La forêt de Séquigny (11) Les droits d'usage (XIXe siècle) |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _-----------------------------_-novembre 2012 Attention ce site change d'hébergeur à l'adresse http://julienchristian.perso.sfr.fr La forêt de Séquigny sur la carte de la capitainerie des chasses de Corbeil (1694).C. Julien
Cette chronique est le second volet de l'histoire des droits usagers que possédaient les habitants des paroisses circonvoisins de la forêt de Séquigny (*). Le sujet a été traité d'une façon approfondie par M. Louis Félix Perin, maire de Morsang-sur-Orge de mai 1898 à mai 1908 (1) et par M. Guérin, instituteur de Villemoisson (2). Nous donnons les procès portés devant les juges au XIX siècle. Les contentieux séculaires furent finalement éteints en août 1900 par le rachat des droits d'usage et de vaine pâture par les propriétaires. « La nuit du 4 août n'a pas aboli tous les privilèges ! » nous dit M. Perin.
La forêt de Séquigny au XIXe siècle Après la Révolution, les héritiers de l'intendant de la Généralité de Paris, les comtes de Bertier restèrent propriétaires d'une grande partie de la forêt de Séquigny, dont Antoine Ferdinand Louis de Bertier, fils puîné d'intendant Louis-Bénigne-François Bertier de Sauvigny et de Marie Foulon. Le comte de Bertier reçut à la Restauration les croix de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, et pendant cette période fut préfet, député, directeur général des Eaux et Forêts et ministres d'État. Il fut maire de Morsang-sur-Orge du 9 septembre 1821 au 28 octobre 1830. Les évènements de 1830 le confinèrent dans sa terre de Morsang ou il vécut jusqu'en 1847. Mr. Signamarcheix, instituteur de Sainte-Geneviève-des-Bois nous explique dans sa monographie, pour l'exposition universelle de 1900 : « … De l'ancien château de Sainte-Geneviève, œuvre féodale, c'est cette grosse tour cylindrique encore debout, entourée des communs. Les communs ont été restaurés, ils servent de pied à terre à M. le comte de Bertier qui en est le propriétaire. C'est là qu'habite son garde régisseur. Une partie de sa chasse dans la forêt de Séquigny est louée à M. Say, propriétaire du château de Lormoy, hameau de Longpont. L'aile gauche des communs est occupée par deux gardes-chasse de M. Say ».
Les attendus du procès de 1838 M. Louis Victorien Guérin, instituteur de Villemoisson, consacre un grand chapitre de sa monographie (1899) sur les droits usagers de la forêt de Séquigny. « Des documents historiques notamment l'acte de réformation de la gruerie de Montlhéry de 1665 et 1666 paraissent établir que les rois n'ont possédé aucun bois dans la forêt de Séquigny, cette forêt aurait toujours appartenu à des communautés ecclésiastiques et séculières et à plusieurs particuliers. Le roi y avait seulement droit de gruerie et de chasse et la propriété des routes. Quoiqu'il en soit, les habitants des communes de Sainte-Geneviève-des-Bois, Longpont, Saint-Michel, Brétigny, Villemoisson, Morsang-sur-Orge, Viry et Grigny exercent depuis plusieurs siècles divers droits d'usage dans cette forêt à laquelle ces diverses communes sont adjaçantes ».
