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La terre de Sainte-Geneviève-des-Bois en 1105

Cette chronique relate un acte du cartulaire du prieuré parisien de Saint-Martin-des-Champs datée d'octobre-décembre 1105. Dans ce diplôme le prieur Thibaud 1er inféode en précaire, à Anseau Roussel, une terre sise à Sainte-Geneviève-des-Bois (1). Cette charte a été éditée par Joseph Depoin dans le cartulaire de Saint-Martin-des-Champs (n° CXII, p. 177) ; nous la retrouvons avec quelques variantes, par Robert de Lasteyrie, dans le Cartulaire de Paris (n°CLXXI, p. 195).

 

La forêt de Séquigny sur la carte de la capitainerie des chasses de Corbeil (1694).

 

C.Julien Juillet 2013

 

Le prieuré de Saint-Martin-des-Champs fut fondé par le roi Henri 1er en 1059-1060 en présence des grands officiers dont le forestier Gui 1er de Montlhéry. En 1079, Philippe 1er transféra à l'abbaye de Cluny, dirigée par saint Hugues, la propriété de Saint-Martin-des-Champs, et de ses dépendances, telles que l'abbé Engelard en a joui viagèrement sous le règne précédent et le règne actuel, réserve faite des droits de juridiction appartenant à l'évêque de Paris. Dès lors, le prieuré reçoit de nombreuses libéralités et notamment, vers 1085, l'abandon de l'église de Clamart et de tous les droits sur diverses propriétés par Gui le Rouge comte de Rochefort, puis, au début du XIIe siècle, avec sa femme Aélis, il fonda le prieuré de Gournay-sur-Marne. Son neveu Evrard III du Puiset fut également généreux avec les moines de la dépendance de Janville : en 1094 il approuve la donation de deux arpents de vigne par son vassal Geudoin de Chaunay, puis accepte un legs fait par Robert chapelain ; à la même époque, le sire du Puiset concède cinq marchés à tenir à Janville avec l'approbation royale.

L'antiquité du village de Sainte-Geneviève-des-Bois est mentionné sous les premiers Capétiens. Dans un diplôme de Robert le Pieux (997-999), dénombrant les biens de l'abbaye Saint-Magloire, il est précisé que «  Sicni villare  » avait été donné par son père Hugues Capet. «  Sicnii villare, Seguini villare, Sicuin, Seguin  » francisé devint Séquigny, sont les premiers noms du village érigé en paroisse démembrée de la paroisse de Villemoisson, au XIIIe siècle, sous l'évocation de Sainte-Geneviève, à laquelle on accola «  -des-Bois  ». Certaines légendes ont voulu donner plus d'ancienneté à l'origine de ce nom. Sainte-Geneviève fut dans sa plus grande partie dans la mouvance de l'abbaye Saint-Magloire, puis de l'Hôtel-Dieu de Paris après son érection en paroisse. En 1209, nous trouvons un nommé «  Reginaldus  » qualifié «  Rector S. Genovefoe  » dans un titre qui regarde Morsang.

Proche du village adossé à l'immense forêt de Séquigny, se trouve le hameau de Liers.

C'était une seigneurie d'importance ancienne. Les seigneurs servaient au château fort de Montlhéry ; l'un d'eux Foulques de Liers «  Fulco de Lers  » partit en croisade après avoir donné les redevances de deux hostises aux moines de Longpont. Liers était un fief considérable à côté du hameau de Séquigny. Plusieurs chartes de N.-D. de Longpont citent des chevaliers de Liers qui vivaient au XIIe siècle. Vers 1130, les lettres d'Étienne, évêque de Paris, confirment le jugement qui éteint la chicane entre les moines de Longpont et Foulques de Liers «  Fulconem de Lers  » pour la possession du pressoir et de la vigne du bourreau de Châtres (charte LXXI). La charte rédigée vers 1136, mentionne «  Foulques de Liers, plein de dévotion pour la Bienheureuse mère de Dieu en son église de Longpont, et encouragé par l'exemple d'autres bienfaiteurs, donna une terre située au Plessis contiguë à celle que cultivaient les moines, avec l'accord de son épouse Machanie et de leurs fils Simon et Fulchone  » (charte XXXII). La même année, Hugues et Foulques de Liers assiste à l'arbitrage de Jean de Corbeil, Gui de Vaugrigneuse et Robert Polin (charte XL), puis Hugues de Liers assiste les moines lors de la donation de Guillaume de Guillerville (charte XXIV).

