Les héritiers de la dame de la Roue |
|||
Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _------------------- --------- Janvier 2011
Extrait du plan napoléonien de Linas.C. Julien
Dans cette chronique nous présentons les personnages qui ont possédé la seigneurie de La Roue (Linas, cant. Montlhéry, Essonne) au cours du XVe siècle avant l'acquisition de ce fief par l'amiral Louis de Graville. Au travers de la généalogie de la famille de Trie, et de la sentence d'un procès de 1474, nous évoquons comment Charles d'Allonville devint seigneur de la Roue sous le règne de Louis XI.
« La Roue est un fief et une maison seigneuriale qui occupe une partie considérable de Linas, du côté du couchant. Toute cette partie, à commencer depuis le pont jusqu'au bout du bourg est appelée Linois-la Pélerine, à la différence du reste de Linas dont le Chapitre est seigneur censier » nous dit l'instituteur Mr. Piprot dans sa monographie de 1899, reprenant le texte de l'abbé Lebeuf. Dans une chronique précédente (cf. La Seigneurie de La Roue ), la suite chronologique des seigneurs de la Roue a été donnée. Précédemment, nous avons appris que la seigneurie de la Roue a fait partie, pendant plus d'un siècle, du patrimoine de la famille de Trie. Dans celui de la branche des Plessis-Billebaut (1), du chef de Renaud 1er de Trie, dit « Patrouillard », puis dans celui des seigneurs de Sérifontaine, héritiers de Pierre de Trie .
La maison de Trie Commençons notre étude par un bref examen de la maison de Trie (2). Cette famille est issue des cadets de la maison de Chaumont-en-Vexin, puissante seigneurie qui contrôlait la route de Gisors et la vallée de l'Epte, frontière avec la Normandie. Les châteaux de Trie, Sérifontaine, Vaumain, etc. protégeaient le riche pays du Vexin français et le comté épiscopal de Beauvais. Cette famille nombreuse et importante a fait parler d'elle à plusieurs reprises. On compte deux maréchaux de France, un amiral de France, des dignitaires de l'Église dont un archevêque et pair de France, des abbesses, des chambellans, etc. Il y a lieu de distinguer les différentes branches issues des deux fils de Jehan 1er de Trie et d'Aelis de Dammartin qui vivaient au XIIIe siècle : Mathieu, seigneur de Mouchy, et Renaud, seigneur de Fontenay. Ce sont : les Mareuil, branche issue de Philippe, fils aîné de Mathieu de Trie, on compte six degrés éteints au XVe siècle avec Philippe II de Trie. les Plessis-Billebaut, branche issue de Jean fils de Renaud II et d'Isabelle de Heilly, éteinte en 1433 avec Pierre de Trie dit Patrouillard (3). les comtes de Dammartin, branche issue de Jean de Trie, second fils de Mathieu de Trie, les Sérifontaine, branche issue de Thibaut, troisième fils de Mathieu de Trie, les Fontenay-Plainville, branche issue de Renaud de Trie, troisième fils de Jehan 1er, on compte sept degrés éteints au XVe siècle avec Louis de Trie. les Vaumain, rameau issu de Renaud, fils du précédent, mari de Jeanne de Hodenc, éteint avec le maréchal Mathieu de Trie en 1344. Une vingtaine de personnes de la famille de Trie portèrent le prénom de Renaud (ou Regnault) ce qui rend une identification délicate. Retenons : Renaud de Trie, IIe du nom, seigneur du Plessis-Billebaut, etc. fut l'un des seigneurs qui furent faits chevaliers de la main du roi Philippe le Bel le jour de la Pentecôte 1313. Il fut depuis maréchal de France, et mourut vers l'an 1324, ayant eu d'Isabelle de Heilly, dame de Mareuil, fille de Jean seigneur de Heilly, 1er du nom, et d'Alix dame de Pas-en-Artois, Philippe, seigneur de Mareuil,de Fontenay près Louvres ; Jean, qui fit la branche des seigneurs du Plessis et de Mouchy ; Alix , mariée à Thomas de Couci IIe du nom, seigneur de Vervins, laquelle fit son testament en 1323 ; Jeanne , alliée à Philippe de Chambli, seigneur de Livry , et Renaud de Trie dit Billebaut , seigneur de Fresnes, Quevremont et Quesnel, qui servit le roi en l'ost de Breteuil en 1356, et vivait en 1368. Il avait épousé en 1343, Isabelle la Gourlé, dame de Fréssins ou de Fresne, veuve de Jean Fournier, chevalier, dont il eut Isabeau de Trie, mariée à 1° Jean de Chastillon, seigneur de Bonneuil et de Loisi ; 2 ° Jean de Ploisi, chevalier. Renaud III de Trie, dit Patrouillart , seigneur du Plessis, fut aussi seigneur de Mouchy en Beauvaisis par la donation que lui en fit Jean de Trie son cousin, archidiacre de l'église de Châlons, dont il fut exécuteur testamentaire. Il fut en 1388, l 'un des seigneurs députés pour aller à Melun, traiter avec les gens du roi de