L'instituteur de Villemoisson était sans doute concerné au premier chef pour défendre les intérêts de Villemoissonnais. Les droits usagers avaient été restreints par le jugement du tribunal de Corbeil du 29 août 1838, lequel donne la dimension des faucilles et serpes… En 1899, nous dit-il, « les propriétaires actuels de la forêt veulent racheter ces droits usagers. La question d'indemnité sera fixée par la Cour d'appel de Paris ». Alors que ces droits d'usage avaient été établis par concessions royales, titres anciens et bon nombre de décisions judiciaires, les plaignants devant le tribunal de Corbeil le 29 août 1838 produisirent les principales pièces relatives aux anciens documents, qui suivent. 1° Une sentence de la Cour des Eaux et Forêts du 30 avril 1549 rendu entre les nobles et non nobles manants et habitants des villages de Grigny, Viry, Auly, Longpont, Saint-Michel, Rozières, Morsang, Le Perray, Sainte-Geneviève-des-Bois et Villemoisson demandeurs et requérants l'entérinement des lettres patentes données à Saint-Germain-en-Laye le 4 juin 1547, d'une part, et le procureur du roi en ladite Cour, défendeur et empêchant l'entérinement desdites lettres, d'autre part, aux termes dudit jour 4 juin 1547 pour l'effet qui s'en suit seulement ce permis aux demandeurs « de prendre, cueillir et emporter sur leur col et non autrement, les avelines et autres fruits sauf et excepté le gland croissant et étant et au-dedans des bois et buissons de Séquigny depuis la veille de l'Assomption Notre-Dame et de là en avant pour tout le temps et saison que l'on y peut trouver lesdits fruits. De prendre, couper et dépiécer en et en dedans desdits bois et buissons de Séquigny tout bois mort et sec en étant ou gissant et non autre, et icelui emporter à leur col et non autrement pour leur ardoire et chauffage et sans qu'ils puissent ailleurs employer ni vendre. Mener ou faire mener paître et pâturer en et au-dedans desdits bois et buissons de Séquigny, hors taillis étant au dessous de cinq ans, temps et saison défendus, leurs bêtes à cornes et chevaline et non autres et leurs suites de deux ans seulement à la charge qu'ils ne pourront prendre ou faire porter en et au-dedans desdits bois à leurs dits aucune clochettes ou tampannes et qu'ils useront des dits droits sans fraudes ni abus selon et en suivant les ordonnances sur le fait des Eaux et Forêts sous peine de privation des droits et d'amendes arbitraires. 2° Le procès-verbal d'exécution de cette sentence à la date du 12 mai 1549, par le conseiller du roi, lieutenant général des Eaux et Forêts du royaume. 3° Une déclaration faite par les habitants desdites communes concernant leurs droits d'usage pardevant les commissaires députés du roi sur le fait des francs fiefs et nouveaux acquêts le 31 juillet 1052 ( ?). 4° Des lettres patentes du roi Charles IX délivrées à Saint-Germain-en-Laye au mois de mars 1561, confirmatives de leurs droits, franchises, libertés ès bois et buissons de Séquigny notamment. D'y mener ou faire mener paître et pâturer leurs bêtes à cornes et chevaline et non autres et leurs suites, hormis toutefois ès taillis étant au dessous de cinq ans, et à icelles bêtes à cornes bailler tampannes et clochettes de crainte des loups et autres bêtes y étant. 5° Expédition en forme d'inventaire de production en date du 31 mars 1591 dans une instance pendant en la Cour de la Table de marbre à Paris, entre les habitants de Sainte-Geneviève-des-Bois, Rozières, Saint-Michel, Longpont, Le Perray, Villemoisson, Morsang, Viry et Grigny, défendeurs et opposants à une commission émanée des juges de la dite Table de marbre du 19 octobre 1571 d'une part, et les administrateurs de l'Hôtel-Dieu de Paris, d'autre part. Cet inventaire relate les titres ci-dessus rappelés et en outre, un arrêt du Parlement du lendemain de la Saint-Martin 1318 par lequel les défendeurs ou leurs prédécesseurs auraient été maintenus en leurs privilèges et franchises des fruits croissant dans les bois, depuis la fête de l'Assomption Notre-Dame jusques et y compris celle des Rois. 6° Une sentence du grand maître des Eaux et Forêts du 15 février 1485, laquelle aurait fait délivrance aux habitants de Grigny et Viry du droit d'usage qu'ils avaient en la forêt de Séquigny suivant leurs lettres du 15 novembre 1452. 