La Révolution à Marcoussis (1) 1789-1791
Cette chronique est le second volet concernant la période révolutionnaire à Marcoussis. En effet l'année 1792 a déjà fait l'objet d'un récit en 2007.
J.P Dagnot - Septembre - 2014
Sceaux de l'époque révolutionnaire.
Commençons par décrire la vie de Sébastien Lenoble: né à Bar le Duc en 1728, ordonné prêtre en 1765, il est nommé vicaire à Saint-Jacques de la Boucherie (Paris) où il reste pendant 14 ans. Notre curé arrive à Marcoussis en juin 1781, alors âgé de 53 ans, il fait parti des notables (assemblée municipale) et est présent dans toutes les manifestations locales.
Ce personnage n'est pas un meneur et il déteste prendre des responsabilités, ainsi en avril 1789, il est absent lors de la rédaction du cahier des doléances, également en juillet lorsque les habitants créent une milice bourgeoise pour se protéger des brigandages déferlant de Paris; notons que son vicaire l'abbé Villette est lui présent et nommé aumonier de la milice. Nous retiendrons que ce cahier a été rédigé par le notaire Ladey en raison de l'indisposition du bailly; parmi les demandes retenons la demande d'un seul impôt territorial, la réforme des privilèges et des exemptions, l'établissement d'une soeur pour les écoles de filles, séparément de l'école des garçons, et le rétablissement des chemins qui se trouvent défendus à cause des routes de chasse...
En raison de troubles à Paris, le 22 juillet à cinq heures jour et fête patronnale de la Madeleine, les officiers municipaux se réunissent, ..., Laurent Poulet, procureur fiscal du baillage, déclare que le bruit se répand depuis l'établissement d'une milice bourgeoise à Paris pour s'opposer aux attroupements de la capitale, qui a fait que les quidams de mauvaises intentions ont été éloignés dans les campagnes voisines. De ce fait les habitants du bourg ont unanimement constitué une patrouille qui montera la garde nuitamment. Le corps de garde sera établi dans l'ancienne audience tenant aux pressoirs bannaux de ce lieu, servant actuellement de logement à un des gardes de cette seigneurie... Deux heures plus tard a lieu la nomination du commandant de la milice Laurent Poullet, de Ladey lieutenant, de Potron fils major, comme aumonier Villette, vicaire du lieu, sept sergents, quatorze caporaux (Charles Arranger troisième caporal, Maitrejean cinquième) et 120 fusilliers; on voit par les signatures qui suivent les grades, les gens instruits. Deux jours après, la compagnie de milice bourgeoise de Marcoussis supplie le comité permanent de l'Hôtel de ville de Paris, au nom des officiers municipaux députés et habitants, d'accepter leur décision afin de pourvoir à leur tranquilité... Également en juillet, une autre requête des habitants de Marcoussis s'adressant au comité provisoire et réclamant une assistance pour la répression des désordres que pourraient commettre les gens sans aveu sortis de Paris.
Nous arrivons en novembre pour enregistrer le premier acte envers la religion: l'assemblée nationale oblige les titulaires de bénéfices ecclésiastiques à faire la déclaration de tous leurs biens, diposition limitée 8 jours plus tard aux cures... Le même mois, la consultation des registres du baillage montre que ces derniers servent à transcrire les lois et des décrets.
En décembre, un décret annonce la création des municipalités, suivi le 31 janvier 1790 par la première élection; Sébastien Lenoble est élu président de séance avec 74% des voix (65 votans); à partir de cette date le nombre de votans ne cessera de diminuer, les habitants se désintéressant de la politique locale, notre curé n'a plus de fonction dans la municipalité... (voir la chronique spécifique). Notons que pour être votant il faut être citoyen actif et donc payer des impôts (au moins trois jours de travail), avoir 25 ans être français, ne pas être domestique...
Notons en fin d'année un vol au château de Marcoussis, devant Jacques Susane bailly de Marcoussis, juge et garde ordinaire civil criminel, le procureur fiscal assisté de deux personnes, disant que depuis deux mois l'on s'est introduit dans un appartement du château n°24, pour voler du galon d'une courtepointe ...
En février, second acte envers les ordres ecclésiastiques, l'assemblée nationale supprime les établissements religieux. notre curé comparait devant les officiers municipaux de Marcoussis: je soussigné prêtre curé de la paroisse de Sainte-Marie-Madeleine de Marcoussis, en l'hôtel du baillage, je déclare l'état de ma cure :
- la maison presbytérale contenant environ un demi quartier avec le jardin attenant,
- deux arpens de terres labourable,
- la même quantité de prés,
- l'honoraire des fondations de la paroisse, 289 livres,
- l'honoraire des services des trépassés, et celui des offices du saint sacrement,
- plus la portion congrue 700 livres et le casuel 100 livres,
soit un total de 1236livres. Suivent les charges, ..., je suis tenu d'acquitter 284 messes...