Navarre, après avoir servi le roi en la compagnie du comte de Dammartin, dans la guerre de Bretagne sous Bertrand du Guesclin. Il avait épousé le 26 juillet 1371, Jeanne , fille de Jean, seigneur de Fosseux, dont il eut entr'autres enfants Renaud , qui suit. Renaud IV de Trie, dit Patrouillart , seigneur de Mouchy-le-Châtel, et du Plessis, chambellan du roi, suivit le maréchal de Rieux en l'expédition qu'il fit en Angleterre au pays de Galles, et fut tué à l'attaque du château d'Hartfort (Pays de Galles) en 1406, au grand regret de toute l'armée. Il avait épousé Marie de Néelle, laquelle prit une seconde alliance avec Jean seigneur de Montravel, chevalier, du pays de Forez, ayant eu de son premier mariage, Jean , mort jeune, Pierre et Jeanne de Trie, morte jeune. Regnault de Trie, plus connu par son surnom « Lohier » (4), mort après 1329, seigneur de Sérifontaine, qu'il servit le Roi à la guerre de Flandre l'an 1328 sous le comte de Dammartin, son cousin, et épousa Marguerite de la Roue, veuve de Guillaume de Marcilly, de laquelle il eut entre autres enfants Mathieu de Trie qui servit sous le connétable du Guesclin. Renaud de Trie, seigneur de Sérifontaine, Mareuil, Buhi, chambellan du roi, capitaine et garde des châteaux de Saint-Malo et de Rouen, était chambellan de Louis duc d'Anjou en 1380, fut l'un des seigneurs qui se trouvèrent aux joutes de tournois qui se firent à Saint-Denys le 3 mai 1389, pour la chevalerie du roi de Sicile et du comte du Maine son frère. Deux ans après, il était à la tête de toute la jeune noblesse de la cour, avec Renaud de Roye, lorsque le roi étant à Amiens, alla au devant du duc de Lancastre. Il fut retenu du Grand Conseil du roi en mars 1393, exerça la charge de maître des arbalétriers en 1394 et 1395, surnommé amiral de France en 1397, dont il se démit en 1405, et mourut en 1406, sans laisser de postérité de Jeanne de Bellengues, laquelle prit une seconde alliance avec Jean Malet, V du nom, seigneur de Graville, grand fauconnier de France. Renaud de Trie, seigneur de Vaumain, etc. fut tué à la bataille de Courtrai en 1302 , et eut de Jeanne de Hodenc, sa femme : 1° Matthieu, qui fut élevé à la charge de maréchal de France, vers l'an 1310, et l'année suivante il assista au sacre du roi Charles le Bel , qui le nomma l'un de ses exécuteurs testamentaires ; 2° Guillaume, évêque de Bayeux, puis archevêque de Reims, qui sacra le jour de la Trinité 1318, le roi Philippe de Valois , dont il avait été gouverneur et nourricier, et mourut le 28 septembre 1334 ; 3° Agnès , dame de Saint-Paët et 4° Marguerite de Trie, dame de Longroi. Jean de Trie, dit Billebaut, frère de Renaud, seigneur du Plessis-Billebaut, se qualifiait aussi seigneur du Quesnel, et confirma, en 1345, les donations que ses prédécesseurs avaient faites à l'abbaye de Froidmont (5).
Les fiefs du Hurepoix En 1362, nous trouvons Jean de Trie, fils de Jean de Trie, comte de Dammartin, seigneur de Mouchy, sénéchal de Toulouse et de l'Albigeois, maréchal de France et de la dame de Chambly. Ce personnage, seigneur de Mouchy-le-Châtel, clerc, archidiacre d'Arthenay (ou d'Athénois, église Saint-Etienne de Châlons), était seigneurie de Beaurepaire près Neauphle. En cette qualité il fit une aumône à l'église abbatiale de Saint-Pierre de Neauphle-le-Vieux, de son manoir de Beaurepaire et de ses dépendances, mouvant de Pierre de Villaines en fief et arrière-fief, lequel accepta que les moines tinssent ce manoir en mainmorte, s'en réservant la haute justice, et reçut 16 francs d'or pour cet amortissement. Au XIIe siècle, Grigny et Plessis-le-Comte étaient des fiefs qui appartenaient primitivement à la châtellenie de Montlhéry dont ils avaient été distraits sous Philippe-Auguste pour être réunis à celle de Corbeil du temps de Jean de Corbeil. Les sires de Chevreuse y avaient dans leur mouvance deux fiefs et dix arrière-fiefs. Le 16 juin 1384, sous le scel du bailliage de Clermont, Jehanne de Fosseux, dame de Mouchy-le-Chastel, avouait tenir de Pierre de Chevreuse, pour son fils mineur, Regnaut de Trye, dit Patrouillard , écuyer : À la fin du XIVe siècle, Jeanne de Fosseux, mère de Renaud IV de Trie dit Patrouillard tenait, du baron de Chevreuse, le quart du moulin de Juvisy « Gevesi ». Cette dame de Mouchy-le-Chastel était la fille de Jean, seigneur de Fosseux de Conflans et avait épousé Renaud III Patrouillard le 26 juillet 1371. Ainsi, nous pouvons conclure qu'il est tout à fait raisonnable de voir la famille de Trie installée sur la terre de La Roue à Linas.
