La forêt de Séquigny (10) Les droits d'usage (XIIIe-XVIIIe siècles) |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _-------------------------------_--Octobre 2012 Attention ce site change d'hébergeur à l'adresse http://julienchristian.perso.sfr.fr Délimitation de la forêt de Séquigny (1898) sur la carte de Cassini (1756).C. Julien
Cette chronique relate l'histoire du droit d'usage et de vaine pâture qui fut, sous l'Ancien régime et même au-delà, l'objet de conflits permanents entre les habitants des paroisses circonvoisins de la forêt de Séquigny et les propriétaires de ce lieu. Le sujet a été traité d'une façon approfondie par M. Louis Félix Perin, maire de Morsang-sur-Orge de mai 1898 à mai 1908 (1). Nous résumons cet ouvrage qui raconte les procès portés devant les juges pendant plusieurs siècles.
Le droit de vaine pâture On désigne sous le nom de vaine pâture le droit qui appartient aux habitants d'une commune d'envoyer leurs bestiaux sur les fonds, les uns des autres, lorsque ces fonds sont en jachère ou après qu'ils ont été dépouillés de leurs fruits. Ce droit remonte à la plus haute antiquité. La vaine pâture, comme son nom l'indique, par opposition à la vive ou grasse pâture qui absorbe tous les produits du sol, s'applique à un terrain inculte ou dépouillé de sa récolte, dont les produits n'ont qu'une faible valeur et dont l'abandon aux bestiaux n'entraîne pas, en général, de préjudice appréciable pour le propriétaire. Le droit de vaine pâture constitue, d'ailleurs, une servitude réciproque et celui qui subit sur son fonds le pacage des bestiaux appartenant aux autres habitants, peut envoyer son bétail sur les terres de ses voisins. Le parcours , nom qui a été associé dans bien des textes à celui de vaine pâture, était le droit féodal appartenant aux habitants de deux communes au moins de conduire, après l'enlèvement des récoltes, leurs bestiaux sur les terrains dépendant de leurs circonscriptions respectives: c'était une servitude réciproque de commune à commune. L'Assemblée constituante n'osa pas décréter la suppression complète du parcours et de la vaine pâture. La loi des 28 septembre-6 octobre 1791 se borna à y apporter certaines restrictions. Les articles 2 et 3, section IV, titre 1er, de cette loi étaient ainsi conçus : Au Moyen âge et sous l'Ancien régime, ces droits d'usage firent l'objet de multiples procès entre propriétaires fonciers (les seigneurs et les abbayes) et les gens du tiers-état. Des chicanes eurent lieu également pour le parcours, comme, par exemple, celle entre les habitants de Nozay et de La Ville-du-Bois. Les lois des 9 juillet 1889 et 22 juin 1890 supprimèrent le droit de vaine pâture en France, sauf si le maintien d'un droit « fondé sur une ancienne loi ou coutume, sur un usage immémorial ou sur un titre » est demandé par le conseil municipal ou les instances départementales (2). Il faut attendre le XVIe siècle pour qu'apparaisse en pleine lumière l'exercice de droits d‘usage par les communautés d'habitants de la région. C'est qu'en effet, passée la période de restauration des terroirs et de rattrapage démographique qui suivit la guerre de Cent Ans, on se trouva confronté dès les années 1530-1540 à une grave crise forestière, du fait d'une exploitation anarchique et du rétrécissement des surfaces boisées sous la pression d'une paysannerie redevenue nombreuse. Le roi s'en inquiétant, tant pour ses revenus que pour l'approvisionnement de Paris, fit procéder en Île-de-France et dans les provinces voisines à des réformations, vastes opérations de remise en ordre des forêts comportant restriction des abus, récupération des surfaces usurpées et fixation des droits d'usage. La réformation de la forêt de Ris (autrefois beaucoup plus étendue qu'aujourd'hui) est pour nous la première occasion de connaître les droits d'usage détenus par les villages situés à son pourtour. Le parcours a été aboli par la loi du 9 juillet 1889 sur le Code rural. Quant à la vaine pâture, son application a été considérablement restreinte par cette même loi, malgré les tempéraments que la loi du 22 juin 1890 a apportés à la rigueur du texte voté l'année précédente « Cet usage, déjà suranné il y a cent ans, tombé en désuétude dans le plus grand nombre de nos départements, n'a plus de raison d'être nulle part ». Ces modifications profondes apportées récemment à des droits qui, chez certaines populations rurales, étaient de véritables traditions, nous ont engagé à présenter cette étude.
