Le domaine de la Ronce à Marcoussis (1854 à nos jours)
Cette chronique est le troisième volet de l'histoire consacrée à ce lieu. Charles Cadier vient d'hériter de son grand-père et ses attaches sont dans l'Allier.
J-P Dagnot novembre 2013.
Extrait du plan terrier de Marcoussis.
La Ronce aux Balaÿ de la Bertrandière
En 1855, Charles Cadier, baron de Veauce, député au corps législatif, demeurant au château de Veauce dans l'Allier, lequel a vendu à Jean Jules Balay de la Bertrandière, manufacturier, banquier, propriétaire et député du corps législatif, demeurant à Saint-Etienne, de présent en son hôtel aux Champs-Elysés, les lieux et immeubles cy-après, consistant en une grande propriété, terres, prés, bois, contenant 218 hectares et comprenant:
- le domaine appelé les Célestins ... ( détaillé dans une prochaine chronique),
- les bâtiments, jardins, cour et autres terrains de l'ancienne petite ferme de la Ronce contenant 59 ares,
- suivent les terres ...
En 1859, le nouveau propriétaire, d'une part, et Pierre Auguste Mariton, propriétaire demeurant à Montmartre, passage de l'Elysée des beaux arts, d'autre part, lesquels ont arrêté ce qui suit, Mr Balay est propriétaire de la ferme de la Ronce qui se consiste en:
- un emplacement de 59 ares au lieudit la petite ferme et sur lequel existaient autrefois des bâtiments de ferme, cour et jardin,
- 70 hectares de terres et prés en neuf pièces, dont 39 prés au petit étang,
- Mr Balay propose de passer bail des terrains dépendants de ladite ferme et des bâtiments à usage de ferme qu'il fera construire selon les plans joints. Ces bâtiments seront édifiés sur l'ancien emplacement de la ferme de la Ronce. Ils se composeront de:
1°) d'un corps d'habition du fermier, offrant la distribution suivante, au rez-de-chaussée antichambre et escalier desservant le premier étage, salle à manger, salon, chambre à coucher, cuisine et office. Au premier étage sept chambres à coucher avec cabinet de toilette; Grenier à l'étage des combles et trois chambres de domestique.
2°) de corps de bâtiments d'exploitation comprenant au rez de chaussée , passage de porte charretière pour l'entrée de la ferme, grande remise, grange, étable pour quatorze vaches; poulailler, fournil, laiterie, escalier de service, écurie pour dix chevaux, bergerie, toit à porcs, hangard. Au premier étage pour partie, trois chambres pour les domestiques de la ferme, et des greniers pour les blés et avoines.
3°) et d'un verger enclos de murs planté d'arbres fruitiers...
Observation faite que les plans mentionnent en violet les bâtiments de maître qui ne sont pas compris au présent bail et que le propriétaire se réserve avec un jardin à la suite, conformément aux plans dressés par Mr Latour (nouveau propriétaire des Célestins) .
Dans la cour sera établi une pompe aspirante et foulante. Les bâtiments devront être terminés en 1861. Mr Balay a donné à ferme pour 18 années auxdits Mariton, moyennant 9.878 frs.
On voit ainsi que, deux couples aisés demeurant en la capitale, vont se servir de la Ronce comme résidence secondaire. Le banquier, député, négociant à Saint-Etienne ne profitera pas de ce lieu de villégiature, il décède en 1862 laissant sa veuve Fanny, seule et unique héritière. L'année suivante, un acte de notoriété, rédigé à Saint-Etienne confirme Fanny Balay, demeurant au chateau de Sourcieux à Saint-Bonnet-les-Oules.
En 1879, un nouveau bail des bâtiments et de la ferme est conclu par l'aubergiste demeurant à l'aventure, garde particulier, mandaté par Fanny Balaÿ à Etienne Maurice, célibataire commis de culture, demeurant à Issy-sur-Seine et Louis Maurice propriétaire:
- maison bourgeoise avec un perron donnant sur la première cour d'entrée, construite en pierre, on arrive à cette maison par une cour fermée par de haies vives. Dans la procuration il s'agit d'un pavillon de chasse.