 

 

 

La charte d'inféodation

Voici la charte dans la version transcrite par Joseph Depoin. «  Notum sit o. f. et p. [omnibus futuris et presentibus] quia domnus Teobaldus prior Sti Martini de Campis , consilio amicorum suorum, et familiarum æcclesiæ Sti Martini et quorundam monachorum credens, dedit quandam terram in feodo Ansello filio Henrici Ruselli , quam petebat, ea conventione ut eamdem terram Ansellus, cognomento Paganus , in vita sua teneat, et postea predicto domno Teobaldo priori et senioribus Sancti Martini serviat, nec ullam potestatem dimittendi eam suis heredibus habeat ; sed, cum evenerit ut moriatur, in dominium Sti Martini supradicta terra revertetur ; que terra apud Sanctam Genovefam consistere videtur. Hujus rei testes sunt : Burdinus de Bevra et Willelmus de Maciaco , Willelmus Marmerellus , et nepos ejus Arnulfus Malme[re]llus , Bertrannus major , Godardus decanus , Godardus forestarius  » .

Voici une traduction sommaire. « Que tous ceux présents et futurs, sachent que le seigneur Thibaut, prieur de Saint-Martin-des-Champs, sur le conseil de ses amis, des familiers de l'église Saint-Martin et des moines, inféoda une terre en précaire à Anseau, fils d'Henri Roussel, surnommé Payen, c'est à savoir que par cette convention, ledit Anseau, surnommé Payen, tiendra cette terre sa vie durant et ensuite le susdit seigneur prieur Thibaut serviteur des moines de Saint-Martin annonce que nulle décision juridique ne pourra casser ce qui est héréditaire, toutefois après le décès dudit Anseau, la terre susdite sera reversée au seigneur prieur de Saint-Martin ; que cette terre est située à Sainte Geneviève [des Bois]. Les témoins de cet acte sont : Bourdin de Bièvres et Guillaume de Massy, Guillaume Marmerel et son neveu Arnoult Malviel, le maire Bertrand, le doyen Godard et le forestier Godard ».

Cette notice relate un fait qui s'est passé tout au début du gouvernement de Thibaud 1er, l'inféodation d'une terre. Parmi les témoins nous notons plusieurs personnages qui ne sont pas inconnus. Bertrand y figure avec le titre de maire (de Noisy-le-Grand) et nous savons qu'il succéda à son père avec lequel il est nommé à diverses reprises, sous le priorat d'Ourson.

La famille Roussel «  Rusellus  » n'est pas inconnue pour le prieuré de Saint-Martin-des-Champs. Vers 1079, Henri Roussel, sa femme Thierrée, leur fille Aubour et leur gendre Ferri de Saint-Marceau cédèrent un cens de quinze deniers à Vitry-sur-Seine «  apud villam que Vitriacus dicitur  » avec l'agrément d'Anseau, Ferri et Foulques, les trois fils d'Henri, en présence des témoins du maire Archambaud, de Durand et de Bernard de Annet-sur-Marne.

 

 

Les témoins de la charte

En comparant les deux versions, nous trouvons une variante dans le nom d'un témoin Arnulfus Malme[re]llus pour Depoin et Arnulfus Malviellus pour de Lasteyrie . Cette seconde version semble la plus adaptée pour désigner Arnoult Malviel puisque nous retrouvons ce personnage dans plusieurs actes du cartulaire de Notre-Dame de Longpont. Ainsi, Arnoult Malviel demande justice après avoir porté plainte contre les gens du prieuré de Longpont (charte LIV). En 1090, il est témoin avec Rainaldus Malviel du côté des moines quand ceux-ci reçoivent une terre à Lysui de Longpont dans le fief de Hugues de Champigny (charte CVIII). Vers 1100, Arnoult Malviel est cité avec sa femme Adelaïde « Adalaidis ou Adales  » et leur fils Eudes pour devoir payer un cens annuel de huit deniers (charte XCIII). Dans la charte XCV, Arnulfus Malviel lègue des droits féodaux à Fontenelles. À la fin de sa vie, Adelaïde «  Adales, uxor Arnulfi Malviel  » abandonne la dîme inféodée de Fontenelles. Dans la charte XCVII, Eudes et Adam son frère, les fils d'Arnulf Malviel, donnent leur agrément pour le don les dîmes de Fontenelles. À la même époque, Arnulfus Malviel assiste les moines quand les deux frères Rainbaud et Jean lèguent un arpent de pré situé sous Lysui de Longpont (charte CXII). Plus tard, Eudes Malviel est témoin de la donation du pressoir de Longjumeau par Elisabeth, femme de Milon de Chevreuse, proche de la mort «  Helizabeth, uxor Milonis de Cabrosia, moriens  » (Charte CCXXXII).

