Le pavillon royal à Marcoussis (1773 à nos jours)
Cette chronique se propose de décrire l'histoire de ce lieu depuis sa création jusqu'à nos jours.
J-P Dagnot décembre 2013.
Vue actuelle du pavillon.
Pour commencer, citons la fameuse ordonnance royale de 1768, réprimant les particuliers qui ont eu la témérité de tuer des cerfs dans les bois de Marcoussis et les menace de les emprisonner et juger. En effet, les bois de Marcoussis font partie de la capitainerie de Séquigny, c'est-à-dire une zone réservée « aux plaisirs du Roy » qui, bien qu'appartenant à des propriétaires privés, étaient placée sous l'administration de la gruerie de Montlhéry. Le registre conservé à la Bibliothèque Nationale relate cette gestion sous le titre « Registre du greffe de la cappitainerye des chasses de la chastellenye de Montlhéry, forest de Séquigny, butte de Bruyères, Ollainville, boys de Marcoussis et autres lieux qui en dépendent , plaines de Longboyau et Longjumeau, boys et buissons adjacents » (cf. chroniques « La forêt de Séquigny ». On se souvient que le 3 février 1642, le lieutenant de son altesse Gaston d'Orléans « a aussy couru en icelle et pris deux cerfs comme aussy le sieur de Sonnevay a couru ce jour de mardy et a pris un cerf, que les 14 et 18 de ce mois, il a couru aux boys de Marcoussis et pris deux cerfs ». Puis, le 10 juillet, « Estienne Filon garde à pied en charge au village de Marcoussis , lequel a dict et déclaré que le jourd'hier sur les huict à neuf heures du soir, il trouva dans les boys dits les boys au dessus de la maison des Célestins, Jehan Bourré menuisier… avecq deux autres garnis de chacun un fusil qui estoient en affut tirant deux coups… le nommé Thomas Poullier fermier du Déluge en allant audict entendu brousser dans ledit corps une grosse beste, estant partant audict Bourré luy remontrant leur entreprise que les deux autres de sa compagnie faisoient sur les plaisirs du Roy » ; les braconniers avaient abattu une biche.
Louis XIV vient chasser dans la région, et souvent, part du château de Versailles. À cette période des routes royales sont construites et notamment celle qui part d'Orsay passe sur la digue du Grand Étang et aboutit au château du seigneur de Soucy.
De ces constatations, le roi qui voit ces travaux décide de construire un pavillon de chasse près du Grand Étang selon le dossier qui suit: Ce pavillon aura 45 pieds de long sur 24 de large hors oeuvre, et de 23 de hauteur sur l'entablement . Il sera établi sur le bord de l'étang du côté de la forêt et de la chaussée de l'étang à 36 toises du milieu de cette chaussée jusqu'au devant du pavillon, sur une direction perpendiculaire , laquelle passera à 23 toises du milieu de l'arceau qui vient d'être fait sur le bord de l'étang. Terrasses le terrain sur lequel doit être établi le pavillon étant plus bas d'environ 7 pieds que le milieu de la chaussée de l'étang il sera nécessaire de l'élever de 8 pieds.
Coupe du pavillon projeté.
Toujours extrait de ce dossier, ce pavillon à construire, étant fait suivant le plan qu'en a donné sa Majesté doit revenir à 21.279 livres, les terres pour relever ce pavillon de 8 pieds soit un pied au dessus de la chaussée de l'étang, le pavé qui doit y conduire à 15.189 livres. La construction du pavillon sur la route d'Orçay au Déluge est estimée à 36.468 livres; on a été obligé de donner 45 pieds de longueur à ce pavillon pour que le salon fut d'une largeur proportionnée à sa longueur; on s'est confirmé au reste du plan figuré. Si l'on veut économiser sur la dépense et en jouir promptement, on pourrait au lieu d'en construire les murs tout en grais qui est la pierre du pays, se contenter d'en mettre aux assises du socle par bas et aux encoignures pied droit et cintre de la porte d'entrée le surplus en bons moellons.
De ces notes, le dossier a été remis par Mr Trudaine au sieur Perrouet le 15 juin 1773, qui en a remis une copie au sieur Lebrun en lui écrivant le 19 juin, pour qu'il fasse commencer incessamment la construction du pavillon.
L'arceau du chemin du bord de l'étang date de ce moment. Les pavés viennent du bois des quarrés, Notons encore un autre devis du lieu en 1778 avec mention du début des travaux en 1768.
En 1774, une mention en marge d'un de ces feuillet dit que le roy a été à ce pavillon avec le dauphin et Mr le comte d'Artois; il ne restoit plus qu'à le meubler par le garde meuble . Sa majesté a paru contente de ce pavillon et des terrasses qui y ont été faites.
