le patronyme Barthélemy a été donnée par le père N. Desguerrois, jésuite de Troyes dans son ouvrage « La saincteté chrestienne contenant les vie, mort et miracles de plusieurs saincts de France et autres pays et dont les reliques sont au diocèse et ville de Troyes », publié en 1637.
Voici la version de cet auteur en le français du XVIIe siècle. « Bartholomeus vel Haycius de Planceio, que la recommandation des bien-facteurs de l'église cathédrale nomme en son ancien idiome l'évêque Bartolomeu, il étoit sorty de la noble maison de Plancy, dès son bas aage, il fut eslevé petit chanoine en l'église cathédrale, comme il le déclare en un tiltre de l'an 1191. En après il fut bénéficier et maistre escole de l'Église de D. Estienne de Troyes, ainsi qu'il se void cy devant en un tiltre de l'an 1163 fait par le comte Henry et Manasses doyen de S. Estienne, auquel an il assista aux accords faicts entre Saueric, prieur du S. Sepulchre et Hugues de Rumilly. Il fut an après (si ce ne fut au mesme temps) prévost et chanoine de l'Église de S. Quiriace de Provins, et fut trouvé si homme de bien qu'il fut chancelier du comte Henry, et de la comtesse Marie sa femme, comme il se montre au tiltre de l'an 1180. Il fut esleu doyen de Sainct Pierre après la retraite de Pierre Comestor en l'an 1173, dix ans après en 1183 fonda les 7 chanoines (redigez à quatre) qui sont en la chapelle de N. Dame de S. Pierre, ainsi qu'il est dix audit en 1183. En fin pour sa vie vertueuse il fut évesque au mesme an 1190, après les trépas de Manasses, et alors cette fondation qu'il avoit octroyé au doyen et chapitre de ladite église pour conférer ces prébendes de N. Dame quand elles vacqueroient, il se l'attribua et à ses successeurs par un tiltre de l'an 1191, à quoy s'accorda Jean doyen et tout le chapitre, comme il se void audit tiltre, tellement que c'est l'évesque qui les confère à présant (6).
« En cette mesme année 1191, ayant veu la piété de son prédécesseur, qui avoit donné à la susdite église de S. Pierre la moitié de la seigneurie du village de Vennes, luy ayant l'autre moitié en sa possession et joüyssance, la donna au mesme chapitre, et par le moyen de ces deux évesques Manasses et Haïce, le chapitre susdit est seigneur de Vennes, dont il leurs en fist tiltre, auquel il déclare qu'il fist cette fondation pour éviter aux querelles qui pourroient arriver entre les évesques de Troyes et ledit chapitre encore pour n'estre point ingrat envers l'Église qui l'avoir promeu à la dignité épiscopale, il donna l'église de Rameru à sa nomination, et les moulins de Jailard avec leurs revenus, lesquels il avoit eu des religieuses de Foicy par eschange de ses dismes de Villechetif, et pour oster quelque différant arrivé entre ce chapitre et ces religieuses, touchant ces moulins, à condition que ledit chapitre feroit son anniversaire chaque année après son trespas. En quoy se remarque la grande piété et douceur de ces bons prélats qui bailloient leurs biens, tant pour nourrir les ecclésiastiques, que pour trouver pardon à leurs offences, et paradis après leur mort, qu'ils s'acquesteroient par de grandes aumosnes. De ces choses, il y en a deux tiltres, l'un de l'an 1191, l'autre de 1192.
Barthelomeus de Plancy décéda le 20 de février l'an 1193, comme il se void dans le livre des obits de S. Loup, à l'abbaye duquel il donna la paroisse de Chars. Au jour que l'on célèbre son anniversaire l'évesque donne du pain et du vin aux chanoines de S. Pierre et à quelques autres officiers de l'Église. Il est enterré dans l'abbaye de Larrivour vis-à-vis du grand autel, comme il l'avoit demandé, et c'est signe qu'il y a faict du bien, mais nous n'en voyons aucune charte. Son sépulchre est afleuré hors terre de la hauteur d'un demy pied, et il n'y a point d'autre éloge de luy, sinon ces mots pour son épitaphe « Hicia et Bartholomeus Trencensis épepiscopus » cy gist Barthélemy évesque de Troyes, et une mémoire de luy dans le livre des obits dudit monastère, où il est déclaré qu'il mourut le 20 février.