- bâtiment d'habitation pour le fermier et d'exploitation, cour, jardin pour 59 ares,
- 71 hectares...
... ne fait pas partie de la location et réservé par la propriétaire:
- le pavillon ou tourelle qui se trouve à l'angle sud de la maison bourgeoise du fermier,
- un jardin dépendant de ce même pavillon y attenant,
- une écurie et une remise étant dans la cour, devant servir pour le propriétaire ou le locataire de la chasse,
- portion de cave étant sous la maison bourgeoise avec escalier particulier du pavillon à cette cave. Ledit bail fait moyennant 8.000 frs de fermage annuel. Il sera résilié fin 1885.
Dix huit années après, le mandataire de Fanny Balay, constitue un cahier des charges de plusieurs pièces de terre:
- 37 hectares dits bois des Charmeaux,
- 15 hectares dits bois des Carrés,
- 3 hectares de terres au poteau blanc,
- 4 hectares de terre à la pointe de la Ronce.
La veuve se sépare de son domaine à Marcoussis.
La Ronce à Alice de la Baume-Pluvinel
En 1890 deux personnages se chargent de la vente du domaine . La première vente faite par Emile Chenu, clerc de notaire, agissant comme mandataire de Fanny Antonie Balaÿ, veuve de Francisque Balaÿ, lequel a présententement vendu à Elizabeth, Henriette, Marie, Séraphine, Alice de la Baume Pluvinel, propriétaire demeurant à Paris rue de Courcelles, une propriété sise à la Ronce comprenant :
1°) grand pavillon de chasse élevé partie sur terre plein et partie sur cave d'un rez-de-chaussée distribué en cuisine à laquelle on arrive par un perron, salle à manger à la suite, dans laquelle prend naissance un escalier montant au premier étage, trois chambres à coucher à la suite de la salle à manger, un cabinet de toilette, un cabinet d'aisance; au premier étage neuf chambres à coucher, salle à manger, salle de billard, lieux d'aisances, grenier sur le tout dans lequel sont trois chambres de domestique. Tourelle à côté dans laquelle il existe au rez-de-chaussée plusieurs pièces à feu avec un escalier conduisant au balcon de ladite tourelle, ladite couverte en zinc.
- cour devant les bâtiments ayant vue sur la route de Dourdan...
2°) divers bâtiments d'habitation et d'exploitation ... pigeonnier...
3°) diverses pièces de terre le tout contenant six hectares ... tenant à la rivière de Sallemouille.
Ladite vente faite moyennant la somme de 15.000 frs.
La seconde vente faite une semaine après, en l'une des salles de la mairie, devant le notaire, Louis Parfond, mandataire de Fanny Antoine Balay, veuve de Francisque Balay, vivant député, vend au plus offrant, un grand et beau domaine, connu sous le nom de la Ronce, consistant en bâtiments de ferme et grand pavillon de chasse, ... terres prés, bois pour 220 hectares comprenant:
- 65 hectares de terre au noyer brûlé
- 14 hectares à grande pièce de la Ronce,
- la ferme de la ronce séparée du pavillon,
- le petit étang pour 18 hectares divisé en 53 lots.
Pour la partie qui nous intéresse le premier acte est suffisant. La matrice cadastrale reprend la vente faite à Alice de la Baume et confirme les bâtiments avec 55 hectares de terres prés bois.
L'éducation à la Ronce
Le torchon brûle entre les laïcs et les partisans de l'éducation religieuse. Alice de la Baume sous couvert d'une société acquiert une propriété qui deviendra l'actuelle école Saint-Joseh (chronique à venir). Quatre mois après l'acquisition de la Ronce, Marie Louise Paris, religieuse dominicaine, déclare au maire de Marcoussis, que son intention est d'ouvrir un pensionnat de jeunes filles à la Ronce, conformément à la loi du 28 octobre 1886 (loi Jules Ferry). Les religieuses ne peuvent plus instruire mais elles peuvent héberger...