Droits d'usages dans la forêt de Séquigny À 6 lieues de Paris, la forêt de Sainte-Geneviève était connue, sous l'Ancien régime, sous divers vocables : bois et buissons de Secquigny (1547), forest de Séquigny (1549) ou d'Estingny (1660) ou d'Estigny (1696) ou de Serquigny (1626) ou d'Esugny (carte de Cassini), forêt de Séquingny (1893). Souvent, on disait également le Buisson de Séquigny (1558). La tradition, sinon l'histoire, rapporte que sainte Geneviève menait paître ses moutons dans la forêt et s'arrêtait volontiers au bord d'une source. De cette source, les fidèles firent un lieu de pèlerinage, en bordure de la route et à mi-chemin des communes de Sainte-Geneviève-des-Bois et de Saint-Michel-sur-Orge. Selon Félix Perin, « la fontaine de Sainte-Geneviève possédait la propriété de guérir les maladies des yeux; et les nombreux ex-voto, couronnes, bouts de rubans, petits bonnets d'enfants, qui étaient suspendus sur ses bords, preuve sinon scientifique du moins touchante que ce n'est pas toujours en vain qu'on implore son secours ». La véritable protectrice, la véritable patronne de la forêt de Séquigny, c'est, au XIIIe siècle, la reine Blanche de Castille , la mère du roi Saint Louis (voir la chronique : La forêt de Séquigny n°1 ). Elle en était propriétaire, et c'est elle qui fit don aux habitants des communes de Morsang, Sainte-Geneviève-des-Bois, Villemoisson, Longpont, Viry, Saint-Michel, Rosières et Grigny, d'un certain nombre de droits d'usages qui ont subsisté jusqu'à ces dernières années et qui ne se sont éteints que par suite du rachat en argent qu'en ont effectué les propriétaires actuels de la forêt. Ces droits d'usages séculaires (coupes de bois et d'herbes, récoltes d'avelines et pâture des bestiaux) furent concédés et garantis pour tous les rois de France, puis, à la fin du XIXe siècle qui se voulait démocratique, furent abolis au profit de quelques propriétaires qui cherchèrent aussi à confisquer la circulation des routes à leur profit exclusif (3).