7° une autre sentence de l'an 1499 qui aurait fait main levée des oppositions mises sur leurs usages et les aurait maintenus dans leurs droits contre les administrateurs de l'Hôtel-Dieu qui les leur contestaient. 8° et 9° Deux autres sentences des 15 novembre 1507 et 21 décembre 1515, qui auraient accordé aux habitants des communes délivrance des droits d'usage, franchise et libertés de la manière qu'ils en auraient joui précédemment. 10° Une sentence du 20 mars 1517 aux profit desdits habitants contre le procureur du Roi par le grand maître des Eaux et Forêts de France, Champagne et Brie sur ce qu'il aurait mis en différends et révoquer en doute la présente sentence. 11° Des lettres patentes des 5 janvier 1547 adressées à M. le grand maître des Eaux et Forêts de France par lesquelles il aurait été ordonné de faire jouir les habitants des franchises et libertés qu'ils avaient accoutumé d'user. 12° Une enquête des habitants sur la perte de leurs bêtes pour ne pas porter clochettes et clairons au col, ce qu'ils requéraient leur être permis. 13° Commission pour informer sur les faits déclarés par les habitants, appointement en droit rt joint aux fins de ladite information. 14° Expédition de la sentence qui aurait permis auxdits habitants de faire porter à leurs vaches et bestiaux sonnettes et clairons comme par le passé. 15° une sentence du dernier jour de février 1591 rendu par les commissaires députés sur les francs fiefs et nouveaux acquêts laquelle ayant égard et en considération des titres à eux prescrits par les habitants des communes leur aurait fait main levée et délivrance de leurs droits d'usage. 16° Des lettres patentes de Henri IV en date à Paris du mois de juillet 1603, qui confirment les habitants des villages de Grigny, Viry, Morsang, Villemoisson, Le Perray, Sainte-Geneviève-des-Bois, Saint-Michel, et Longpont dans leurs privilèges, franchises, libertés ès bois et buissons de Séquigny. 17° Une sentence rendue le 26 août 1647 par le prévôt de Montlhéry exerçant les fonctions de gruyer et garde marteau des Eaux et Forêts de la châtellenie de Montlhéry et gruerie de Séquigny. 18° Un arrêt de l'administration centrale du département de Seine-et-Oise en date du 28 fructidor an 6, avis du directeur de la régie de l'enregistrement et des domaines et les conclusions du commissaire du directoire exécutif et confirme les habitants des villages de Grigny, Viry, Longpont, Saint-Michel, Rozières, Morsang, Le Perray, Sainte-Geneviève-des-Bois, Villemoisson dans l'usage et le droit résultant de la sentence rendue à la maîtrise des Eaux et Forêts de Paris le 12 mai 1549 de faire pâturer leurs bestiaux dans les bois et buissons de la forêt de Séquigny qui était à cette époque sous le séquestre national. 19° Un jugement du tribunal correctionnel de l'arrondissement de Versailles en date du 3 vendémiaire an 7, qui a renvoyé plusieurs habitants des communes de Sainte-Geneviève-des-Bois et Saint-Michel des demandes formés contre eux à la séquestre de l'agent national de l'administration forestière de Paris, pour faits de pâturage de leurs bestiaux dans les bois et buissons de Séquigny attendu que ce droit avait été reconnu par l'arrêté précité. 20° Enfin un jugement du 14 prairial an rendu par le tribunal criminel du département de Seine-et-Oise entre l'accusateur public et plusieurs habitants de Sainte-Geneviève-des-Bois et Saint-Michel-sur-Orge sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Germain-en-Laye.
Le « Parcq du chasteau de Saincte-Geneviefve-aux-Bois contenant 195 arpens 54 perches » sur un plan de la forêt de Séquigny (parchemin du XVIIe s.).