Le roi Louis XV ne profita guère de ce pavillon puis qu'il mourut deux ans plus tard. Louis XVI y vint beaucoup, puis Charles X qui tirait le canard dans les étangs asséchés. Le plan est probablement dû, comme celui de tant de pavillons semblables au premier architecte du roy, Jacques Ange Gabriel , C'est le Gabriel des dernières années ( il avait alors 74 ans) qui s'exprime dans cette architecture dont la simplicité confine au dépouillement: ni colonnes, ni péristyle, ni ailes d'aucunes sortes... Dans ce relais de meute, le souverain et sa suite ne faisaient que de courtes haltes, annoncées la veille par courrier. Nous arrêtons la reproduction de ce récit, la suite ne correspondant pas aux pièces mentionnées sur le plan "fait par le roi".
Notons en 1788, extrait d'un traité de vénerie, rédigé par un ancien commandant de la vénerie du roi:
Etablissement des équipages. Pour chasser dans les bois de Marcoussy, on faisoit autrefois le rendez-vous à Orsay, et ensuite à la butte aux sabotiers; mais en 1772, le roi Louis XV a fait bâtir un pavillon au bout de la chaussée de l'étang, où se font actuellement les rendez-vous; un grand chemin qui y conduit, a été fait en partie à cette intention. Ce n'est donc que vers ce tems-là qu'on a commencé à attaquer dans les bois qui sont de par de-là l'étang , et ce n'est aussi que depuis ce temps-là que les bois de Marcoussy, en général, ont été percés. Le roi Louis XVI, qui aime beaucoup ce pays, y chasse plus souvent que le feu roi. Comme il est éloigné de cinq lieux de Versailles, l'équipage doit d'abord coucher à Marcoussy la veille des chasses; mais depuis quelques années, on a fait un établissement pour les chiens et les chevaux, et ils y séjournent tout le temps que le roi chasse dans ces cantons.
Le feu roi n'a jamais chassé dans les bois de Sainte-Geneviève... Depuis que l'établissement est fait à Marcoussy, c'est de cet endroit que sa majesté y chasse, la distance étant moins considérable.
Quêtes, Assemblée au pavillon de Marcoussy. On choisira entre les différentes quêtes ci-après, mais elles peuvent toutes faire leur rapport au pavillon:
- le parc de Marcoussis et les bois de la Madeleine deux hommes,
- les carrés et côtes de la Grange-aux-Moines , deux hommes,
- le bois de la Brosse et la garenne de Gometz, deux hommes,
- les Charmeaux et la queue de Janvry, deux hommes,
- la gauche du pavé jusqu'au Fey, deux hommes,
- la mare aux lièvres et la butte Sainte-Catherine en revenant jusqu'à Bailleau, deux hommes,
- les fonds de Trou, butte de Bruyères et bois de Biscorne, deux hommes,
- l'autre côté du pavé Haudry, deux hommes,
Placement des relais. Marcoussy. C'est un grand pays où on peut placer trois relais... l'un aux bois de Cyprune au-dessus d'Orsay... De l'autre côté, la queue de l'étang, le Déluge et le Fey sont de bons passages... Le fond de Mulrond et le pavé Haudry si l'on attaque par de-là ...
Ce texte est très instructif sur l'usage du pavillon de chasse et également celui de l'établissement bâti aux Célestins de Marcoussis pour les chiens et les chevaux.
Nous arrivons à la Révolution, et sans en avoir le détail, ce pavillon appartiendrait dorénavant à la comtesse d'Esclignac. Ou bien a -t-il été construit sans acheter le terrain et est devenu sa propriété.
En germinal an 2, le directeur de l'enregistrement et des domaines aux citoyens administrateurs du district: Il existe près de l'étang de Marcoussis un bâtiment appelé le pavillon des chasses, consistant en une cuisine, une salle, une cave, une petite chambre et un grenier avec un arpent de pré ou pâture autour. Cette maison dépend de la cydevant liste civile et n'est pas louée; il sera selon les apparences difficile de trouver un locataire, on ne peut rien faire de mieux que le vendre. Je vous rappelle que cet objet appartient à la Nation... Salut et fraternité.