Le prieuré de N.-D. de Longpont Dans les titres du prieuré de N.-D. de Longpont, nous trouvons que le 25 septembre 1558, un bail à cens et rente est passé par messire Louis Dannet, prieur du prieuré de Notre-Dame de Longpont tant en son nom qu'en celuy de la communauté desdits religieux, à Jean Bourgeron, sergent en la gruerie du Buisson de Séquigny pour un demi arpent de terre à faire vigne audit terroir de Longpont, chantier des Tuyaux, moyennant 12 deniers parisis de cens et 60 sols tournois de rente annuelle et perpétuelle, payable le jour Saint-Rémy. Le même Bourgeron renouvelle son bail à cens le 25 juillet 1588. Le 23 mars 1715, une adjudication de la coupe de partie des bois dépendants du prieuré de Longpont, est faite par les officiers de la maîtrise en conséquence de l'arrest du Grand Conseil du 15 février 1715 à Lucien Taillefer, marchand demeurant à Villemoisson pour la somme de 11.650 livres de principal. Le 21 avril 1717, la constitution sur le trésor royal de 380 livres de rente au denier 25, au principal de 9.500 livres , provient de la coupe de bois dépendants du prieuré de Longpont, au profit du prieuré; laquelle rente a été reconduite en 1720 au denier 50, pourquoi ladite rente a 190 livres . Il s'agit d'emprunt pour la reconstruction des bâtiments claustraux de Longpont. Un concordat est passé le 7 juin 1720 entre Jean-Paul Bignon, prieur comandataire , du prieuré de Notre-Dame de Longpont et les vénérables religieux de l'Étroite Observance de Cluny, par lequel lesdits religieux cèdent au sieur Bignon pendant sa vie seulement tous les cens, rentes foncières et féodales dus à cause du terrier de l'Hôtel-Dieu et ceux du Petit Couvent et des offices claustraux, tant du passé, présent, qu'avenir, les droits de chasse, afin qu'il lui soit permis d'en faire faire à ses frais le terrier général. Et de son côté ledit sieur Bignon leur cède et abandonne la coupe de tous les bois dépendants du prieuré, et 500 livres en billet de banque et la dixme en espèces sur les chantier de l'Hôtel-Dieu, à la charge par eux de remettre la coupe desdits bois aux prieurs et ses successeurs. Le 22 avril 1723, l'adjudication au rabais du repeuplement de 6 arpents en plusieurs places vuides des bois du prieuré de Longpont, situé en la forest de Séquigny et sur 20 arpents en friche attenant les bois est accordée à Claude Jardin, demeurant à Sainte-Geneviève-des-Bois, moyennant 80 livres l'arpent. Le 3 mai de la même année, l'adjudication au rabais du repeuplement en plusieurs places vuides dans les bois de Longpont et de 20 arpents de friche attenant lesdits bois est accordée à Claude Jardin, demeurant à Sainte-Geneviève-des-Bois et de 1.400 toises de fossés à faire à neuf autour desdits bois, adjugés à Michel Deshureaux entrepreneur demeurant à Longpont à 21 sols la toise. Le 7 juillet, un procès-verbal sous signature privée Dubois et Laisné, arpenteurs royaux, constate le transport par eux fait pour reconnoître les limites et bornes séparant les héritages et bois des religieux du prieuré Notre-Dame de Longpont d'avec ceux du seigneur de Sainte-Geneviève-des-Bois . Le 29 novembre 1754, un procès-verbal d'arpentage est dressé par Peuvrier, arpenteur royal, lequel a arpenté une pièce de bois taillis dans la forest de Séquigny appelée le Bois Bruslé contenant 3 arpents 3 quartiers. Le 15 décembre 1758, un autre procès-verbal d'arpentage par Dubois, arpenteur royal, est fait pour la visite d'une pièce de bois de 3 arpents 3 quartiers composant la coupe d'une année faisant partie de la pièce appelée le Bois Bruslé.