Le même mois , le régisseur des biens des Célestins, Gabriel Gambart, titulaire de bénéfices déclare leurs revenus :
- passons sur les biens hors notre région,
- la ferme du grand et petit Vivier,
- petite maison et jardin au Mesnil,
- maison et terres au Fay,
- terres, vignes rentes, bois contenant 420 arpents
produisant ensemble 53.508 livres.
- 1113 livres de rentes perpétuelles
Les charges sont estimées à 21.845 livres.
En mars, le vicaire Philippe Villette décède à l'âge de 46 ans. Il est remplacé par Vaudry qui arrive le mois suivant.
En avril, la Nation fiche les ecclésiastiques sur un registre et mentionne Sébastien Lenoble, curé, 62 ans, a exercé toutes les fonctions de son ministère dans la paroisse Saint-Jacques de la Boucherie pendant 14 ans, puis curé à Marcoussy depuis 9 ans. Également, Jean François Vaudry, vicaire, 27 ans, vicaire à Marcoussis depuis 3 ans ?
À partir de juin, suite à un décret, la saisie et la vente des biens des ecclésiastiques va commencer, ainsi, la municipalté de Marcoussis répond à la Nation :
- qu'elle n'a pas fait l'inventaire du mobilier et des titres de la fabrique,
- que nous n'avons pas cru devoir nous transporter en l'ancienne maison des Célestins, attendu qu'elle est réunie aux économats et que le roy qui s'en est emparé pour y faire des écuries, en laquelle il y a un concierge gagé par le roy; nous vous observons qu'il y a néamoins et qu'il se trouve dans l'église, une lampe, six chandeliers, et un crucifix de cuivre doré dont nous vous demandons de transporter en notre paroisse qui en a besoin ...
La municipalité reprend le texte du curé pour les revenus de la cure et l'envoie à Versailles. Le sieur Bouifay, prieur, déclare les revenus du prieuré Saint-Wandrille:
- le prieur de Marcoussis est seul décimateur à raison de quatre gerbes par arpent ensemencé de tous grains et de huit pintes de vin par arpen de vignes ...
- la dixme verte des agneaux, ...
- la maison prieuriale, jardins et dépendances
Le tout affermé à Jacques Hubert moyennant 1.600 livres. Parmi les charges du prieuré relevons la portion congrue du curé 700 livres, celle du vicaire 350 livres et est tenu aux réparations du choeur et du clocher de l'église ...
En juillet, c'est la fabrique qui est concernée: Jean Pierre Villaine, administrateur du district de Versailles procède à l'inventaire en présence de Sébastien Lenoble curé, Louis Courbois, marguillier, de Marin Angiboust, maire, ... ouverture du coffre contenant les papiers, ... suit la description des vases sacrés, christ, chasubles, lutrin, maître hôtel, quatre cloches, Relevons que la fabrique est chargée de loger le vicaire, plusieurs pages de description des rentes possédées par la fabrique, lesquelles pourraient être utilisées pour reconstituer une partie du patrimoine de l'église.
Le mois suivant, la même équipe procède à l'inventaire de la cure: nous nous sommes transportés en la maison curiale et y avons trouvé le citoyen Sébastien Lenoble, prêtre curé, en présence du maire, Le curé mentionne que le mobilier présent dans le prebytère lui appartient. Il est procédé à l'inventaire des titres . Le curé présente l'acte d'achat de 1701 du futur presbytère...
Notons le même mois que Edmond Huet commandeur du Déluge est encore présent, qu'il représente l'ordre de Malthe, et déclare les biens de cet ordre, à savoir deux pièces de bois pour 16 arpents, un pré appelé la fosse du Déluge faisant partie de la ferme du Déluge, les cinq septiers de bled de rente du moulin des Suzeaux...
Toujours en août, le conseil général de la commune assemblé délibère sur la clôture du parc de Marcoussis, qui gêne les habitans pour rejoindre Nozay et demande aux héritiers Esclignac de faire établir un chemin passant devant le Baillage communiquant au bourg de Nozay. Notons que cette assemblée s'est tenue au Baillage (mairie à cette date).