Les neveux et nièces de Marguerite de Trie Selon la Coutume de Paris , Marguerite de Trie était morte sans laisser de postérité et aurait eu comme héritiers ses neveux et nièces issus de la branche des seigneurs de Sérifontaine. Elle était le troisième enfant de Mathieu de Trie, dit Lohier (dont on trouve l'inscription : « Ex voluntate patris et avi de Trie dicti Lohier ») et de Jeanne Blaru. Marguerite de Trie « haulte et puissante dame », sœur de l'amiral de France, fréquentait les allées du pouvoir. Le 26 janvier 1389, le duc d'Orléans lui offre une haquenée ; elle assiste aux fêtes de Saint-Denis. Cette dame épousa en premières noces Hue de Boulay-Thierry, compagnon de Charles V puis chambellan de Charles VI chambellan du roi, capitaine et garde des châtel et ville de Nogent-le-Roi, mort le 3 octobre 1395. Le veuvage de Marguerite fut de courte durée, elle se remaria en l'an 1396 avec Hervé le Coich, seigneur de la Grange. À cette occasion nous trouvons « … à Thomas de Milly, changeur, pour un hanap d'or couvert et poinçonné à menues ouvrages et garny de pierreries et perles que le roy a fait donner à madame Marguerite de Trie, dame de La Grange… ». Hervé le Coich était chambellan et conseiller roi et du dauphin Charles. De 1376 à 1382, ce personnage est cité en qualité de sénéchal de Saintonge. En 1400, il fut parmi les seigneurs et chevaliers qui reçurent une houppelande pour fêter l'an neuf. Marguerite était encore veuve en 1414. Le 28 décembre 1417, Marguerite de Trie, vicomtesse de Nogent-le-Roi, avoua tenir le fief de Chaudon (Eure-et-Loir) à « une foy et hommage, rachapt et cheval de service » de Jean seigneur de Chevreuse. Les enfants des frères de Marguerite, Jean et Renaud, tous trois issus du premier lit du chevalier Mathieu de Trie dit Lohier et de Jeanne de Blaru, étaient les successeurs désignés:
Le plus riche baron d'Île-de-France Jacques de Trie, seigneur de Roulleboise, etc. fils de Mathieu , seigneur de Sérifontaine, etc. et de Jeanne de la Roche-Guyon, sa seconde femme, fut l'un des plus riches seigneurs de son temps, car il possédait : Jacques de Trie, le demi-frère de Marguerite dame de la Roue, mourut le 5 octobre 1432. Ses terres furent distribuées entre ses dix enfants que lui avait donné Catherine de Fleurigny, fille de Philippe, seigneur de Fleurigny, et de Marguerite le Drouais.
Les cousins de Marguerite Nous nous intéressons maintenant aux cousins de Marguerite de Trie, ceux issus du chevalier Renaud d'Escrones, seigneur de Boigneville, fils de Garin II d'Escrones, seigneur d'Esclimont, et frère de Ameline, femme de Jacques de Blaru, les grands-parents de Marguerite. Renaud fut marié à Pérenelle de Corbeil, fils de Beaudouin VIII et Marguerite de Vienne dont il eut trois héritiers : deux fils et une fille. La filiation est donnée précisément dans la sentence de 1474. De la maison d'Escrones sont issus :
Généalogie simplifiée de la famille de Trie.