En fin d'année Alice gère néanmoins les terres de sa récente acquisition, elle baille cinq hectares en quatre pièces à Georges Delalande ...
En 1894, Mlle Joséphine Bourguignon, soeur dominicaine, a déposé à la mairie la déclaration suivante:
Mr le maire,
La soussignée Joséphine Bourguignon déclare avoir l'intention d'ouvrir une école de jeunes filles composée exclusivement d'internes et de demi-pensionnaire, à la Ronce .
Lettre signée par la déclarante et par le maire comte de la Baume (frère d'Alice) .
Deux années après, Madame Rubet Justine, religieuse dominicaine a déposé la déclaration suivante:
Monsieur le maire,
Je soussignée, déclare avoir l'intention douvrir une école de jeunes filles composée exclusivement d'internes à la Ronce...
Le mois suivant, le procureur du parquet de Rambouillet écrit au maire de Marcoussis et demande si la demoiselle Justine Rubet, en religion, soeur Dominique, qui demande l'autorisation d'être titulaire d'une école primaire libre à la Ronce, a un local qui doit servir de maison d'école est suffisant du point de vue de l'hygiène, adresser également au préfet la même demande, et à défaut d'opposition, pourra ouvrir son école... fournir: 2 francs, brevet élémentaire, brevet supérieur, acte de naissance, casier judiciaire. Elle doit adresser une déclaration au maire qui sera affichée à la porte de la mairie, une au préfet, une à l'inspecteur d'académie, à défaut d'opposition elle pourra ouvrir son école à l'expiration d'un mois.
En 1900, Alice de la Baume, célibataire majeure, baille 4 hectares à la Ronce à cinq cultivateurs...
Les laïcs poursuivent de plus belle leur acharnement envers les congrégations religieuses, en 1901, le ministère de l'intérieur et des cultes demande des renseignements sur l'établissement de la Ronce. Le sectarisme est tel, que des imprimés ont été conçus: Monsieur le préfet , la congrégation dite des dominicaines de N-D de bonne Grâce dont le siège est à Châtillon-sous-Bagneux a formé une demande pour l'établissement de la Ronce ... Le ministère de l'intérieur au préfet: demandez l'avis du conseil municipal. Signé Dumez directeur général des cultes.
Quinze jours plus tard, un courrier du sous-préfet au maire, transmet le dossier de la congrégation des soeurs dominicaines de Notre-Dame de Grâce et demande, en trois exemplaires, l'avis du conseil municipal. Trois jours après, le conseil municipal délibère et donne un avis favorable pour l'ouvroir de la Ronce, le maire est absent... il s'agit toujours du frère d'Alice... Le rapport communal précise l'ouverture en 1894, comme établissement destiné à recevoir des filles et des enfants avec école privée, résumant les dires ci-dessus, au 24 mars 1901, seize religieuses, dix employées et ouvrières s'occupaient de dix neuf enfants de moins de treize ans. À la fin d'août dernier l'école privée a été fermée et n'a pas été réouverte depuis. Les seuls lésés, les commerçants de Marcoussis qui l'approvisionnent. Le nombre de religieuses à ce jour est de 15 . Un aumônier réside dans l'établissement.
L'inspecteur d'académie envoie également son rapport,
- Les religieuses habitent une propriété appartenant à Melle de la Baume, soeur du maire et recoivent des jeunes filles recueillies à Paris et dans les environs à qui elles apprennent la couture, la lingerie, ...
- À leur arrivée, elles acceptaient de jeunes enfants et c'est pourquoi une déclaration d'école de filles fut faite le 10 septembre 1890 par Melle Marie Louise Catherine Paris, puis par Melle Joséphine Bourguignon et enfin par Melle Rubet Justine qui exerça jusqu'aux vacances dernières. - A partir d'octobre dernier, il ne fut plus reçu de jeunes filles au dessous de treize ans. Dans ces conditions, je n'avais aucun droit dans la maison et je n'y suis plus allé.