Les édits royaux Les droits d'usages concédés par la reine Blanche donnaient aux habitants des communes le droit d'aller, pendant toute l'année, cueillir de l'herbe dans la forêt, y couper du bois pour leur consommation, y récolter tous les fruits qui y poussaient, entre autres les avelines, et ramasser les glands; de plus ils pouvaient y mener paître leurs « bestiaux et les bêtes chevalines ». En même temps, la reine Blanche cédait la nue propriété de la forêt à diverses communautés ecclésiastiques et séculières, entre autres, l'Hôtel-Dieu de Paris, les Bénédictins du prieuré de Longpont, une communauté de minimes, l'hôpital Sainte-Catherine et autres, avec charge de respecter les droits des communes usagères. Tant que la reine vécut, tout alla bien, mais tout de suite après sa mort, les propriétaires trouvèrent que les habitants des paroisses usagères étaient bien gênants. Ils cherchèrent à s'en débarrasser par toutes sortes de vexations. Il y eut alors une longue série de procès qui, commencée à cette époque, ne s'est terminée qu'en 1900 s'étendant ainsi sur un espace de sept siècles. Dès le 28 août 1319, il faut que Philippe le Long rende un arrêt pour confirmer la donation faite par son aïeule. Cet arrêt est relaté dans un jugement de la Table de Marbre du 12 mai 1549 et dans les doléances des communes du 15 avril 1789. Nous analyserons plus loin ces deux pièces. L'arrêt de Philippe le Long n'empêcha point le procureur du roi Charles VI de poursuivre les nommés Jean Paillard, Robin Pigoreau, Guilbert Drosse et autres habitants, pour avoir fait cueillir, la veille de la mi-août les fruits des arbres de la forêt. Mais les habitants alléguant leurs droits usagers, furent renvoyés et absous des fins et conclusions du sieur procureur du roi par acte en date du 15 janvier 1416. Sous François 1er , divers arrêts confirmatifs et sentences furent rendus. Le 18 juin 1517, nous trouvons d'abord une sentence rendue le dix-huitième jour de juing par le Maistre particulier des eaues et forets de France, Brie et Champaigne , en faveur des mêmes habitants. Le 7 juillet 1526, une autre sentence du même maistre particullier des eaues et forests . Une sentence interlocutoire de la Cour fut donnée le 18 février 1547. Une autre sentence de la Cour , confirmative de la précédente apparaît le 19 mars 1547. Le 4 juin 1547, certaines lettres patentes sont données à Saint-Germain-en-Laye. Sous Henri II, le12 mai 1549, le Tribunal de la Table de Marbre rend un jugement des plus intéressant, dont nous extrayons littéralement les passages suivants : « Relations de Jehan Monterel, sergent royal en la Prévôté de Mont-Lhéry, concernant l'exécution des sentences ». Il rappelle alors les sentences ci-dessus et continue : « Nous avons permis et permettons aux dits habitant de prendre, cueillir et enlever à leur col et non aultrement, les avelines et tous aultres fruicts, sauf et exceptés le glan croissant et estant en et au dedans des bois et buisson de Sequigny, depuis la veille de l'Assomption Nostre-Dame et de la en avant par tout le temps et saison que l'on y peult trouver les dicts fruicts. et oultre avons permis et permettons aus dicts nobles. non nobles, manans et habitans des dicts villages de Grigny, Viry, Longpont, Sainct- Michel , Rosieres, Morsang, Le Perray, Saincte-Geneviefve des Bois et Villemoisson ; de prendre, coupper et despecer en et au dedans des dicts bois et buisson de Sequigny, tout bois mort ou secq, et estant ou gisant et non aultrement, et iceluy emporter à leur col et non aultrement pour leur corder et chauffage, sans qu'ils en puissent allieurs employer ny vendre ; et sy leur avons permis et permettons de mener ou faire piastre et pasturer en et au dedans des dicts bois et buisson de Séquigny, hors taillis citant au dessoubs de cinq, aux temps et saisons dessus dicts, leurs bestes à cornes et chevalines et non aultres avec leurs suittes de deux ans seullement… « … Et avons levé et osté, levons et ostons la main du Roy et tout aultre empeschement