Les procès dans la famille de Trie La complexité de la propriété féodale apparaît dans les riches familles nobles. Des transports de fiefs avaient lieu bien souvent entre cousins pour plusieurs raisons. D'une part, lors de l'extinction d'un lignage, les immeubles étaient aliénés pour assurer un douaire à la veuve. La nécessité d'éteindre des dettes était aussi une cause. Enfin la volonté de reconstituer un domaine viable morcelé par les successions était faite par des ventes entre parents. L'exemple de Jacques de Trie est significatif. Le patrimoine de la maison de Trie étant distribué sur plusieurs provinces aux coutumes différentes, il s'en suivit des difficultés et bien évidemment des procès eurent lieu. Toutefois, notons que la majeure partie des biens meubles et immeubles relevaient de la coutume de Picardie. La qualité des statuts coutumiers était complexe. Par exemple, en Normandie l'on tenait pour maxime « qu'il ne se fait point de remploi de Coûtume à Coûtume », en sorte que le bien d'une femme situé dans une autre province ayant été vendu par son mari, elle ne pouvait en demander le remploi sur les immeubles situés en Normandie. Il en était de même avec les règles de succession. La coutume de Paris reconnaissait le droit d'aînesse, c'est-à-dire que le « préciput de l'aîné ès fiefs » était appliqué. Dans les successions directes, « l'aîné mâle prend par préciput, le château ou manoir avec les accès et préclôtures et le vol du chapon ; dans le surplus du fief il a la part avantageuse, qui est plus ou moins grande selon le nombre d'enfants qu'il y a… ». En ligne collatérale, « le mâle en pays Coûtumier, exclud la femelle en pareille degré ». Par contre, la coutume de Picardie ne disposait rien touchant le remploi (6). Une autre disposition qui engendra des chicanes est celle du testament. La coutume de Paris reconnaissait qu'un testateur pouvait disposer à l'âge de 14 ans (20 ans était l'âge requis pour une fille) alors que pour la coutume d'Angoumois l'âge requis était 25 ans. Pour qu'un testament soit effectif à Paris, le testateur devait survivre au moins trois mois alors qu'en Normandie vingt-quatre heures au moins suffisaient. Le coutumier de Picardie stipule « Entre nobles en succession directe, le fils aîné, où il y a fils, et s'il n'y a fils, la fille aisnée succède aux fiefs ; et n'ont les autres puisnez et filles ensemble, que un quint hérédital esdits fiefs, sans y comprendre le chastel et principal manoir et pourpris d'icelui, ausquels les puisnez ne prennent rien, ains appartiennent entièrement à l'aisné. Le tout, si le père ou mère, ayeul ou ayeule, n'en avoient autrement disposé par donation entre vifs, ou par testament ». Quand il n'y a que des filles, les fiefs se partagent également tant en ligne directe qu'en ligne collatérale. D'autres articles envisagent l'absence d'un aîné : « Et si l'aisné décède sans hoirs de sa chair, l'aisné d'après lui succède esdits fiefs entièrement » avec une clause de remboursement du quint. Encore : « Le pareil se garde entre les sœurs n'ayant aucuns frères », et « Et s'il n'y a frères ne sœurs, le plus prochain collatéral mâle aisné, venant du plus âgé mâle, succède entièrement auxdits fiefs » (7). Plusieurs exemples méritent d'être cités quant aux transferts de propriétés entre les membres de la famille de Trie. À la fin du XIVe siècle, la terre de Tierceville était dans les mains de l'amiral Renaud de Trie. À sa mort en 1406, Tierceville était un demi-fief de Haubert qui passa pour moitié à Jacques de Trie, frère de Renaud, et après lui à Catherine de Trie, sa fille, épouse de Gérard Raoullin, seigneur de la Grange. Quant à l'autre moitié, elle était échue à Marie de Trie, sœur de Renaud qui avait épousé Jean de Saint-Clerc, dit Bruneau, seigneur du Plessis. La terre de Mareuil était entrée au XIIIe siècle dans la maison de Trie quand Marguerite de Courtenay épousa Renaud 1er seigneur du Plessis-Billebaut. Leur petit-fils en était seigneur en 1319, puis Renaud III, qui servit le roi en 1357, mari de Jacqueline de Conflans. Leur fils Philippe II, chambellan du roi