- La population de la Ronce se décomposait ainsi au dernier recensement: 54 sont habitants du hameau et 51 dans la maison. Comme il y avait 32 soeurs et domestiques, le nombre de jeunes filles devait s'élever à 19.
- La maison mère a son siège à Chatillon-sous-Bagneux, 17 rue de Paris, et le conseil municipal de Marcoussis du 11 novembre a donné un avis favorable à la demande d'autorisation formée par la congrégation.
- C'est un ouvroir, dit-on, dans un but charitable mais personne ne sait ce qui se fait ; le travail des jeunes filles est livré à Paris, s'agit-il de lucre ou de charité? l'inspecteur du travail des filles mineures pourrait peut-être donner des renseignements.
- Au début paraît-il, les dortoirs étaient établis dans les combles; mais après observations ils furent changés, c'est tout ce que j'ai pu apprendre.
Suite au conseil de l'inspecteur d'académie, début 1902, l'inspection du travail envoie son rapport au préfet: l'ouvroir de Marcoussis est visité régulièrement depuis le 8 décembre 1893, nous n'avons jamais éprouvé de difficultés dans l'inspection des ateliers et des dortoirs qui sont dans de bonnes conditions au point de vue de l'hygiène ...
La chasse aux sorcières continue en juillet, le sous-préfet envoie au maire une note "extrême urgence", demandant par retour du courrier si depuis le premier janvier 1900, il s'est créé dans sa commune un établissement congréganiste, en d'autres termes si des membres de congrégations se sont établis dans sa commune, si oui tous les renseignements...
En août 1903, l'ennemi est l'école Saint-Joseph, a comparu devant nous maire de la commune de Marcoussis, en la salle de la mairie, madame Huguin Louise, laquelle a déposé la déclaration dont la teneur suit... demande d'exercer la direction d'une école libre de jeunes filles...
Début 1904, notons le procès entre Alice de la Baume et l'état au sujet de l'école Saint-Joseph qui se terminera par une relaxe, suivie d'un appel et pourvu ensuite en cassation...
En juillet, n'oublions pas la loi interdisant d'enseigner à tous les congréganistes, et suppression dans un délai de cinq mois de toutes les congrégations enseignantes mêmes celles autorisées en 1901.
Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté, le président de la république promulgue la loi dont la teneur suit:
1° L'enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations.
Les congrégations autorisées à titre de congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans.
Il en sera de même des congrégations et établissements qui, bien qu'autorisés, en vue de plusieurs objets, étaient, en fait exclusivement voués à l'enseignement, à la date du 1er janvier 1903...
Les biens des congrégations pourront être loués sans leur consentement... 2.000 écoles furent fermées, 50.000 religieux partirent à l'étranger.
Revenons à la Ronce, en 1908, un courrier du sous-préfet au préfet: les dominicaines ont établi à la Ronce, propriété de Melle de la Baume, un ouvroir où travaillent des enfants.
Jusqu'à ce jour, la conduite de ces religieuses n'a donné lieu à aucune remarque.
Le caractère de l'oeuvre qu'elles poursuivent, purement commercial, est de réaliser des bénéfices sur les travaux exécutés par les enfants de l'ouvroir, pour des maisons de lingerie ou des magasins de nouveauté (raturé des bénéfices qui reviennent à Melle de la Baume).
Dans ces conditions, l'utilité de l'oeuvre ne parait pas de nature à faire accorder à ces religieuses l'autorisation qu'elles ont sollicité, j'estime même qu'il y aurait lieu de faire visiter cet atelier par l'inspecteur du travail.
Une enquête datant de 1911 (environ), émanent de la préfecture, concerne l'établissement de la Ronce tenu par les soeurs dominicaines dite Notre-Dame-de-Grâce de Châtillon-sous-Bagneux. Cet établissement comprenait lors de la demande en autorisation, un orphelinat avec ouvroir. C'est aujourd'hui une colonie de vacances où sont envoyés, par la bienfaisance privée, du mois de mai au mois d'octobre, des enfants malades qui y passent environ un mois chacun. Pendant l'hiver, l'établissement ne comprend que le personnel, c'est-à-dire une douzaine de religieuses. L'oeuvre est d'une utilité incontestable et la demande pourrait être rejetée en donnant toutefois à la congrégation un délai suffisant. La notice associée précise :
- Origine, établissement créé en 1894 à la Ronce, sous la dénomination ouvroir avec école privée et pensionnat.