En messidor an 6, la Nation et les héritiers cherchent à former cinq lots pour la succession Esclignac. Notons ce qui concerne le pavillon: article 36 le pavillon de l'étang, scitué vers le midy dudit étang de forme quarré portant 6 mètres de large sur 13 de profondeur, distribué en un grand sallon, vestibule, cuisine et lieux d'aisance au rez-de-chaussée, à l'entresol trois chambres, grenier perdu au dessus, caves dessous ledit pavillon, terrasses en gazon devant et derrière, contenant le tout en fond de terre 17 ares, tenant ... le ruisseau du pont des flambes entre deux, ... estimé à 62 frs de revenus soit un capital de 1.250 frs. Le pavillon devient l'article 16 du second lot qui sera attribué à Alexandre de la Myre et Elizabeth Chastenet de Puységur.
En prairial an 7, Alexandre Gabriel de la Myre, propriétaire, et Elizabeth Aglaé Lepelletier, demeurant à Davencourt, département de la Somme, lesquels délaissent à titre de bail à loyer pour 6 ou 9 années, au citoyen Jacques Agueta fils, garde bois et Marie Rosalie Geligny son épouse, demeurant ensemble au pavillon de l'étang, ladite maison composée par bas d'une grande salle; deux petits cabinets et une cuisine en laquelle il y a four et cheminée, au premier deux chambres dont une à feu, grenier à côté escalier pour y monter, trois caves sous ladite maison, une écurie et un appenti que ledit bailleur s'oblige faire faire pour brumaire prochain,
- 34 ares de friches autour de ladite maison
Le bailleur se réserve une chambre haute à feu pour usage pendant la pêche et vente du poisson dudit étang. Le bail fait moyennant 150 frs.
Notons en 1814, un autre héritier Jacques Maxime Paul Chastenet , comte de Puységur, maréchal de camp, maire de la ville de Bordeaux, y demeurant ordinairement, lequel fait bail à François Delaune d'une remise d'ozeraie, le bail fait moyennant 100 frs.
En 1823, Eugène Louis Philippe, marquis de Salperwick, demeurant à Paris rue de Verneuil, faubourg Saint-Germain, agissant au nom de Mr Jacques Maxime Paul de Chastenet comte de Puységur, maréchal de camp demeurant à Bordeaux, lequel baille à François Delaune, cultivateur de la Ville-du-Bois: une pièce de terre plantée en osier, entourée de toutes parts de fossés et de hayes vives, près du pavillon de l'ancien grand étang, faisant hache avec la comtesse de la Myre, d'autre vers le midy au chemin de Marcoussis à Beauregard, au levant à la demie lune du pavillon. Ledit preneur en avoir parfaite connaissance & en être content en ayant déjà joui comme ozeraie en vertu d'un bail fait en 1814. Possibilité en ozeraie ou en terre cultivable le bail fait moyennant 100 frs.
Le temps passe, nous arrivons en 1859. La propriété du Baillage est louée par le mandataire de la comtesse de la Myre à Jacques Marie Louis Léon Sagnier. Ne retenons que ce qui n'est pas compris:
- la maison du garde dans l'arrière cour où existe le chenil,
- la grange et la petite maison à côté existant sur la place du champ de foire,
- la maison d'habitation du pavillon appelée le pavillon des chasses étant au grand étang.
En 1863, Antoinette Rouillé, comtesse de la Myre, demeurant rue de Grenelle, veuve, et Elisabeth de la Myre demeurant au même lieu, Clotilde de la Myre, lesquelles louent pour neuf années, à Benoni Pouffary, cultivateur et à Marie Moulin son épouse:
- un pavillon dit pavillon des étangs, comprenant plusieurs pièces d'habitation, écurie et toit à porcs,
- 81 ares de terres labourables ...
le bail fait moyennant 256 frs.
Deux ans après, les de la Myre renouvellent pour trois années à Jacques Marie Sagnier, ingénieur en construction d'appareils de chemin de fer, demeurant faubourg Saint-Denis :
- une maison de campagne dit le Baillage consistant en maison bourgeoise, cour , bâtiments, parterre, le tout compris dans l'enclos du grand parc.
- le droit de chasse exclusif pour le preneur et ses amis dans le parc sus désigné.
Ne sont point compris dans la location:
- la maison de garde dans l'arrière cour du baillage,
- la grange et la petite maison sur la place du champ de foire et contigus au petit parc,
- la maison d'habitation du pavillon, appelée le pavillon des chasses sis au grand étang.
Nous arrivons en 1872, les héritiers Durfort de Civrac se défont de leurs biens sur Marcoussis. Ainsi, ils vendent à Jacques Marie Pouffary, propriétaire demeurant au Guay, le pavillon royal, moyennant 2.000 frs dont 1.300 comptant. Ce dernier pour rentabiliser son acquisition, loue pour 36 ans, à André Lelouet, la maison et dépendantes, moyennant 200 frs. Ces actes sont confirmés par la matrice cadastrale mentionnant les parcelles K29, 30 correspondant au pavillon royal. Également la matrice du bâti donne Charles Pouffary entrant en 1872 (1874) et sortant en 1902 (1904).