de Navarre donna dénombrement de cette terre en 1394 à Amaury d'Orgemont chancelier du duc d'Orléans. Se voyant sans héritiers, ce même Philippe et Agnès de Goussainville sa femme la vendirent le 17 septembre 1395 à son cousin l'amiral Renaud de Trie, seigneur de Saulmont, chambellan du Roy, et à Jeanne de Bellengues sa femme. Cette Jeanne de Bellengues étant remariée à Jean V Malet, seigneur de Graville (futur seigneur de Marcoussis et de Montaigu), ils se vendirent conjointement le 14 février 1408 à Jacques de Trie seigneur de Rouleboise et à Catherine de Fleureigni sa femme, leurs beau-frère et belle-sœur, la moitié de la terre de Mareuil, en même temps que la moitié du fief noble de Chantilli que l'amiral Renaud de Trie avait léguée à la même Jeanne de Bellengues. Le 18 janvier 1410 le même Jean Malet de Graville et son épouse Jeanne vendirent à Arnaud de Corbie, chancelier de France l'autre moitié de Mareuil. En 1415, cette dernière moitié était déjà passée à Philippe de Corbie, comme il est dit dans le dénombrement du 8 mai de cette année, donné par Jacques de Trie , seigneur de Rouleboise à Pierre d'Orgemont, sire de Montjay. Un autre procès retentissant eut lieu sous le règne de Philippe VI après le décès de Mathieu 1er de Trie, seigneur de Vaumain, chef de la branche cadette de Fontenay. Couvert d'honneur, maréchal de France en 1320, ce personnage qui avait assisté aux sacres des rois Charles IV le Bel et Philippe VI de Valois mourut sans postérité le 6 novembre 1344. Il avait épousé en secondes noces la comtesse Ide de Rosny ; tous deux octroyèrent la charte communale de la ville d'Ault en Picardie. Mathieu de Trie, qui avait recueilli l'héritage de son frère Guillaume de Trie, archevêque de Reims et pair de France, mourut peu de temps laissant sa succession à ses deux sœurs, Agnès de Trie, dame de Saint-Paër et Marguerite de Trie, dame de Longroy, contre laquelle Ide de Rosny plaida en 1344 pour la délivrance de son douaire. Ide mourut seulement en 1375. Guillaume de Trie , chevalier, seigneur de Fontenay, Radeval et Senancourt, fils puîné de Renaud de Trie, chevalier, conseiller et chambellan du roi, et de Marie de Hangest, était en procès, en 1413, avec Mathieu, chanoine de Paris, son frère aîné, relativement à l'héritage de Renaud, leur père. Allié à Isabelle Malet de Graville en 1390, il fut tué à Azincourt laissant un fils unique Louis de Trie. Les terres de Louis furent confisquées par le roi d'Angleterre, et données par lui, en 1423, à Richard de Wideville, son grand sénéchal en Normandie. Il avait été fait prisonnier des Anglais et son oncle Mathieu paya la rançon. Louis mourut célibataire et sans enfants son héritage fut recueilli par son cousin Jacques de Trie. Avec Louis de Trie, s'éteignait la branche de Fontenay.
Le feu aux poudres entre cousins L'importance du choix des exécuteurs se vérifie largement dans le cas des testaments rédigés au début du XVe siècle (8). Quant à Jean de Trie, fils de Mathieu dit Lohier , seigneur de Lalainville, chambellan du duc Louis 1er d'Orléans, il fit appel à plusieurs personnages de marque pour donner plus de valeur au document et pour en assurer sa bonne exécution : Guillaume de Dormans, archevêque de Sens et Hervé le Coich, chambellan du roi et du dauphin et Nicolas le Charron, changeur et bourgeois de Paris sont sollicités. De part son mariage avec Marguerite de Trie, sœur de Jean de Trie, Hervé le Coich en est le beau-frère. C'est d'ailleurs à lui et à sa femme que, dans son testament, Jean confie ses biens, dont ils pourront jouir « durant ladite minorité seulement dudit Loys mon fils ». On peut esquisser le désarroi de Jacques de Trie, le demi-frère de Jean, qui n'est pas considéré comme partie entière de la lignée des seigneurs de Sérifontaine. À la mort de Jacques, les hostilités sont reprises entre cousins. Cette fois, Philippe de Trie, fils de Jacques revendique la succession de sa tante Marguerite ; le problème se pose du fait que la plupart des biens proviennent du côté de la famille d'Escrosnes qui possédait autrefois la seigneurie d'Esclimont (9).