Pour terminer avec ce mois, citons l'inventaire fait par la municipalité qui se déplace à la maison conventuelle des ci-devant Célestins pour faire l'inventaire des biens et des titres: y avons trouvé Jean Moutard concierge:
- premièrement ouverture de l'église, un autel à la Romaine, de marbre violet, sur lequel sont six chandeliers, un tabernacle, un christ de cuivre doré. une vierge de pierre blanche, deux crédances, une lampe de cuivre doré,
- un tombeau de pierre de Paris dans lequel est la statue du fondateur,
- le choeur est garni de 36 stalles avec prie dieu,
- deux autels dans la nef,
- chapelle à côté du choeur, avec deux tables de marbre noir et blanc, représentant un évêque et les autres les fondateurs du couvent (erreur),
- sortant de l'église nous sommes entrés dans la sacristie...
- ensuite sommes transportés au clocher y avons trouvé deux petites cloches,
- de là sommes passés à la maison conventuelle sur laquelle il y a une horloge, ....
le sieur Moutard déclare qu'après la mort du dernier religieux résident, l'archevêque de Paris a fait vendre tous les meubles du couvent et a fait enlever les titres,
- il a aussi déclaré que ladite maison servoit pour les équipages de chasse du roy lorsqu'il venait à Marcoussis.
Nous arrivons en septembre, pour voir notre curé idéaliste présenter un mémoire aux administrateurs du district de Versailles: Le curé de Marcoussis a l'honneur de soumettre trois articles à Messieurs les administrateurs:
article premier, Marcoussis est un bourg et non un simple village. Outre que les titres du château de Marcoussis en font foi, ce lieu est qualifié de bourg dans les lettres patentes depuis 1488 (établissement de marché et foires), ... Il y a dans cette paroisse 288 feux et 1201 âmes... Il convient de salarier le curé et le vicaire avec un jardin... Il y a un prieuré simple à Marcoussis avec maison et jardin, le curé demande la réunion de ce jardin à la cure.
Article deux, Charles de Balsac fonda en 1625, deux rentes de 100 livres chacune au profit d'un garçon et d'une fille de Marcoussis... qu'il est de son devoir de demander la conservation de ces rentes...
Article trois, concerne le monastère des Célestins supprimé en 1775 qui distribuait l'aumône aux habitans 1678 pains de six livres et que la dame de Marcoussis ajoutait 2.000 francs de secours dont la source est tarie par le décès de cette dame.
Il ose demander pour sa paroisse:
- une maison de charité tenue par des soeurs lesquelles distribueraient du pain aux familles indigentes, administreraient des secours aux pauvres malades, seroient chargées de faire gratuitement l'école des filles lesquelles jusqu'à présent ont été ou privées d'instruction où meslées dans une même école avec les garçons par l'impossibilité de faire autrement...
- une maison pour y tenir l'école des garçons et y loger le maître d'école, et enfin un salaire pour celui-ci afin que l'instruction des garçons soit gratuite comme celle des filles,
Un additif dit qu'il vient d'être informé d'une entreprise de la paroisse de Janvry sur la sienne: la commanderie du Déluge dépend de tems immémorial de la paroisse de Marcoussis... Janvry vient de demander d'englober la commanderie ...
Ce mémoire est intéressant par les renseignements qu'il fournit sur l'éducation, par contre il montre la naïveté du curé quant aux subsides qu'il demande et les multiples interventions contre les ecclésiastiques.
Le même mois, l'administration de Versailles reçoit du maire de Marcoussis que le manoir du prieuré consiste:
- en un corps de logis composé par bas en cuisine , salle, deux chambres avec petit cabinet au dessus,
- autre petit bâtiment composé d'une chambre basse à feu et cabinet à côté,
- grange de cinq espasses,
- poulailler, toit à porcs, écurie, vacherie, seillier et cave,
- jardin planté d'arbres fruitiers
le tout clos de murs contenant deux arpents.
Également notons le baptême de Pierre Célestin Patin fils d'Alexandre sculpteur, demeurant faubourg Saint-Germain, et de Marguerite Moutard, le parrain Pierre René de la Couture, ancien religieux célestin demeurant à Saulx Penthièvre.
En octobre, Sébastien Lenoble répond à une demande de Versailles et rapelle sa carrière ainsi que celle de son vicaire.
Le même mois, religieux frère Edmond Huet, chevalier, magistrat de l'ordre Saint-Jean de Latran, commandeur des commanderies du Temple de Rheims et du Déluge, demeurant à Paris paroisse Sain-Paul d'une part et Jean Tourtiaux laboureur demeurant en la ferme et paroisse du Déluge, lesquelles parties désirant prévenir le procès prêt à naître entre elles... Il s'agit de la résiliation du bail en raison de la vente des bestiaux et ustancilles garnissant la ferme... En fin de mois, le commandeur reloue la ferme au couple Paupe-Berrier.