La monographie de l'instituteur de Morsang Comme chacun des instituteurs de France, Maurice Binant, titulaire à Morsang-sur-Orge produisit une monographie dans laquelle il rapporte une délibération du conseil municipal en date du 16 mars 1806, qui nous fournit sur les origines, la nature et l'étendue desdits droits d'usage des détails intéressants. « Aujourd'hui, seize mars mil huit cent six, le conseil municipal de la commune de Morsan-sur-Orge, quatrième arrondissement du département de Seine-et-Oise, convoqué par Mr le Maire, en vertu de l'autorisation de Mr le conseiller d'Etat, préfet en datte du 19 février dernier, à l'effet cy-après et assemblée au lieu ordinaire de ses séances sous la présidence de Mr le Maire auquel sont présent Monsieur François Mauge maire, et M.M. Louis Nicolas Beaufils, maître charon, Jacques Le Grand, maître toisseur en bastiment et Michel Dorger et Henry Postolle cultivateur et tout quatre membres du conseil municipal. 1°) La séance ouverte, Mr le Maire expose que de tems immémorial les habitants de la commune jouissent du droit d'usage dans les bois qui compose la forest de Séquigny et buissons adjacens, lequel droit d'usage consiste, premièrement dans celui de cueillir et d'emporter sur leur col les avelines et touts autres fruits, à l'exception du gland, depuis la veille de la Somption Notre-Dame jusqu'à la fin de l'année, deuxièmement dans celui de prendre et couper les bois morts et secs pour leur chauffage et le l'emporter à leur col seulement, troisièmement, dans celui de faire pâturer leurs bestiaux dans la ditte forest excepté les taillis de moins de cinq ans. 2°) qu'une grande quantité de titre qui remontent à près de cinq siècles et qui forment une série continuelle et non interrompue, établissent et prouvent le droit d'usage de la ditte commune. Lesquels titres consistent : 1° en un arrêté de la Cour du Parlement de la Saint-Martin 1318 qui maintient et garde les manans et habitants de la ditte commune dans le dit droit d'usage en la possession duquel ils étoient déjà lors de tems immémorial, 2° dans un autre arrêt en parchemin donné sous le règne du roy Philippe le Long au mois d'aoust 1319, 3° en des lettres patentes du Roy François 1er données le 19 novembre 1457 (erreur du copiste, probablement), 4° en une sentence du grand maître des eaux et forêts de France du 15 février 1485, qui les maintient dans ledit droit, 5° en une autre sentence du grand maître des eaux et forêts rendu en 1499 qui les maintient également contre le trouble qu'ils éprouvaient, ……. 8° en une autre sentence du siège général des eaux et forêts à la Table de marbre du Palais à Paris du 20 mars 1517, rendu contradictoirement entre lesdits habitants, et le procureur du Roy audit siège d'autre part qui, sur le vue des titres et la preuve par enqueste de leurs possessions immémorial les maintiens et garde dans ledit droit, …….. 13° en une sentence des commissaires du conseil d'estat députés par le Roy sur le fait des nouveaux acquêts et amortissement en date du 29 février 1572, que sur le vue des titres produits par lesdits habitants leurs faits main levée dudit droit d'usage, 14° dans les lettres patentes du Roy Henry quatre de glorieuse mémoire confirmatives dudit droit enregistrées au siège général des eaux et forests de la Table de marbre du Palais à Paris le 26 aoust 1603, 15° en un arrêté de l'administration centrale du département de Seine-et-Oise en date du 28 fructidor an 6, contradictoirement avec le directeur du domaine national et le commissaire du directoire exécutif qui a confirmé lesdits habitants en ce qui concernait les bois qui étaient devenus nationaux dans ledit droit d'usage, 16° …. 3°) De toutes lesquelles pièces, et encore de plusieurs autres qu'il serait trop long d'analiser, il a été fait production à Mr le préfet… qu'outre ces titres, les habitants de cette commune ont une possession si encienne quelle remonte au douzième siècle et vaut tous les titres possibles. 4°) Que Mr Bertier, intendant de la Généralité de Paris lors propriétaire d'une grande partie des bois de la ditte forest de Séquigny a toujours respecté le droit d'usage des habitants, et n'a jamais cherché à les en priver, mais que le sieur Bertier, son fils, au lieu de suivre les traces de son respectable et malheureux père, dont la mémoire sera toujours chère aux habitants de la contrée par la sagesse de son administration, par ses qualités personnelles, et par les biens faits qu'il a fait accorder à cette contrée, faits sous les efforts imaginables pour ravir aux communes qui ont droits celui d'usage qui leur appartient… La commune obtient gain de cause cette fois encore. En 1838 surgit un autre procès qui termina un jugement du tribunal civil de Corbeil qui limita les droits d'usage plus étroitement en réduisant les périodes d'exercice de ces droits. Enfin, en 1896, les propriétaires voulurent affranchir totalement la forêt de cette servitude en rachetant les droits. Le tribunal de Corbeil s'est prononcé, mais appel de son jugement a été interjeté par certaines communes dont celle de Morsang et il n'a pas encore été statué définitivement. « Plus récemment encore d'autres contestations sont nées au sujet de la propriété des routes et chemins de la forêt. Cette affaire est pendante devant le tribunal de Corbeil », nous dit M. Binant.