Le transfert de Mouchy-le-Châtel La terre de Mouchy (on a prononcé Moucy jusqu'au XVIIe siècle, aujourd'hui Mouchy-le-Châtel) fut jadis une des principales des plus anciennes baronnies du Beauvaisis protégeant le domaine épiscopal. Le transfert de cette seigneurie est également significatif et pourrait expliquer les changements de propriétaires du fief de la Roue à Linas. Entrée dans la maison de Trie vers 1161 par Heddiva de Mouchy lors de son mariage avec Enguerrand II de Trie, cette terre avait été attribuée par succession à la branche de Dammartin. Au début du XIIIe siècle, Mouchy passe aux mains de Jean 1er, comte de Trie, qui parait seulement dans quelques actes de propriété, en 1212 ; puis à son fils Jean 1er, seigneur de Trie et de Mouchy, qui combattit à Bouvines auprès de Philippe-Auguste. Son fils aîné, Mathieu, seigneur de Trie et de Mouchy, succède au comte de Dammartin et dispute à la couronne la châtellenie de Mouchy, dont la propriété lui est confirmée par un arrêt de 1267. Son second fils Jean II rend les seigneurs de Trie et de Dammartin possesseurs de Mouchy-le-Châtel ; son troisième fils, Jean III, sénéchal de Toulouse et d'Albigeois, devient seigneur de Mouchy, et soutient à ce sujet de longs procès contre son frère Renaud II de Trie le comte de Dammartin. La sentence du bailli de Senlis lui adjuge en 1310 la terre de Mouchy pour la somme de 4.800 livres . Le troisième fils du sénéchal, Jean, chanoine de l'église de Mouchy et archidiacre de Châlons, lui succède en 1327 dans la seigneurie de ce lieu . Il confirme, en 1336, aux chanoines de Mouchy toutes les donations qui leur ont été faites par les seigneurs qui l'ont précédé. Dans son testament, le prélat donne sa terre de Mouchy-le-Châtel à son cousin Renaud 1er de Trie dit « Patrouillard » seigneur du Plessis. Mouchy fut détenue par les successeurs de celui-ci, par son fils Renaud II de Trie dit « Patrouillard » mort en 1406 lors de l'assaut du château de Hartford en Pays de Galles, puis par le fils de celui-ci, Pierre de Trie dit « Patrouillard ». À sa mort en 1433, la seigneurie de Mouchy-le-Châtel passa à Mathieu de Trie dit « Lohier », seigneur de Sérifontaine conformément à la clause du testament du chanoine Jean de Trie disposant des biens « à défaut d'hoirs de son cousin Patrouillard ». C'est alors que Mouchy-le-Châtel passa dans les mains de Robine de Trie, héritière de Jacques de Trie, seigneur de Roulleboise, à cause de son grand-père Mathieu de Trie dit « Macé ou Lohier » , laquelle l'apporta en dot à Thibault de Maricourt.
Le procès de 1474 Une sentence du bailli de Chartres nous aide à comprendre le jeu de chaise musicale des biens de la maison de Trie. Le procès touchant la possession de la terre et seigneurie d'Esclimont fait suite à la succession de Marguerite de Trie disparue sans postérité. Les biens de la dame d'Esclimont sont disputés par ses cousins issus de germains. "Sentence donnée par Michel Michon, licencié en loix, lieutenant particulier de noble homme Guillaume de Coursillon, chevalier, seigneur de Montléan, conseiller et chambellan du Roy, bailly et capitaine de Chartres, comissaire à ce député le mercredy 20 apvril 1474, signée le Gendre, pour raison du procès mû audict baillage entre Guillaume de Languedoue, Charles d'Allonville, escuyers, et demoiselles Bertranne et Michelle, leurs femmes, demandeurs, d'une part, et messire Philippes de Trie, chevalier, défendeur, d'autre, contenant que le samedy 21 febvrier 1466, iceux demandeurs auroyent obtenu lettres royaulx signifiées au lieu de Boissi près Meaux, domicile dudict deffendeur, à ce qu'il eust à se départir de la jouissance de la terre et seigneurie d'Eclimont, size audict baillage, près Gallardon, en la paroisse de Saint-Symphorien, et que pour cet effect, il eust à comparoir au jour proche de la Quasimodo , par devant le bailli de Chartres, prédécesseur dudict bailli, auquel jour 6 avril 1467, les susdicts fussent comparuz par devant M. Michel Grenet, lieutenant général de noble homme feu Jehan de Rochechouart, lors bailli et capitaine de Chartres, lors prédécesseur, où le deffendeur auroit demandé vente lui être faite, et le vendredy 24 juillet, ayant encores comparu par devant ledict Grenet, auroyt esté de la part des demandeurs allégué qu'à feu Guérin d'Escrosnes, escuyer, appartenoyt le fief, lieu et seigneurie du dict Esclimont juxte Jehan de la Rosière , escuyer, seigneur dudict lieu avec tous les cens et héritages qui en dépendent, que le susdit Guérin d'Escrosnes seroyt décédé et auroyt laissé deux enfants, messire Regnault d'Escrosnes, chevalier, et Ameline, mariée au seigneur de Blaru, lesquels se seroient déclarés héritiers de luy ; que dudict messire Regnault estoient issus messire Adam des Crosnes, Guyot d'Escrosnes et Jehanne d'Escrosnes, nepveux et niepce de la dite Ameline, et que du dict messire Adam d'Escrosnes estoient issus messire Adam