qui aurait esté mis et apposé sur la dicte forests et buisson de Sequigny au préjudice des droits d'iceulx habitans ; en faisant deffense aux dicts gruiers ; substitud dudit procureur du Roy, gardes et aultres olliciers de la dicte forest et buisson de Sequigny de ne troubler ny empescher à l'advenir les dicts habitans en la possession, perception et jouissance des dicts droicts ». En 1552, à la date précise du 31 juillet, nous trouvons la déclaration de Gilles Foucher, par devant Messieurs les Commissaires députés du Roy, des droits d'usaiger, paturaiger et autres droits particuliers que lesdicts habitans ont de toute ancienneté par titres particuliers et jugements contradictoires donnés par les feus Roys de France aux habitans et confirmés par le Roy Henri à présent régnant. En mars 1561, malgré les divers jugements précédents, les propriétaires ne se tinrent pas battus et continuèrent à molester les habitants. Les paroisses s'adressèrent au roi, et Charles IX leur octroya des lettres patentes dont nous extrayons ce qui suit : « Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, à tous présens et avenir, salut. Scavoir faisons, nous avons reçu humble supplication de nos bien amés, les nobles, non nobles, manans et habitans des villages de Grigny, etc. ; contenant que nos prédécesseurs Roys, leurs avaient cy devant donné plusieurs beaulx, privilèges, franchises et libertés ès bois et buisson de Sequigny, joignant eux-mêmes d'y prendre, cueillir, etc … (termes identiques à l'arrêt de la Table de Marbre du 12 mai 1549). « … Ainsi que plus à plein est porté et contenu par les dites Lettres, Arrêt de notre ditte Cour de Parlement à Paris, et sentence sur ce intervenues ; le tout y attaché sous le contre scel de notre chancellerie, desquels droits, privileiges, ils et leurs predecesseurs auraient de temps immemorials joui et usés sans aucun empechement, mais d'autant que y après a faute d'obtenir Lettres de confirmation d'y ceux privilèges on les voulust en la jouissance d'y ceux molester et travailler, ils nous ont fait humblement suplier et requérir leur vouloir y ceux continuer et confirmer et sur ce, leur impartir nos Lettres; Nous à ces causes, ne voulant moins favoriser les dits suppliants, que ont fait nos predecesseurs et les maintenir et conserver en leurs droits, privileges et franchises, à y ceux pour ces Causes et autres, à ce nous mouvans, avons de nos grace special, pleine puissance et autorité Royale, tous et un chacun leurs dits privilèges, franchises et libertés ci-dessus, et esdits, privilèges sentences et jugement contenus, déclarer et continuer ». «… Confirmons et continuons, voullons et nous plaist, que d'yceux, eux, leurs successeurs jouissent et usent cy après, tout ainsy et par la même forme et manière, qu'ils ont cy devant bien et duement joui et usé, jouissent et usent encore à présent. Si donnons en mandement à nos amés et feaulx Conseillers, les Gens tenans notre Cour de Parlement à Paris, et à notre Grand Maistre enquesteur et Général réformateur des Eaues et Forests de notre Royaume ou son Lieutenant, et tous nos juges et officiers qu'il appartiendra et à chacun d'eux, que de nos presentes grace, continuation, confirmation et contenu ci-dessus, ils fassent, souffrent et laissent les dits supliants et leurs successeurs jouir et user plainement, paisiblement et entièrement, sans pour ce leur faire mettre ou donner, ne souffrir leur être fait, mis ou donné ores ne pour l'avenir aucun trouble, destourbier ou empeschement au contraire, si fait mis ou donné, leur avait été ou était, mettez les ou faites mettre justement et sans délais a plaine délivrance au premier état du. Car tel est notre plaisir, etc... » Le 3 Juillet 1603, le roi Henri IV , qui cependant était très jaloux de sa chasse, confirma par Lettres patentes, les habitants de Grigny, Viry, etc..., dans les droits dont ils ont joui depuis un temps immémorial dans les bois et buissons de Séquigny, savoir :