Toujours en octobre, notons le bail sous seing privé de la ferme des prés par Bullion, propriétaire, à Richard ...
En novembre, a lieu le premier renouvellement de la municipalité réalisé au Baillage. Le même mois notons la naissance de deux jumelles de Louis Boudiern, maître d'école.
Vers le 5 janvier 1791, le fondé de procuration de la famille Puységur donne encore les consignes au boulanger pour distribuer du pain aux pauvres...
Le 23, le curé de Marcoussis va commencer ses prestations de serment civique, ainsi accompagné de son vicaire Vaudry, ils déclarents en l'église de Marcoussis devant le conseil municipal, d'être fidèle à la Nation, à la loy au roy ...
En fin de mois, la municipalité est poussée hors du baillage par les héritiers de la Comtesse. Le conseil général de la commune, depuis que les scellées sont apposées à la chambre d'audience du baillage, lieu qui servait à tenir les assemblées, elle n'a plus de lieu commode et demande jusqu'à ce qu'elle ait les fonds pour construire un maison commune, d'utiliser la chambre du corps de garde situé dans l'ancienne audience du Baillage...
En février, les ventes des biens religieux commencent notamment par la mise en adjudication du moulin neuf de Bruyères provenant des Célestins.
En mars, relevons l'anecdote suivante, Denis Pierre Josse, bourgeois demeurant à Marcoussis d'une part, et Geneviève Peuvrier, fille mineure représentée par Jean Louis Peuvrier, d'autre part, c'est à savoir, laditte Geneviève a quitté et déchargé le sieur Josse de toutes choses qu'elle a droit de prétendre contre luy en raison du commerce qu'il aurait eu avec elle, dont elle est enceinte de sept mois environ, moyennant la somme de 200 livres... Effectivement en mai, Louis Jacques Peuvrier est baptisé, fils de père inconnu.
En avril, notons la succession de la comtesse, les biens consistant en trois lots . Il n'est pas fait mention des héritiers émigrés.
En mai, le district de Versailles demande la prisée du prieuré de Vandrille. Le conseil municipal et un arpenteur viennent déterminer le demi-arpent dû au curé
La partie en vert attribuée au curé.
Également le même jour est réalisée la description du prieuré en vue de son adjudication à Versailles L'estimation du prieuré à la somme de 5.500 livres est également faite par le même expert. Notons les chambres hautes et basses, caves, petit logement de jardinier, écurie, vacherie, autre petit bâtiment et une grange de trois travées.
Notons fin mai, un extrait des délibérations de Seine-et-Oise: la souveraineté de la Nation est reconnue et proclamée, ..., l'égalité des droits devient une maxime fondamentale, devant elle la féodalité et tous les privilèges odieux disparoissent ... Des magistrats nommés par le peuple sont placés sur le trône de la justice, où siégeoit auparavant des hommes qui achetoient à prix d'argent, le droit de disposer de l'honneur...Des prêtres citoyens ont remplacé des ministres orgueilleux, des moines inutiles, qui vivoient dans l'oisiveté . Le ton change, devient accusateur, les religieux sont concernés.
En juin, Jacques Hubert est toujours fermier des dixmes du prieuré, il paye la portion congrue du vicaire.
Côté royal, le roi s'enfuit et des scellées sont mises sur les appartements des Thuilleries, à l'abbaye de Marcoussis où existent des meubles et effets appartenant au roi.
En août Jean Marc Boudon, ci-devant religieux des Célestins de Marcoussis demeure à Florac en Lozère. Le district de Versailles fixe son traitement et le fixe à 1.250 livres qui devra être réglé par Gambart régisseur des biens des Célestins.
C'est aussi à cette époque que la maison du Fay et les 80 arpents de terre sont mis en adjudication pour 43.000 livres.
Notons en octobre, le décès de l'ancien seigneur de Bellejame, Charles Thomas de Bullion, devenu propriétaire, âgé de 51 ans, en présence de son troisième fils Jean Charles... Les aînés, militaires ont émigré.
En novembre le prieuré de Marcoussis (lot n° 230) est adjugé pour 12.700 livres au sieur Jacques Antoine Courbin. L'acquéreur est entrepreneur des bâtiments du gouvernement, et demeure à Paris, rue Croix des Petits-Champs.
Pour terminer cette chronique citons le second renouvellement de la municipalité.
À suivre...