et Pierre d'Escrosnes, chevaliers, et dame Marguerite d'Escrosnes, et du dict Guyot d'Escrosnes estoyt issu Jehan d'Escrosnes, escuyer, sr de Boyneville, seul et unique héritier de son dict père ; et de la dicte Jehanne, fille du susdit messire Regnault estoit issu Guillaume de l'Estandart, son fils, et que tous les enfans des susditz messire Adam d'Escrosnes laisné, Guyot d'Escrosnes et Jehanne d'Escrosnes estoient cousins germains et nepveux en deux degrés et descenduz de la susdicte Ameline, à laquelle lors de son mariage ledict Guérin, son père, auroyt baillé les héritages cy-dessus mentionnés, que de icelle Ameline estoit issu une fille nommée Jehanne, mariée à messire Mathieu de Trie, que des dicts Mathieu de Trie et Jehanne étoient issuz messire Regnault de Trie, Jehan de Trie et Marguerite de Trie, dame du Boullay , laquelle auroyt succession de ses dicts frères et leur auroyt succédé audict Esclimont, et depuis estant décédée sans enfants, luy auroyt succédé chaqu'un pour sa quatrième portion, messire Adam des Crosnes le jeune, et messire Pierre des Crosnes, enfans dudict messire Adam des Crosnes laisné, fils dudit messire Regnault, frère de la dicte Ameline, ayeulle de ladicte dame du Boulay, sans que la dicte Marguerite y succédast, pour ce que les dits héritages estoient tenus en fief et terre unique en ligne collatérale, en laquelle les filles ne pouvoyent avoir rien, y ayant masies, ainsy qu'il est gardé par la coutume du pays chartrain, et que depuis iceux Adam et Pierre des Crosnes estans décédés sans enfans, Marguerite leur seur leur auroyt succédé en la moitié du dict Esclimont, et qu'aussi auroyent succédé en chaque une part de l'aultre moitié Jehan des Crosnes , fils Guyot d'Escrosnes, et Guillaume de l'Estendart , fils de la dicte Jehanne, fille dudict messire Regnault d'Escrosnes et sœurs desdicts messire Adam et Guyot des Crosnes, cousins et héritiers en pareil degré de ladicte dame du Boulay, lesquels auroyent vendu au susdictz Charles d'Allonville et Guillaume de Languedoue leur part et portion en la terre et seigneurie dudict Esclimont, de sorte qu'ils auroyent droit à cause de ce en la moitié d'icelle et pour l'aultre moitié elle leur appartenoyt à cause de leurs femmes, comme filles et héritières de la susdite Marguerite d'Escrosnes, leur mère et qu'ils en auroyent faict la foy à Jehan de Rogueres (?), seigneur féodal dudict Esclimont ; qu'en apvril 1455, ledit Charles d'Allonville auroyt faict bastir la grange et dépendances continu les bastiments dudict Esclimont ; et de la part du deffendeur auroit esté soutenu au contraire qu'il estoit petit nepveu en ligne collatérale de ladite dame du Boulay, d'aultant que ledict messire Jacques de Trie et elle estoient frère et sœur issus de messire Loys de Trie leur père, et que dudict messire Jacques de Trie et de dame Catherine sa femme estoit issu ledict messire Philippe de Trie , leur fils, et pour lors deffendeur, et que ladicte dame du Boulay, par son déceds, auroyt délaissé le susdict massire Jacques de Trie son frère pour son seul et unique héritier, et que par arrest ledict Philippe auroyt esté maintenu en la possession et jouissance de toute la succession de la dicte dame du Boulay ; et contenant, ledict Grenet, après avoir ouy les dictes parties, les auroict appointées à coutume, et contenant, depuis leurs requestes auroient esté mises par devant honorable homme et saige messire Jehan Bauldry, licencié en loix, lieutenant général dudict seigneur bailly, lequel dès le 30 août 1470 leur auroyt assigné jour pour avoyr droict, et comme le vendredy 2 aoust 1471 lesdicts demandeurs auroyent présenté audict licencié lettres royaulx, par lesquels est mandé les recepvoir à pouvoir poser, articuler et prouver la coutume du pays chartrain estre que les héritages propres appartiennent et eschoient par succession aux plus prochains héritiers du defunct ou defuncte du costé et ligne où lesdits héritages estoient tenuz et descenduz, et par la susdite sentence, après enqueste faicte sur la dicte coustume, et veu plusieurs partages et actes, le deffendeur est condampné à laisser aux demandeurs libre la possession et jouissance du fief, lieu et terre dudict Esclimont et dépendances d'iceluy". Ainsi, nous assistons à un différend qui dura plus de vingt ans (depuis le décès de tante Marguerite en 1454) entre Philippe de Trie, défendeurs et les héritiers d'Adam d'Escrones, Charles d'Allonville et de Guillaume de Languedoue, demandeurs. Ces deux personnages étaient acquéreurs de Jehan d'Escrones, fils de Guyot, et de Guillaume de l'Étendart, fils de Jeanne d'Escrones, de leur moitié de la terre d'Esclimont (Saint-Symphorien), l'autre moitié leur appartenant à cause de leurs femmes, filles de Marguerite d'Escrones. Le 20 avril 1474, la sentence du bailli de Chartres au profit des demandeurs confirme les arrangements entre les cousins d'Escrones et l'Estendard.
