La seigneurie de Soucy (4) (1615 - 1678)

JP. Dagnot

Cette chronique est le quatrième volet consacré à la famille "de Ficte", et aux seigneurs de Soucy. Nous avions relaté dans la chronique précédente la vie de Charles de Ficte se terminant par son décès en 1617.

Claude Legrand veuve

L'inventaire après décès de Charles n'ayant pas été trouvé il faudrait le rechercher sur Paris. En 1618, ses enfants étant mineurs, la dame de Soucy, comme c'est la coutume, demande une souffrance aux dames de la Saussaye pour la terre et seigneurie de Soucy.

Cette femme prend en main les rênes de Soucy. Afin de gérer la seigneurie, elle délègue la perception des revenus à un fermier: ... veuve de Charles de Ficte, chevalier & baron de Soucy, ... bailly du Palais Royal à Paris, en son nom & turice de ses enfans mineurs, se portant fort de Messire Sevin, président en sa cour de parlement, tuteur des enfans, laquelle baille à titre de ferme & admodiation pour neuf années, à Jacques Lebas marchand demeurant à Nozay et Claude Breton sa femme les deux agés de 25 ans, c'est à savoir la recepte et revenu de la terre & seigneurie dudit Soucy qui se consiste en:
- deux maisons, ..
- revenu des bois de Soucy et du Plessis saint Benoist (1)...;
- tous les lods et ventes pour les logis du Plessis Lefèvre, la Forest & Quincampoix, pour la maison du sieur Rousselet & damoiselle la Bussière,
- jouissance de la grange de la bassecour, pressurage,
- poisson des estangs
le bail fait moyennant 5.000 lt.
Curieusement ce bail très détaillé est cassé par les mêmes parties le mois suivant.

Localisation du Plessis saint Benoist (image de gauche)

Un document a dû être rédigé dans une autre étude, car huit mois plus tard, on retrouve le même Jacques Lebas, recepveur de la terre et seigneurie de Soucy. Il baille pour six ans à titre de loier et moison de grain, à Jehan Petel, laboureur de Janvriis, la quantité de six vingt arpens de la maison et ferme saint Didier (1), à la réservation de la vollière et de la piesse devant la porte du chasteau. Le bait faict moyennant 3,5 muids de grain mestail de ferme et moison.

En 1620, Jehan Maistre masson demeurant à Baudreville a promis de faire et parfaire:
- un glacis au canal qui prend du mitan du jardin à l'estang,
- un mur glacis du costé dudit estang avec chaux et ciment, en talus des deux costés, ...
- refaire la muraille de closture du petit jardin qui est tombée et quelques thoises qui penchent,
- refaire toutes les bresches qui tombent de la muraille, excepté la bresche où décharge l'eau prez la boutique à poissons,
le tout pour la somme de 50 lt ..... refera la bresche de la muraille d'auprès de la chapelle...

Le plan ci-dessous ne correspond pas à l'époque mais permet de se faire une idée des lieux.

Extrait du plan d'assemblage napoléonien.

L'année suivante, la dame de Soucy marie sa fille Claude de Ficte avec Charles des Essars seigneur de Maigneulx. C'est une union en communauté de biens, meubles et conquest. L'époux apporte 63.750 lt. La dame de Soucy, Claude Legrand leur baille 120.000 livres sur la succession eschue du sieur de Soucy et le surplus savoir la ferme du Plessis-saint-Benoist à Authon ...

En 1622, Claude Legrand dame de Soucy, tutrisse et ayant la garde des enfans mineurs laquelle baille pour neuf ans à Guillaume Defenclos, marchand de Brétigny, l'estang dudit Soucy, et le canal qui suit le long du grand jardin, à la charge par ladite dame de fournir le poisson de carpes tant mère que autre, moiennant 40 livres de loier, avec pesche tous les trois ans. En octobre le preneur a reçu une mère carpe de 16 pouces ....

La même année, Abraham Lyepart manouvrier de Saint-Germain-les-Chastres s'oblige envers la dame de Soucy, de remettre en estat la chaussée de l'estang dudit Soucy, de le vider des feuilles et de la terre quy est de présent, de faire une ouverture dans ladite chaussée .... fait et passé au chasteau lieu seigneurial dudit Soucy ...

En 1624, il est logique de rappeler la demande des paroissiens de Soucy pour obtenir un moulin à vent:

Aujourd'hui les habitans de Soucy, la Ronsière, la Coquesalle, Quincampoix, la Forest & Mulleron, , tous justiciables du baillage de la baronnie et chatellenie de Soucy estant assemblés en nom collectif se sont transportés au chasteau dudit Soucy, auquel lieu en la présence de Bonaventure Prévost, tabellion dudit baillage, ont "remonstré" à haute & puissante dame Claude Legrand, dame et baronne dudit Soucy, feme de feu Charles de Ficte, vivant bailly du Palais à Paris, tant en son nom et comme tutrice des enfans myneurs dudit deffunt et d'elle, que en ladite seigneurie n'y a plus d'autre lieu et n'y a aucun moulin a bled auquel il se puisse faire mouldre et convertir leurs grains en farine pour subvenir à leur noriture de leurs enfans et familles, ... requièrent d'icelle dame de faire bastir aux environs dudit Soucy , au lieu qu'elle advisera et trouvera le plus commode, un moulin à vent auquel ils puissent eux et leurs successeurs à l'advenir faire mouldre commodément leur grain.

Ils promettent lorsque le moulin sera basti de faire moudre leur grain et non ailleurs et seront obligés eux et leurs successeurs, à la charge par le meunier qui tiendra ledit moulin de rendre et ramener leur bled en leur logis et pour le droist de mousture, prendra seulement un boisseau pour chaque septier.