L'abbaye de Sellières avait été fondée l'an 1167. Une amplification de l'évêque de Troyes fut faite en 1192. « Je, Barthélemy par la grâce de Dieu, évesque de Troyes, fais sçavoir à la mémoire des vivants, et de ceuls qui viendront, que par mon commandement et par devant Jean doyen de Ponts et autres, à sçavoir Jean prêtre de Conflands, Jean prêtre de Rumilly, et Bonon son chapelain, qu'il fut recognu que l'Isle de Seellières, qui se divisoit en 8 parts, dame É lisabeth la rousse (russa) en a donné cinq en aumosne à la maison religieuse de Seellières pour le salut de son ame, et pour son neveu (ou arrière fils) Jean, qu'elle fist moyne en cette maison ; Hugues seigneur de Rumilly racheta les cinq parts de son frère Odon, les acquitta (ou affranchit) à cette maison ; la sixième part d'icelle Isle qui appartenoit à Regnard de Gelanes et à ses frères, l'un d'iceux nommé Estienne, l'a donné en aumosne à cette maison, s'y rendant religieux, et ses frères receurent du susdit Hugues cent sols pour l'affranchissement. Quant à la septième partie, dame Alguidis de Mesnail l'a donné à cette maison en aumosne pour son fils Guillaume qu'ell y a rendu moyne, ce qu'ont alloué ses fils et filles, pourquoy ils ont receu cent sols du susdit Hugues. Donc ledit Hugues, comme est dit, acquitta et affranchit toutes ces choses, et les fist allouer par ses héritiers, afin d'appartenir à la dite maison de Seellières pour le remède de son ame, et de ses femmes É lisabeth et Alis, et de ses parans, et afin que cecy soit plus stable, j'ay commandé d'en faire ces tiltres et les sceller de mon scel. Fait en l'an 1192 ».
Miles de Plancy sénéchal de Jérusalem
Avant de partir pour la Terre Sainte, Milon de Plancy assiste, en 1152, son cousin Simon de Broyes lors de la charte de ratification de tous les biens données par ses prédécesseurs à l'abbaye de la Chapelle aux Planches de l'ordre de Prémonté en la présence de ses deux autres cousins Hugues de Broyes et Guillaume de Dampierre. « Notum fit omnibus ecclesiæ Dei filiis, quod ego Simon dominus Belfortis, anno incarnationis MCLII, indictione XV, epacta XII, concurrente II, cum bissexto, in præsntia multorum concessi et confirmavi ecclesiæ sanctæ Dei Genitricis Mariæ de Capella ob remedium animæ meæ et patris mei, omniumque prædecessorum meorum, omni ailla quæ prædecessoribus ecclesiæ prædictæ fratribus Deo serventibus tradita sunt, Hugonis fratre meo domino de Brecis in præsentia Willelmi domini de Dampetra et Milonis de Plancy… ». La donation comportait toute la terre pour y construire l'église avec ses dépendances et tout les bois avec droits d'usage et les terres et le libre pacage tant pour les porcs que pour les autres bestiaux.
En 1160, Milon de Plancy « Milo de Planci » est l'un des témoins laïcs qui souscrit la charte d'Hugues, archevêque de Sens attestant que Fromond Farsit, de Joigny, a donné à l'église de Molême « Molismensi ecclesie » et à celle de Senan, tout l'aleu qu'il possédait à Bagneux et que, longtemps auparavant, Herbert, fils de Garnier de Joigny, avait donné aux mêmes églises. Dans cet aleu sont des hommes libres et des serfs.