Sous Louis XIII , le 1er juillet 1626, une sentence de la maîtrise de Montlhéry et gruerie de Serquigny, maintient les habitants de Saint-Michel et autres, en possession de leurs usages dans la forêt de Serquigny. Le 26 août 1641, une sentence du prévôt de Montlhéry, exerçant l'office de gruyer et garde-marteau des Eaux et Forêts, donne encore acte à ces habitants, qu'ils entendent être usagers dans ladite forêt de Serquigny, et constate la remise au greffe des titres établissant leur droit d'usage dans ladite forêt, à savoir : le 1er du 28 mai 1407, le 2e du 3 février 1452, le 3e du 15 décembre 1461, le 4e du 21 août 1485, le 5e du 8 juin 1493. En 1715-1719, les habitants des communes payaient d'ailleurs un droit à l'État, pour les Usages, ainsi qu'en fait foi le reçu dont copie ci-dessous : « Je soussigné Frédéric Sald subrogé par acte du conseil… reconnais avoir reçu de Laurent Fortin la somme de 30 livres 4 sols, à laquelle les dits habitants (de Morsang-sur-Orge) ont été imposés pour les droits d'usages de quatre années commencées le ler avril 1715 et qui finissent au dernier mars 1719, suivant l'état arresté par Monsieur l'Intendant de ladite Généralité du 10 may dernier, déductions faite des quatre deniers pour livre de ladite somme. Fait à Paris le premier jour de may 1719 ». Ainsi, les habitants de Morsang payaient 7 livres 11 sols d'impôts par an, pour leurs droits d'usages dans la forêt. Sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI , nous n'avons trouvé aucune pièce permettant d'établir que les droits d'usages aient été contestés ou discutés à cette époque. Nous savons seulement que Louis XV fit prolonger et améliorer les routes qui existaient dans la forêt et en fit construire d'autres. Louis XVI pourvut également à l'entretien de ces routes jusqu'à la Révolution. La preuve que les habitants continuaient à jouir de leurs droits d'usage résulte d'un document en date du 15 octobre 1748. En 1748, c'est une requête adressée par dom Jean-Joseph Faucheux, procureur du prieuré de Notre-Dame de Longpont, au grand maître des Eaux et Forets, pour se plaindre que les habitants éboulant les fossés avec leurs bestiaux qu'ils mènent paître dans la forêt. Puis qu'il y avait abus, donc il y avait jouissance. Il est arrivé le 13 novembre 1772, au sujet desdits usages, que plusieurs habitants de ladite paroisse de Morsang venant de couper du bois sec et mort dans ladite forêt, ont été arrêtés par les gardes, dont un des gardes du seigneur a tiré deux coups de fusil et a tué un garçon âgé de vingt-huit ans, et l'on a fait mettre quatre autres habitants en prison à Melun quoi y sont restés chacun quatre mois , dont un est mort aussitôt après être sorti de ladite prison et un autre dont la femme est morte tandis qu'il était en prison, ce qui a fait que depuis ce temps-là on n'y va pas sans crainte et que l'on est encore actuellement arrêté et repoussé ; c'est pourquoi nous prions Sa Majesté de nous remettre dans nos droits comme nous y étions ci-devant (cahier de doléances de Morsang-sur-Orge).
Les cahiers de doléances En 1789, toutes les paroisses de France furent appelées à formuler leurs vœux qui furent classés dans Cahiers des doléances des communes, de l'assemblée du Tiers État de la Prévôté et Vicomté de Paris, hors les murs (4). Nous y avons relevé les passages suivants :
Carte de la forêt de Séquigny (d'après F. Perin, 1903)Sous la Révolution Le 23 juillet 1789, le comte Bertier de Sauvigny, intendant de la Généralité de Paris, fut amené de force à Paris, avec une botte de foin au cou, puis écharpé par la populace sur la place de l'hôtel-de-ville, en même temps que Foullon, son beau-père, contrôleur général des Finances. Bertier était à cette époque propriétaire de presque toute la forêt de Sainte-Geneviève, qui devint de ce fait, momentanément, la propriété nationale. Le citoyen David, garde général des forêts nationales, qui avait été chargé par le gouvernement d'administrer la forêt de Sainte-Geneviève, ne sachant pas que la forêt était grevée de droits d'usages, fit faire, le 19 