- Objet, relève les jeunes filles tombées et les reçoivent gratuitement.
- Rôle, ouvroir avec école privée (pensionnat), ne reçoit plus de jeunes filles en dessous de 13 ans depuis la fin de l'année dernière. L'établissement est maintenant plutôt un ouvroir travaillant pour les maisons de confection de Paris; les jeunes filles sont recrutées à Paris et dans les environs; leur nombre varie et a atteint 30; aucune d'elles n'est de Marcoussis ni des environs; aucune observation de l'inspecteur du travail.
- Personnel, variable de 15 à 20 environ.
- Propriété, l'immeuble de la Ronce est occupé en vertu d'une location verbale.
- Ressources, les ressources de l'établissement se composent du produit du travail, des aumônes et des pensions des jeunes filles, pensions qui sont en rapport avec le travail qu'elles peuvent fournir.
- Utilité, cet établissement ne présente aucune utilité pour la commune.
- Agissement, Les soeurs n'ont donné à aucune remarque défavorable.
- Observations, le conseil municipal a donné un avis favorable, le sous-préfet ne voit pas d'inconvénients à l'autorisation.
La même année, notons une lettre adressée au président du conseil du culte: vous m'avez demandé si je maintenais l'avis favorable donné par mon prédécessuer aux dominicaines de la Ronce. L'ouvroir est actuellement fermé et les soeurs dirigent dans les mêmes locaux, une colonie de vacances pour les enfants pauvres et affaiblis par les mauvaises conditions de leur vie à Paris. Ils se succèdent de mai à octobre envoyés par des organisations philantropiques de la capitale...
En fin d'année, un rapport du sous-préfet, reprend les informations ci-dessus déclare que l'hiver ne réside que le personnel soit une douzaine de religieuses que la propriété appartient toujours à Alice de la Baume, que l'oeuvre est d'une utilité incontestable... Côté gouvernemental, on se pose encore des questions sur l'utilité de la Ronce...
À la veille de la première guerre mondiale, le sous-préfet de Rambouillet fait un point sur l'établissement de la Ronce, tenu par les religieuses Notre Dame de Grâce. Les religieuses sont installées dans une ancienne ferme appartenant à Melle de la Baume Pluvinel . L'établissement était autrefois un ouvroir où des orphelins travaillaient pour les grands magasins. Actuellement il est une oeuvre de bon repos et de vacances où de jeunes ouvrières ou employées, fatiguées et anémiées par la vie d'atelier, viennent se reposer moyennant une redevance de 1,5 frs par jour. Peu nombreuses en hiver et au printemps (elles sont actuellement 17 avec un aumônier ) les pensionnaires sont au nombre de cent pendant la période des vacances. Les frais sont couverts par des dames de la région et surtout par Mademoiselle de la Baume. Les locaux sont vastes et bien aérés, les règles d'hygiène bien observées. Le maire de Marcoussis, médecin, estime que l'oeuvre est louable et présente un intérêt social, il serait souhaitable dit-il que des établissements laïcs se fondent sur les mêmes modèles. Le sous-préfet donne un avis favorable. En raison des services rendus par l'oeuvre nouvelle, j'estime que la congrégation peut produire une nouvelle demande en autorisation. ci-joint la liste du personnel, onze religieuses et un aumônier. La maison mère est à Châtillon-sous-Bagneux.
Personnages à la Ronce en 1922
L'assassinat de Sarajevo arrive, et en août, les tracas envers les ordres congréganistes se terminent: les décrets de dissolution, fermetures, refus d'autorisation sont suspendus... Ces soeurs, d'après Frédéric Gatineau, ont soigné les blessés durant le conflit. Ces soeurs auraient possédé le local des Sources et y auraient séjourné jusqu'en 1995.