Ce personnage fut l'un des plus célèbres de la maison de Plancy pour avoir fait « le voyage d'Outremer », en Palestine où il participa au gouvernement du royaume de Jérusalem. Il eut la réputation d'un homme dissolu et méchant. Le fils cadet d'Hugues II de Plancy était destiné aux armes. Du même sang « consanguineus », c'est-à-dire cousin du roi Amaury 1er, issu Beaudouin II de Bourcq, fils de Mélisende de Montlhéry et en reçut les honneurs en conséquence. C'est son cousin qui lui donna la sénéchaussée du royaume, et peu après la main de Stéphanie de Milly, devenue veuve d'Onfroy III de Toron. « Erat autem ex parte uxoris dominus Syrie Sobal, illius videlicet regionis quae est trans Jordanem, quae vulgo dicitur Montis Regalis ». Ainsi, Miles ou le chevalier champenois, se rend en Orient aux alentours de 1160, pour rejoindre le roi Amaury. Milon de Plancy, fut sénéchal du royaume de 1166 jusqu'à sa mort « séneschal de Hiérusalem », et participa à une des expéditions en Égypte, consistant à défendre ce pays contre les attaques de Shirkuh, un des généraux de Nur-ad-Din, lequel cherche à annexer le pays pour encercler le royaume de Jérusalem. L'expédition est un succès et le "califat fatimide" d'Egypte passe sous le protectorat du royaume de Jérusalem au mois d'août 1167.
Amaury 1er meurt le 11 juillet 1174 et son fils Baudouin IV, enfant atteint de la lèpre lui succède sous la régence de Miles de Plancy qui se comporte en régent informel et poursuit la politique du défunt roi. Mais il commet de graves erreurs qui lui valent rapidement l'hostilité de la noblesse. À cette époque, il prend en divers actes ce titre seigneurial : « Milo, Montis Regalis dominus ». Le chroniqueur Guillaume de Tyr mentionne : « Milo de Planci de Campania ultramontana de terra Henrici comitis Trecensis », Milon de Plancy, de la lointaine Champagne des terres d'Henri, comte de Troyes. En réalité l'historien du royaume de Jérusalem n'aimait pas Miles de Plancy, le qualifiant de querelleur et de fauteur de troubles et Miles, disant qu'il insultait les autres seigneurs, particulièrement ceux originaires de Terre Sainte, refusant de les consulter sur aucune matière. Il n'en demeure pas moins fidèle au roi, mais il entend le soustraire aux pressions des barons du royaume, et fait bientôt l'unanimité contre lui. On accuse le sénéchal de vouloir s'arroger tout le pouvoir, et même de vouloir usurper la couronne.
Miles de Plancy « Milo de Planci, Milo de Plancei », sénéchal de Jérusalem, devint le second mari, vers 1173, de Stéphanie de Milly « dame dou Krac », fille de Philippe de Milly ou de Naplouse. Stéphanie devint, lors de l'entrée de son père dans l'ordre du Temple, vers 1169, dame des grands domaines qu'il possédait autour du bassin méridional de la mer Morte, c'est-à-dire des deux Karac, de Saint-Abraham et de leurs dépendances, qui comprenaient le château de Moïse avec d'autres domaines. En épousant Estiennette (ou Stéphanie) de Milly, Miles de Plancy, fut par ce moyen, au droit de sa femme, seigneur d'Outre-Jourdain et de Montréal en Syrie. Cette dame, morte en 1197, fut une figure très influente du royaume de Jérusalem.
Laissons le soin à Du Gange la tâche de résumer cette épopée : « … il estoit François de nation, et fils de Hugues, seigneur de Plancy, au comté de Champagne. Il posséda les bonnes graces du roy Amaury, duquel il estoit proche parent, qui luy donna la dignité de séneschal et luy fit épouser la dame de Montréal. Cette faveur le rendit insupportable et arrogant, et luy attira à la fin la dernière disgrace ; car, après la mort d'Amaury, voulant s'emparer du gouvernement sous le jeune roy Baudouin IV, son fils, ses ennemis subornèrent des assassins, qui le tuèrent sur le matin, en pleine rue, dans la ville d'Acre ». Suite à cet assassinat, l'ambitieux comte Raymond III de Tripoli, le plus puissant feudataire de Terre Sainte, mortel ennemi de Miles, devint régent du roi Baudouin IV le lépreux. Miles de Plancy fut le témoin de plusieurs actes du roi Amaury des années 1168, 1169, 1171 et 18 avril 1174. L'histoire le note encore de trahison et de méchanceté pour avoir rendu à Saladin, moyennant argent, la ville d'Alexandrie, qu'il avait enlevée sur lui, et persuadé le roi Amaury d'abandonner le siège qu'il avait mis devant la ville du Caire, qui était prête à se rendre (7).