Apparemment Jacques Marie Pouffary a continué d'habiter le pavillon comme le montre son acte de décès en février 1888. Notons comme témoin, son fils Charles Benoni, cultivateur demeurant également au pavillon.
Le propriétaire suivant d'après la matrice du bâti se nomme Blondaz Gérad Gustave, il sera remplacé l'année suivante par Maximilien Xavier Roland.
En fin 1901, une donation mutuelle est faite entre les époux Charles Pouffary demeurant au pavillon et Marie Moulin sa femme. L'année suivante, le couple, demeurant au pavillon, vend à Maximilien Xavier Roland, cultivateur, demeurant à Longjumeau un pavillon et divers meubles sis au grand étang avec un terrain de 238 m2 ... moyennant la somme de 9.096 frs… apparemment hypothéqué. Cet intitulé pour citer le nouveau propriétaire.
Entre 1903 et 1941, le pavillon est entré dans la famille La Baume Pluvinel. Fin 1940, Marie Marguerite Honorine Geneviève de la Baume Pluvinel, vend à la société civile du Refuge dont le siège est à Châtillon-sous-Bagneux, le pavillon royal moyennant 48.000 frs. Ceci est confirmé par un formulaire la préfecture de Seine-et-Oise concerne la vente du pavillon royal, dont:
Venderesse : Geneviève de la Baume Pluvinel, française non israélite ,
Acquéreur : société civile du refuge Saint-Anne , société universelle de gains et société tontinière, ayant pour objet de recevoir des filles repenties, de les tirer du mal, de leur donner une bonne éducation et de les placer convenablement dans le monde . Suivent 13 noms de religieuses françaises non israélites,
Nature de l'acte: vente gré à gré,
Désignation sommaire des biens: une propriété dite le pavillon royal comprenant maison d'habitation, cour, jardin, bois, contenant 18.1710 m2 cadastré H28p, 29 , 30, 31 …
Prix 48.000 frs. Nous sommes passés dans la même année d'un gouvernement d'alliance de gauche, à celui de Pétain, pour finir par le régime collaborationniste de Vichy...
Soeur Chantal se souvient y avoir logé vers les années 1942-43 quand il y a eu une épidémie de scarlatine à la Ronce et qu'il a fallu évacuer tout le monde.
Donc, après la seconde guerre mondiale, les sœurs de la Ronce possédaient les terres du pavillon royal et Maurice Petit, maraîcher de la ferme de l'Hôtel Dieu, se souvient qu'il venait labourer le pré derrière ce pavillon.
En 1954, les soeurs dominicaines, sous la dénomination société civile du Refuge de Sainte-Anne dont le siège est à Châtillon sous Bagneux, vendent le pavillon royal à Mr Batault, moyennant la somme de 1.100.000 frs.
L'année suivante, Mr Claude Batault secrétaire d'Ambassade, vend à Armand de Blanquet du Chayla le pavillon royal. Il ne s'agit que d'un intitulé. Notons que Mr Armand de Blanquet du Chayla fut ambassadeur de 1942 à 1962, en Argentine, Egypte, Espagne, Liban, Luxembourg.
Les acquisitions continuent, en 1957, la parcelle K 188 acquise par Mr du Chayla à la société civile du Refuge de Saint-Anne, dont le siège est à Châtillon-sous-Bagneux, moyennant 300.000 frs. Puis en 1958, par l'achat des parcelles K 187, 38, 39 et L639 à la société civile du Refuge moyennant 2.000.000 anciens francs.
Notons en 1968, le classement du pavillon par le ministère des affaires culturelles.
Nous arrivons en 1976, Mr Blanquet du Chayla, ancien ambassadeur vend à Mr Dominique du Chayla, son neveu :
- un pavillon d'habitation élevé sur cave , d'un rez-de-chaussée divisé en vestibule, grande salle à manger, cuisine, petite pièce et WC. D'un premier étage divisé en deux chambres et un grenier, le tout couvert d'ardoises.
- Autre petit pavillon divisé en trois pièces à usage de gardien.
- le tout cadastré ...
Ce pavillon existe toujours et d'après "connaissances des arts", Mr Du Chayla a pu reconstituer le passé du pavillon en trouvant aux Archives Nationales l'inventaire du mobilier d'origine. C'est ainsi qu'il a habillé les fenêtres du salon en toile de coton fin encadré de toiles de perse et garni de crête de soie...