À la fin de la guerre Alice de la Baume rédige son testament et fait promettre à son frère Aymar de poursuivre l'oeuvre des religieuses dominicaines. Elle décède deux ans plus tard au Plessis-Pâté. Elle laisse comme héritier:
• Aymard, comte de la Baume, son frère pour trois quart,
• Jérôme Henri, marquis de la Baume, son neveu pour un quart.
À défaut d'inventaire après décès, un acte de notoriété est réalisé. Le partage n'a lieu qu'en 1922, le domaine de la Ronce reste en indivis. Le marquis décède en suisse en 1929. À la suite du partage de ses biens entre entre la mère du défunt et son oncle Aymar, la Ronce est dévoluée à ce dernier.
La Ronce aux héritiers d'Alice
En 1931, dans un courrier adressé par la soeur Honorine notons l'œuvre de vacances de la Ronce vit et ne cesse de se développer depuis plus de 30 ans. Je crois que monsieur le comte de la Baume serait disposé à nous abandonner la propriété de l'immeuble, nous n'avons aucun intérêt à devenir propriétaires, je préfèrerai le voir constituer une société civile dans sa famille. La jouissance nous serait garantie par contrat.
L'année suivante, relevons dans un courrier adressé au comte: au cours de notre visiste à la Ronce, nous avons vu queles jeunes filles y étaient déjà une trentaine, et seront très nombreuses encore cette année et qui bénéficieront du bon air et de tous les avantages moraux et physiques, grâce à la chère fondatrice… Les sœurs demandent au comte d'engager à des réparations pour 50.000 frs.
La prieure générale expose qu'il n'existe aucune pièce écrite si ce n'est en 1924 une lettre du comte expliquant que nous ferons don de la Ronce avec trois hectares qui vous permettront de payer les gages du nouveau jardinier ; cette donation n'a pas eu lieu.
La même année, le comte Aymar envoie un courrier disant qu'il analyse le problème de la donation avec un notaire et que si il est rappelé à Dieu, sa fille sera trop heureuse de continuer l'œuvre de sa tante.
La Ronce aux dominicaines
Nous arrivons début 1938, le comte dit, à la mère prieure générale, s'être occupé de la transmission de la Ronce à la société du refuge Saint-Anne ; Votre notaire me dit que les statuts de votre société prévoient que le fonds social peut être augmenté par voie d'apport . Il me propose de faire apport de la Ronce au refuge. Ainsi j'aurai des parts de cette société. Un autre courrier entre spécialiste déconseille cette vente à une société composée uniquement de religieuses, et propose d'en créé une autre qui louerait au refuge. Nous sommes toujours dans la crainte de l'état envers les ordres religieux. La même année le comte décède et en août un acte de notoriété est redigé, le domaine de la Ronce est transmis à sa fille unique Geneviève, seule héritière de son père. les religieuses citent: Elle est animée envers nous des mêmes sentiments et désire ne rien changer à ses dispositions, elle n'est pas opposée à une vente fictive. Elle voudrait donner avec la Ronce quelques bois et champs.
En octobre, la sœur Henri Dominique exprime dans un courrier qu'elle ne ne sait toujours pas comment il faut procéder. Début 1939, Melle de la Baume apporte à la société du refuge Saint-Anne la propriété dite la Ronce à usage de couvent et qu'elle supporte les frais d'apport. Les regieuses confirment leur accord et citent la donatrice qui avait envisagé d'y joindre une partie du bois des carrés pour les enfants de l'œuvre. Enfin en mars, après délibération du conseil d'administration de la société civile du refuge qui accepte d'acheter la Ronce moyennant 100.000 frs, la vente a lieu: Georges Flamant agissant pour Geneviève de la Baume a vendu à la société civile du refuge Saint-Anne, société universelle de gains et société tontinière, une propriété dite la Ronce comprenant
• un bâtiment principal avec cour intérieure formant carré élevé en majeur partie sur terre plein et le surplus sur cour d'un rez de chaussée et de deux étages avec grenier au dessus, le rez de chaussée divisé en 14 pièces à divers usages le premier étage divisé en cinq dortoirs et six autres pièces, ...