Contestation et réglementation au XIXe siècle En 1834, le préfet de Seine-et-Oise rappelait aux maires que le délai de trente années, depuis la publication du Code civil, étant sur le point d'expirer, il était du devoir des municipalités qui avaient des titres prescriptibles, de faire des actes conservatoires. Les maires des communes intéressées firent des démarches pour faire reconnaître leurs droits d'usages. C'est alors que les propriétaires firent apparition, en déclarant que leur intention était de mettre un terme aux nombreux abus qui existaient au préjudice de la forêt. Ils ne demandaient pas la suppression totale des droits d'usages, bien qu'ils fussent prescrits, mais ils voulaient de fortes restrictions dans leur intérêt comme dans celui des pauvres… Ils prétendaient que les actes produits n'étaient pas constitutifs du droit, mais seulement recognitifs. On sait que les actes de cette nature ne dispensent jamais de la représentation du titre primordial. Les prétentions des propriétaires étaient inadmissibles. Pouvait-on vraiment demander aux communes, de présenter des titres remontant au XIIe siècle étant donnée la façon dont étaient tenues les Archives des paroisses dans ces temps reculés ? C'était déjà bien beau de montrer des titres de 1319 ! Le 29 août 1838, de longs pourparlers eurent lieu entre les propriétaires et les communes ; plusieurs propositions de transactions furent faites, de part et d'autre: aucune ne put aboutir, finalement l'affaire fut portée devant le tribunal de Corbeil qui, le 21 août 1838, rendait un jugement qui a fixé jusqu'à la fin les droits réciproques des propriétaires et des usagers. Le tribunal entre beaucoup d'attendus, dit : « Attendu que le titre primordial constitutif des droits prétendus, n'est pas représenté, etc… Déclare : éteints et abolis, tous droits prétendus par les communes demanderesses, sur la forêt de Sainte-Geneviève ; ordonne que les droits prétendus par les communes, consisteront désormais dans l'enlèvement du bois mort et la faculté de couper de l'herbe ». Puis il réglemente les conditions dans lesquelles ces nouveaux droits pourront s'exercer, la manière dont les bois devront être coupés, la forme des faucilles, l'âge des plants dans lesquels on pourra s'introduire. Il décide que l'herbe et le bois devront être portés jusqu'au domicile des usagers, à dos d'hommes et non autrement. Défense est faite de se servir de voiture, bête de somme, brouette, etc. Le tribunal fixe les époques auxquelles on pourra enlever l'herbe chaque année : 1° du 15 juin au 10 août, 2° du 12 novembre au 2 décembre et 3° du 26 décembre au 20 janvier. Quant au bois, son enlèvement n'aura lieu qu'à deux époques de l'année : 1° du 12 novembre au 2 décembre et 2° du 26 décembre au 20 janvier. Le Tribunal de Corbeil prévoit, en outre, des peines pour ceux qui détérioreraient les bois ou se livreraient au braconnage, etc. En ce qui concerne 1e défrichement il ordonne : « Qu'à l'avenir, en cas de défrichement de parties des bois compris dans les limites ci-dessus fixées, les propriétaires seront tenus de les replanter dans un délai qui ne pourra excéder six ans, ou de délivrer une portion de plants d'une étendue égale au bois défriché, pour être soumise aux droits d'usages dont les communes jouiraient jusqu'à ce que les dits bois replantés, puissent être soumis de nouveau aux droits d'usages ; ou enfin, de s'entendre de gré à gré avec les communes pour le rachat de ce droit, auquel cas, et s'il y a contestation sur le taux de l'indemnité, elle sera réglée par les tribunaux en conformité des articles 64 et 122 du Code Forestier ». En 1839, le tribunal de première instance ordonne enfin, qu'il sera procédé par L. Dufour, géomètre-expert d'Arpajon, à un procès-verbal de reconnaissance des limites et