Le transfert de la Roue Au début du XVe siècle, nous assistons à l'extinction des branches de la maison de Trie, celle du Plessis-Billebaut, celle de Fontenay et du rameau de Vaumain au bénéfice de la branche de Sérifontaine. La succession des seigneurs de Mouchy-le-Châtel permet d'envisager le même scénario pour le transfert de propriété de la seigneurie de la Roue, comme suit : Le chambellan Charles dit " Charlot " d'Allonville (après 1398-août 1479) a été enterré en l'église de Poinville. Il était seigneur d'Allonville, de Chamblay, d'Ésclimont, de Moreaulieu, de la Ronce , du Plessis-Saint-Benoît, du Breau et de Basmeville. Il devint d'abord écuyer des écuries du Roy, puis maître d'hôtel et grand panetier de la maison du roi. Charles d'Allonville se distingue particulièrement dans le sillage de Louis XI, dont il est le principal agent en pays chartrain et au-delà ; il fut gouverneur de Montlhéry et de Meulan. Sa femme Bertranne de Richebourg lui apporte en dot la seigneurie d'Oysonville du fait de Marguerite d'Escrones (1410-1457), petite fille d'Adam d'Escrones.
Notes (1) Le Plessier-Bilbaut ou Plessier ou Plessis-Bilbaut est un hameau de la commune d'Ansacq (cant. Mouy, arr. Clermont, Oise) . Il s'était constitué, vers 1234, par une ferme dépendant de l'Abbaye de Froidmont, mais à côté de la ferme existait un véritable hameau au bord de la forêt de Hez dans lequel au XIIIe siècle, on dénombrait plusieurs seigneuries. La principale appartenait à Mathieu de Trie (Charte de Jeanne de Boulogne). Son fils, Jean de Trie surnommé Billebaut, lui succéda, donna son nom à cette partie du village et en septembre 1265 vendit ses terres, 9 mines (la mine de Clermont valait 60 verges qui font 2.575 centiares) de terre arable. En 1352, le sire Renaud de Trie, dit Patrouillard , était homme fieffé du comte de Clermont au Plessis-Billebaut. Ses armoiries étaient " d'or à bande componée d'argent et d'azur, une merlette de sable au côté senestre de l'écu ". (2) A. Du Chesne, Histoire généalogique de la maison de Dreux de Bar le Duc, de Luxembourg (chez Sébastien Cramoisy, Paris, 1631). - P. Anselme, Histoire Généalogique et Chronologique , vol. 6 (Cie. des Libr. Associés, Paris, 1730). – F.-A. Aubert de La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la Noblesse (chez la veuve Duchesne, Paris, 1770). – L. Moréri, Le Grand Dictionnaire Historique ou le Mélange curieux de l'Histoire , tome 2 (chez P. Brunel, Amsterdam, 1760). (3) Dans un Traité des Minorités, tutelles et curatelles de 1785 (p. 21), nous trouvons que le roi Jean donna, le 23 mai 1356 des lettres d'émancipation pour Jean de Neelle, fils et héritier de feu Gui de Neelle, sire d'Offémont, maréchal de France, suite à l'assemblée de famille où siégeait Regnault, dit Pele du Lart , seigneur du Plessis-Billebaut. (4) Patronyme d'origine germanique, équivalent de Lothaire. (5) H.-L. Bordier, Philippe de Remi, sire de Beaumanoir (Libr. Techener, Paris, 1869). (6) Le vol du chapon est la portion de terre qui revenait de droit à l'aîné et qui entourait ordinairement le manoir paternel. Elle tirait son nom de ce qu'on supposait que le chapon pouvait parcourir cet espace de terre en volant. Dans la coutume de Paris, le vol du chapon était estimé à un arpent de soixante-douze verges ou quinze cent quatre-vingt pieds. [A. Chéruel, Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la France (Paris, 1899)]. (7) M. Boucher d'Argis, Code rural ou Maximes et Reglemens concernant les Biens de Campagne (chez Prault, Paris, 1774). (8) E. Gonzalez, Un prince en son hôtel : les serviteurs des ducs d'Orléans (Publ. de la Sorbonne, Paris, 2004). (9) De nos jours, Esclimont est un hameau aux confins de la Beauce et du Hurepoix, de la commune de Saint-Symphorien-le-Château (Eure-et-Loir), située à 20 km à l'est de Chartres. (10) En 1507, l'amiral Louis de Graville fait l'acquisition des fiefs, terres et seigneuries de la Roue et Chenanville.
Ces sujets peuvent être reproduits " GRATUITEMENT" avec mention des auteurs et autorisation écrite
|