Le premier témoin cité est un chevalier de Bièvres. Ce n'est pas par hasard que Bourdin de Bièvres est accompagné par Guillaume de Massy « Burdinus de Bevra et Willelmus de Maciaco » puisqu'il semble qu'ils appartiennent à la même maison. L'auteur de la charte précise que Bièvres avait pour seigneur Geofroi Bourdin, fils de Gui Lisiard de Montlhéry , de la famille Le Riche. Les deux chevaliers venaient donc de cette maison des Le Riche de Paris.

Plusieurs personnages de Bièvres apparaissent dans le cartulaire de N.-D. de Longpont. Le premier seigneur est Garnier de Bièvres «  Garnerus de Bevria  » qui fut témoin au don des dîmes de Monteclain et de Vauboyen fait, vers 1090, par Teulfus (charte CCLXVIII). Le second est Gautier de Bièvres « Galterius de Buevria  » qui fut présent, vers 1100 lors de la donation au prieuré de Longpont d'un serf nommé Herbert par Girold Gastinel et son fils Ansoud (charte CXXII). Le troisième, un nommé Foulques de Bièvres «  Fulco de Bevre  », étant proche de la mort, lègue une terre en présence de toute sa famille (charte CXLIII).

Une des branches de la famille de Bièvres était alliée avec celle de Massy, puisque nous retrouvons plusieurs chevaliers venant témoigner à Longpont. Tout d'abord, le jour de la Pentecôte 1110, ce fut Pierre «  Petrus de Bevria  » qui assista dame Marie de Massy, la femme d'Aymon, lorsque celle-ci fit don d'une part de dîme à Villebon (charte CCLXXVI). Plus tard, vers 1140, Payen «  Paganus de Bevria  », que l'on imagine de la même famille, fut présent avec ses frères Pierre et Isembert quand Geoffroy de Massy, surnommé Sultan, fils de Bouchard fit don de douze setiers de grains en froment, orge et fèves aux moines de Longpont avec l'approbation de sa femme Aveline et leur fils Aymon ( charte CCXXXIII ).

Guillaume de Massy, avec son parent Gautier de Bièvres, agit, vers 1100, comme témoin du seigneur Giraud Gastinel quand celui-ci et sa femme Aveline donnèrent au prieuré de Longpont une hostise tenue par Gunter surnommé Payen (charte CXXXIII). Guillaume est encore témoin avec son frère Jean lorsque Hugues Basset, proche du trépas donna au même prieuré deux hostises à Groutteau et la terre du Mesnil de Brétigny (charte CLV) ; puis nous le trouvons assistant au legs de Hugues Chamilli accompagné d'Arnulf Malviel (charte CLIX) ; vers 1110, du legs d'Évrard Choisis avec ses frères Jean et Aymon (charte CCXXIV). Guillaume de Massy est encore à Longpont quand sa belle-sœur Marie restitue, le jour de Pentecôte 1110, la dîme de Villebon qu'Aymon, son mari, avait confisqué (charte CCLXXVI). Enfin, vers 1136, Guillaume approuve le legs de sa femme Evelyne (charte XX) …. «  Godardus forestarius  » est le garde forestier de la forêt de Séquigny «  Sicnii  » .

 

 

Notes

(1) L'original ayant été perdu, c'est une copie de 1118, Bibl. nat. de Fr., lat. 10977, Liber Testamentorum , fol. 23, nº 48.

(2) Joseph Depoin, Recueil de chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs monastère parisien (Jouve et Cie, Paris, 1912).

(3) Robert de Lasteyrie, Cartulaire de Paris , tome 1 (Impr. Nationale, Paris 1887).