à la plantation de bornes immuables pour délimiter les droits d'usages ; et à l'exécution d'un plan qui devra y être annexé. Le 29 mai Dufour prête serment. Le 1er octobre 1839, signification de ce serment est faite aux communes. Un plan est dressé par Dufour le 12 mars 1841 avec un rapport déposé, et le tribunal ordonne que les parties s'y conformeront à l'avenir, pour l'exécution du jugement du 29 août 1838. En 1844, le comte de Bertier résolut de faire abattre du bois, du côté du parc Pierre, dans les parties appelées « le bois de Vin » et « les Aunettes » (5). Par arrêté en date du 29 juin 1846, le ministre des Finances autorisait le comte de Bertier à défricher 21 hectares , 59 ares, 39 centiares de bois, à condition de remettre, au bout de six ans, ces terres en bois et de s'entendre avec les communes pour le rachat. Le comte de Bertier versa aux communes une indemnité en espèces, mais se garda bien de remplir ses engagements en ce qui concerne le reboisement. En 1862, il fait d'autres défrichements dans les mêmes parties. En juillet 1887, le comte de Bertier fait encore défricher 24 hectares de bois, après avoir offert aux communes 390 fr.40 c.
En 1888, les communes commirent une faute grave ! Le comte de Bertier demandait de défricher 15 hectares , 10 ares, 10 centiares, et offrait à chaque commune 120 francs. Les communes eurent le tort d'accepter, en faisant, il est vrai, toutes réserves pour l'avenir et le passé, mais sans demander le cantonnement. Mais cette acceptation d'une indemnité en argent, était un précédent fâcheux. La commune de Morsang fut seule à refuser l'indemnité offerte comme insuffisante. Mal lui en prit, car on plaida; la commune ne sut pas se défendre, fut condamnée et non seulement elle ne toucha rien mais encore elle dut payer les frais, qui furent plus élevés que l'indemnité.
Rachat des droits Telle était la situation, lorsque le 10 février 1893, les propriétaires syndiqués signifièrent aux communes usagères leur intention de racheter tous les droits d'usages. C'était leur droit, avec cette distinction, que si les usages à l'herbe peuvent se racheter moyennant espèces (Art. 64 du Code Forestier), les usages au bois doivent se racheter par cantonnement (Art. 63). Le Code forestier dit, en effet, que lorsqu'une forêt est grevée de droits d'usages au bois, les propriétaires peuvent racheter ces droits en abandonnant aux usagers en toute propriété une portion de bois. C'est cette portion de bois qui s'appelle un cantonnement . Après de longs pourparlers, les communes ignorantes de leurs droits et mal conseillées, acceptèrent le débat sur la base d'un remboursement général en espèces. C'était une nouvelle faute qui eut de graves conséquences. Le 26 juillet 1895, les propriétaires firent des offres réelles de 13.377 fr 68 pour le rachat total. Les communes demandaient 46.294 francs. Les experts nommés par le tribunal n'estimèrent plus la somme à payer aux communes qu'à 11.803 fr. 30. Le Tribunal de conseil, plus charitable, déclara par un jugement en date du 28 juillet 1897, que les propriétaires ne pourraient se libérer qu'à la condition de verser aux communes la somme de 25.568 francs. Les communes étaient peu satisfaites de cette décision judiciaire. On le comprend facilement si l'on considère que les propriétaires, tous puissamment riches, réalisent, rien que sur le droit de chasse dans la forêt exonérée des usages, un bénéfice annuel d'au moins 20.000 francs et que ce résultat est obtenu en dépouillant les pauvres. Les maires des communes intéressées se réunirent en avril 1898. La discussion fut laborieuse ; plusieurs craignaient d'engager leurs communes déjà si pauvres dans de nouvelles dépenses et de perdre en frais de justice le peu qu'on leur allouait. C'est cette pauvreté même que les