• jardins et terrain d'agrément en partie clos de murs et grillages dans lequel existent, poulailler, clapiers, serre, abri de la pompe et du moteur et puits couvert,
• pré et etrre contenant 5 ha ,,
La vente faite moyennant 100.000 frs
En juillet, c'est un feuilleton, la vente du bois des carrés moyennant 3.000 frs entre les mêmes parties. Relevons que l'on parle d'argent pour une donation déguisée.
Fin 1940, un formulaire la préfecture de Seine et Oise concerne la vente du pavillon royal, dont: Venderesse: Geneviève de la Baume Pluvinel, française non israélite,
Acquéreur : société civile du refuge saint-anne , société universelle de gains et société tontinière, ayant pour objet de recevoir des filles repenties, de les tirer du mal, de leur donner une bonne éducation et de les placer convenablement dans le monde. Suivent 13 noms de religieuses françaises non israélites,
Nature de l'acte: vente gré à gré,
Désignation sommaire des biens: une propriété dite le pavillon royal comprenant maison d'habitation, cour, jardin, bois, contenant 18.1710 m2 cadastré H28p, 29 , 30, 31 …
Prix 48.000 frs.
Ainsi fin 1940, Marie Marguerite Honorine Geneviève de la Baume Pluvinel, a vendu à la société civile du Refuge dont le siège est à Châtillon-sous-Bagneux, le pavillon royal et le domaine de la Ronce.
Pour terminer avec ces donations relevons un courrier fait en 1942: Georges Flamant, docteur en droit, à l'attention de la mère générale des sœurs dominicaines de Châtillon : de retour après deux voyages en zone libre, … je suis heureux de voir terminé cette question du Pavillon Royal, j'avais précisé que mademoiselle de la Baume entendait rester en dehors de cette affaire… Mademoiselle de la Baume avait offert à votre communauté 135 hectares de terres sur Marcoussis, vous avez décliné cette offre en disant que vous préfériez la remise d'une somme d'argent. Lorsque vous êtes venu m'informer que vous désiriez acquérir le pavillon Royal, j'étais en pourparler avec un acquéreur… Si ces soeurs avaient été moins pointilleuses, elles auraient eu le château de Marcoussis avec les terres, qui fut alors donné à la fondation d'Auteuil.
L'histoire de la famille Bertrand va nous éclairer sur le quotidien de l'époque. Carmen Puigsech arrive à la Ronce en 1936, retirée de sa famille pour des raisons de maltraitance, elle est intégrée à cette maison comme une de ses filles. Roger Bertrand, travaille à la ferme de la Brosse à Janvry et livre du foin aux soeurs dominicaines. Ces deux jeunes se plaisent et se marient à Limours en 1942. L'époux arrive la même année comme jardinier dans l'établissement. Sa fonction consiste à élever, porcs, vaches, poules, lapins, et à produire des légumes; deux chevaux l'aident pour cette activité. Ils habitent alors à la Folie-Bessin et arriveront à Beauvert en 1947. En 1945, naît Jean Claude Bertrand qui sera baptisé dans la chapelle de la Ronce.
Vers 1960, Carmen revient comme cuisinière à la Ronce. À cette époque l'établissement accueille des jeunes qui viennent en colonie de vacances et également des femmes convalescentes, ceci durera jusqu'à la fermeture de l'établissement en 1978. Notons que cette institution a cherché également à accueillir des jeunes filles ayant des antécédants judiciaires, soeur Marie s'est attachée à cette tache. Notons en 1968, le baptême de Jean Christophe Bertrand dans la chapelle de la Ronce.
Une plaquette datant de 1949 et donnée par soeur Chantal nous apprend que:
- cet ordre se dénomme " les dominicaines de Notre-Dame de Grâce".
- En 1854, Victoire-Thérèse Chuppin quitte la prison Saint-Lazare où elle exerçait les fonctions de surveillante. Elle recueille ses deux premières protégées, le refuge Sainte Anne est né.