messidor an VI, des procès-verbaux à plusieurs particuliers qui avaient fait paître leurs vaches dans les bois nationaux. Les habitants, condamnés le 18 germinal an VI, réclamèrent et firent une plainte et l'administration centrale du département de Seine-et-Oise ; par jugements des 28 fructidor an VI et 14 prairial an VII, les habitants furent maintenus dans leurs droits d'usages. La sentence « Déclare confirmer les habitants des villages sus désignés, dans l'usage et le droit de faire pâturer leurs bestiaux dans les bois et buisson de Séquigny, résultant de la sentence sus relatée, en se conformant toutes fois à l'ordonnance des Eaux et forêts et autres conditions imposées par leurs titres ». Le 18 Germinal an VI, le tribunal correctionnel de Saint-Germain avait adopté une jurisprudence contraire, en condamnant les habitants. Les prévenus firent appel devant le tribunal criminel du département de Seine-et-Oise, séant à Versailles, et ils obtinrent gain de cause une fois de plus. En date du 14 prairial an VII, de tribunal de Versailles décida : « Attendu qu'il est reconnu par l'arrêté de l'administration centrale du département de Seine-et-Oise, du 28 fructidor dernier, que les habitants de Saint-Michel, Sainte-Geneviève, Perray, etc, ont, de temps immémorial, droit de pâturage dans les bois de Sainte-Geneviève… Dit qu'il a été mal jugé par le jugement dont est appel, bien appelé d'icelui ; émendant et réformant ledit jugement, décharge les parties des condamnations prononcées par ledit jugement, faisant droit au principal, acquitte les dites parties des plaintes et demandes contre elles formulées sur le surplus des demandes fins et conclusions, les met hors de cause ». Le 26 thermidor an XIII (22 juillet 1805), après ces derniers jugements, les habitants croyant la chose jugée souverainement et en dernier ressort, étaient en droit de se figurer qu'ils allaient jouir en paix et à, perpétuité de leurs usages. Il n'en fut rien. Dès 1e 3 thermidor an XIII, le comte de Bertier (le fils de l'intendant), qui avait été remis le 19 brumaire an V, en possession des biens saisis après la mort de son père, se plaint que les fossés de vidanges qui ont été ouverts sont éboulés par les bestiaux et les personnes qui les conduisent, ce qui empêche la circulation ; en outre, il se plaint des dégâts que les vaches des villages voisins commettent journellement dans ses bois, par suite d'un prétendu droit d'usage invoqué par les habitants. Il demande que l'entrée de ces bois soit interdite aux bestiaux dans les parties non récépées. Et le préfet, sans préjuger les droits des communes, fait défense aux habitants de conduire leurs bestiaux dans les parties avant qu'elles aient été reconnues défensables par l'administration forestière. À suivre…
Notes (*) Madame Evelyne Verdière, présidente de la Société historique de Morsang-sur-Orge, est vivement remerciée pour ses encouragements et l'apport de la numérisation du livre de M. Félix Perin. (1) F. Perin, La forêt de Séquigny ou de Sainte-Geneviève, histoire, droits d'usages, routes, chasse, Procès ( Morris père et fils, Paris, 1903). (2) J. Dejamme, Vaine Pâture, commentaires des lois (Berger-Levrault, Paris, 1890). (3) Le lecteur pourra consulter le site de M. Audigié : <http://audigie.claude.pagesperso-orange.fr.> sur les droits d'usage dans la forêt de Séquigny. (4) Archives parlementaires, tomes IV et V. (5) Après la Révolution, la forêt de Séquigny échut à Antoine Ferdinand Louis de Bertier, fils puîné de Louis-Bénigne-François Bertier de Sauvigny intendant de Paris, et de Marie Foulon. Le comte de Bertier reçut à la Restauration les croix de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, et pendant cette période fut préfet, député, directeur général des Eaux et Forêts et ministres d'Etat. Il fut maire de Morsang-sur-Orge du 9 septembre 1821 au 28 octobre 1830. Les évènements de 1830 le confinèrent dans sa terre de Morsang ou il vécut jusqu'en 1847.
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