propriétaires, tous millionnaires, exploitaient, espérant ainsi forcer la main aux communes. Quoiqu'il en soit, le 16 mai 1898, les communes ci-dessous décidèrent de continuer la lutte et de faire appel du jugement de Corbeil. Après avis de leurs conseils municipaux respectifs, M. Auchène, maire de Sainte-Geneviève-des-Bois, M. Nieps, maire de Saint-Michel, M. Neyret, maire de Villemoisson, M. Perin, maire de Morsang–sur-Orge et M. Sabatier, maire de Viry-Châtillon, signifient aux propriétaires leurs décisions par exploit d'Hyver, huissier à Paris. Cet appel est basé sur l'insuffisance de la somme allouée par le tribunal, mais surtout sur ce que l'indemnité pour les usages au bois ne peut-être réglée que par un cantonnement (Art. 63 du Code Forestier) et non en argent. Les propriétaires étant dans l'impossibilité de fournir des cantonnements, la demande des communes, si elle était admise, devait avoir pour résultat de leur conserver leurs droits. La commune de Rosières, vu son éloignement, se désintéressa de la question et accepta le jugement de Corbeil. Longpont et Grigny, la première sous la pression de M. Say, la seconde sous la pression de M. Piketty, tous deux propriétaires dans la forêt et très influents dans leurs communes, acceptèrent également le jugement de Corbeil. Les autres soutinrent courageusement la lutte. Le 13 mars 1900, l'affaire vint devant la première chambre de la Cour de Paris et fut plaidée par maître Hamel pour les communes et par maître Flogny pour les propriétaires. L'avocat général dans ses conclusions, reconnut que la loi était bien en faveur des communes, que c'était le cantonnement qui devait leur être appliqué; mais qu'un accord étant intervenu entre les communes et les propriétaires, il n'y avait plus à y revenir; les communes devaient donc être déboutées de leur demande de cantonnement. Le 3 avril 1900, la Cour de Paris, par un arrêt en date du 3 avril, refusa aux communes le cantonnement demandé, mais décida que les propriétaires ne pourraient se libérer qu'en offrant 37.675 fr. 40 et les condamna à tous les frais. C'était une augmentation nette de 12.107 fr. 40. Si ce résultat n'était pas tout ce qu'on était en droit d'espérer, on devait cependant le considérer comme un très beau succès, étant données les conditions défectueuses dans lesquelles le procès avait été engagé. Au mois d'août 1900, maître Duteurte, notaire à Montlhéry, fut chargé de répartir entre les communes ce qui leur revenait à chacune de la somme de 37.675 fr. versée par les propriétaires. Cette répartition devait être faite proportionnellement au nombre des habitants et en raison inverse des distances. Il revint :
Les maires des communes, déçus dans leurs espérances, furent contraints d'apposer leur signature au bas de cet acte de capitulation qui dépossédait définitivement leurs administrés de droits qui leur étaient si chers et dont ils avaient joui pendant plus de huit cents ans. Ainsi donc, ces droits immémoriaux qui avaient été concédés et garantis par tous les anciens souverains de France dans l'intérêt des indigents, étaient brutalement abolis, sous notre régime démocratiques dans l'intérêt de quelques millionnaires !!! À suivre…
Notes (*) Madame Evelyne Verdière, présidente de la Société historique de Morsang-sur-Orge, est vivement remerciée pour ses encouragements et l'apport de la numérisation du livre de M. Félix Perin. (1) F. Perin, La forêt de Séquigny ou de Sainte-Geneviève, histoire, droits d'usages, routes, chasse, Procès ( Morris père et fils, Paris, 1903). (2) L.V. Guérin, Monographie de Villemoisson (1899). (3) Le lecteur pourra consulter le site de M. Audigié : <http://audigie.claude.pagesperso-orange.fr.> sur les droits d'usage dans la forêt de Séquigny.
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