- En 1890, l'oeuvre est érigée en congrégation sous le vocable Notre-Dame de Grâce.
- En 1896, la congrégation compte des maisons de rééducation, de préservation et de vacances.
- La Ronce est classée parmi les oeuvres de vacances, maisons de repos et foyers. On y trouve ouvrières, employées, étudiantes, institutrices. De juillet à octobre, la Ronce devient un cadre de colonies de vacances.
Extrait de la plaquette devant l'entrée de la Ronce.
En 2008, dans la salle d'attente d'un médecin, j'ai rencontré Mme Bergot agée de 82 ans qui m'a dit qu'elle avait séjourné quatre ans à la Ronce, en maison de repos dirigée par des religieuses accueillant des tuberculeux. Son séjour s'est passé vers 1950.
Notons également qu'après la seconde guerre mondiale, les sœurs de la Ronce possédaient les terres derrière le pavillon royal que Maurice Petit, maraicher de l'Hôtel Dieu, labourait.
Ces soeurs s'occupaient également du cathéchisme paroissial dans les années 1970. Soeur Bernadette qui vit toujours, s'est occupée d'enfants en difficulté de 1966 à 1978. Elles ont cessé de séjourner à la Ronce en 1978. Ces religieuses sont inhumées au cimetière de Marcoussis; elles ont obtenu deux concessions perpétuelles mitoyennes, l'une en 1920 par la prieure Cécile Agnès, l'autre en 1936, par la prieure Marie Jean; vingt sept soeurs y sont inhumées la première en 1910, la dernière en 1995.
Relevons dans un papier à en tête, Foyer Saint-Dominique, la Ronce
La propriété de la Ronce comprend :
Le foyer Saint-Dominique, foyer de l'aide sociale à l'enfance,
Le nid Ronçois, colonie de vacances (jeunesse et sports)
Nous devons rester jusqu'à fin 1978…
Papiers à en-tête des religieuses.
En 1978, lettre des religieuses au maire de Bourg-la-Reine,
J'accuse réception de votre lettre me confirmant votre désir d'acquérir la propriété de la Ronce, le total des surfaces vendues est de 76.871 m2 . J'ai signalé à Mr Charpentier (marcoussissien) , directeur de vos sercives techniques, que le prix est de 1.900.000 frs.
Deux mois après, la caisse des dépôts consent un prêt. Les religieuses envoient également des renseignement sur le fonctionnement de leur collectivité comprenant 60 personnes. Salaires:
• Bertrand Roger (culture) 3.192 frs
• Thiriez Renée (cuisinière) 3.088 frs
• Da Sylva Elvire (aide cuisinière) 2.673 frs
La mairie de Bourg-la-Reine a acheté ce domaine vers 1980 (1). Roger Bertrand a continué sa fonction de jardinier pour la commune, en produisant des légumes qui servaient le mercredi au déjeuner préparé pour les jeunes qui venait s'aérér. Le centre de loisirs fonctionnait chaque mercredi, et l'été pendant les vacances scolaires. Cette activité a fonctionné de 1982 à 2004.
Actuellement le domaine appartient toujours à la ville de Bourg-la-Reine qui a cessé d'en faire un centre aéré pour des questions de mises aux normes trop dispendieuses. Le gardien, René Debarge, a continué de garder les lieux jusqu'en 2012; les conditions de loyer qu'il subissait l'on conduit à quitter le domaine en 2012. Son remplaçant est resté un mois et a été obligé de quitter les lieux, victime de menaces par des récupérateurs de métaux ... Depuis le domaine non entretenu est équipé d'un système de télésurveillance. Les derniers bruits qui courent citent le centre de Rugby comme intéressé par ce lieu.
Note
(1) Les informations du XXe siècle viennent de Norvège où les archives de la Ronce sont gardées. Malgré de nombreuses demandes, la mairie de Bourg-la-Reine n'a pas été capable de me montrer l'acte d'achat de 1980.