Raoul de Plancy maréchal du palais
C'est une charte donnée avant l'an 1145 de l'abbaye de Clairvaux qui nous permet de conjecturer la filiation de Raoul de Plancy dont les père et mère Hugues 1er de Plancy et Emeline qui lui donnèrent le nom de baptême de son grand-père. « Hugo miles de Planceio, gener Rodulfi, invasit terciam partem hujus tercie partis alodii pro uxore sua, filia Rodulfi, licet Rodulfus hujus alodii donum pridem a frater suo Dudone factum concessisset… ». Atton, évêque de Troyes eut à intervenir dans une chicane avec l'abbaye de Clairvaux car Hugues de Plancy, gendre du chevalier Raoul s'étant emparé du tiers des dîmes du Meix-Tiercelin et de Buxeuil que ce dernier avait données à l'abbaye avec le consentement de son frère Dodon. Atton adjugea ce tiers à l'église de Toussaints.
En 1170, nous trouvons Raoul de Plancy maréchal du palais , souscrivant un acte donné à Chartres par le comte Thibaut qui fait ses aumônes « à ses chers lépreux » en approuvant les donations de terres à Bouville que leur avaient fait, en 1168, Gauthier de Friaize et Foulques de Marolles, et donna à l'abbaye de Josaphat la dîme de ses moulins de Fourmelly et de Subeulet sur l'Eure, et constitua à Saint-Chéron une rente annuelle de dix livres à prendre sur son ban de Pâques et de la Pentecôte. Dans les dernières années du XIIe siècle, Guillaume, fils de Raoul de Plancy s'était engagé à payer, aux religieux du chapitre de la cathédrale de Chartres, un cens de 4 sols dont le comte Louis de Champagne se porta garant envers les religieux.
Vers 1147, le moulin de Planches est baillé par Guillaume abbé de Tyron à Raoul de Plancy , maréchal du comte Thibaut de Champagne (cartulaire de l'abbaye de Tyron). « Noverit universalis fidelium ecclesia quod frater Guillelmus Tyronii abbas totumque nostrum capitulum arcam molendini de Planchis quam de elemosina venerabilis comitis Teobaudi tenebamus, prece et petitione ejusdem comitis, Radulfo marescalce servienti ipsius cum omnibus consuetudinibus suis sub tali pactione habere concessimus, quod inde nobis singulis annis reffet dimidium modium frumenti, quod frumentum Carnoti reddetur in domo nostra. Hujus rei testes existunt Goffredus Cornerius, Goffredus Challo, Stephanus de Aurelianis, etc. Presens scriptum tam sigillo ecclesiae nostrae, quam sigillo comitis Teobaudimuniri fecimus ». Le moulin est affermé avec tous les droits coutumiers moyennant une redevance annuelle d'un demi-muid de froment qui devra être apporté à l'abbaye. L'acte est souscrit par plusieurs témoins dont Étienne d'Orléans, archidiacre de Bourges, et scellé du scel de l'abbé et du scel du comte de Champagne.
À suivre…
Notes
(*) De la même manière que pour les chroniques précédentes nous nous limitons au commencement du XIIIe siècle.
(1) Henri d' Arbois de Jubainville, Histoire des ducs et comtes de Champagne , tomes III et IV (A. Durand, Paris, 1866).
(2) Michaud, Histoire des Croisades , t. 2 (Furne et Cie, Paris, 1841).
(3) Abbé Arthur Prévost, Les Champenois aux croisades , Mémoires de la société d'agriculture des sciences, arts et Belles-lettres du département de l'Aube, tome LVIII (J.-L. Paron, Troyes, 1921).
(4) En 1188, peu avant l'intronisation de Barthélemy de Plancy , la ville de Troyes fut presque entièrement réduit en cendre.
(5) Bulletin de la Société littéraire et historique de la Brie (Impr. Hurtel, Meaux, 1900).
(6) N. Desguerrois, La saincteté chrestienne contenant les vie, mort et miracles de plusieurs saincts de France et autres pays et dont les reliques sont au diocèse et ville de Troyes (chez Jean Jacquard, Troyes, 1637).
(7) E.-G. Rey, Les familles d'Outremer de Du Gange (Impr. Impériale, Paris, 1869).