Laquelle dame après avoir entendu ladite prière a promis audits habitans de faire bastir ledit moulin dans le plus bref temps que faire se pourra.

Charles II de Ficte

En 1626, Charles II de Ficte, sieur de Soucy et Bruières le chastel, maistre ordinaire en sa chambre des comptes, qualifié de noble homme, déclare que luy et ses prédécesseurs ont toujours fait leur foy et hommage aux dames religieuses de la Saussaye. En effet, il est de nouveau attaqué par le seigneur de Bruyères, Claude Daubray, qui prétend être suzerain d'une partie de la terre de Soucy. L'affaire va jusqu'à la saisie et l'éternel problème ressurgit!

L'année suivante, l'intrusion du seigneur de Bruyères est terminée. Charles II est devenu chef de famille, et demeure, rue du Petit Muse, paroisse Saint-Paul. Il se rend à Villejuif, s'adresse à dame Catherine Charlet, prieure, soeurs Roze Balin palerière?, Geneviève Leclerc, boursière, et Barbe Charlet portière, dudit monastère et prieuré, pour porter aux vénérables religieuses , pour luy ses frères & soeurs, héritiers de feu Charles leur père, les foy & hommages de Soucy en raison de leur fief des du petit Vaulx sur Yvette, également pour le fief de Bajollet (bois jollet) sieur de Soucy, ... , avec les solemnités requises et promet l'adveu et dénombrement dans le temps de la coustume. Pour éviter tout litige arrivé précédemment lesdites partie ont demandé lettres pour leur servir et valoir ce que de raison en temps et lieu, et avons fait mettre et apposer le seal de la prévosté de Paris; passé au prieuré en présence de frère Laurent Chardon, religieux de saint Benoist et un gentilhomme témoins appelés par le notaire !!!

En 1628, Jehan Picard, et Michel son fils, marchands fruittiers demeurant à Marcoucy, promettent de paier à Messire Charles de Fictes, chevallier, seigneur et baron de Soucy, la somme de 180 lt, pour la vente de tous les fruits qui se trouveront dans les clos, tant derrière le colombier, que ceux sur lestang dudit Soucy.

La même année voit le décès de la dame de Soucy, ses filles Claude et Hélène font saisir tous les meubles trouvés après le décès de leur mère Claude Legrand dame de Soucy, lesquelles avoient délaissé en garde à Jacques Bertin marchand demeurant à Soucy. Six mois plus tard, Bonaventure Provost tabellion à Soucy, dresse l'inventaire des papiers de la succession de deffunt Charles de Ficte et de Claude Legrand. Suit une autre période de six mois pour le partage devant le même tabellion. Malheureusement tous ces documents sont absents des minutes de ce notaire!

Les informations sur Charles de Ficte ne sont pas nombreuses, il faut attendre 1640 pour le voir rencontrer Olivier Jaquet concierge et fermier de l'hostel du Plessis Lefèvre. Le seigneur et baron de Soucy est qualifié de chevalier, gentilhomme ordinaire de la chambre du roy et maistre ordinaire de son hôtel. Il conclut avec le fermier un bail à moitié de croix pour trois ans, à scavoir de cent bestes à laisnes tant brebis ... texte classique.

En 1655, le seigneur de Marivaux, Pierre Brethe, se rend au chasteau de Soucy et devant Charles de Ficte et parlant à la personne dudit seigneur de Soussy, pour rendre la foy et hommage pour le fief de Mulleron, à luy appartenant, au moyen de la donnation faite en avance dhoirie par dame Catherine Chauvelin sa mère ... en estat de vassal un genouil en terre, teste nue, sans esperon, porter la foy et hommage ... classique, le fief de Mulleron qui se consiste en huit livres de menus cens sur 29 arpens de terres labourables et une pièce de bois taillis appelée le bois de la Forest antiennement le bois de la Chaslerie et Mulleron contenant 110 arpents.

Nous sommes en 1647. Guilhermy, auteur des inscriptions de la France (1847), rapporte qu'il a vu à Soucy deux dalles funéraires et rapproche les inscriptions de celles décrites par l'abbé Lebeuf. Curieusement il cite l'épitaphe de Pierre de Ficte en 1647, baron de Soucy et également celle de Charles de Ficte en 1674. D'après cette chronique et nos informations, la première dalle correspondrait à celle de Charles I de Ficte décédé en 1617, le chiffre 1 peut-être mutilé pris pour un 4, la seconde est confirmée dans la demande d'apposition de scellées faite à la requête de Jeanne de Laffemas, épouse de Charles II de Ficte, effectivement inhumé dans la chapelle Saint-Eloy de Soucy en 1574.

L'histoire des dalles funéraires de Soucy est d'ailleurs très curieuse : celles décrites par l'abbé Lebeuf existant dans cette chapelle se trouvent aujourd'hui apposées aux murs de l'église paroissiale Saint Martin, et celle d'Haudry vue par Guilhermy employée en dallage à la porte méridionale de l'église est maintenant visible au cimetière! De quoi faire "retourner notre fermier général dans sa tombe" .

Isaac de Ficte

Revenons à la famille de Ficte en 1674. Dame Jeanne Delaffemas, veuve de Charles de Ficte, demande de faire apposer les scellées sur les portes des cabinets du chasteau de Soucy, dans lequel chasteau son mary est décédé et fust inhumé le jour d'hier, en la chapelle dudit chasteau. Sont présents Jacques Lacoste, bailly de Soucy, accompagné de Jean Develle procureur fiscal, et Jean Dugué notaire greffier, ils se rendent au château à la demande de la dame de Soucy. L'intérêt pour nous, dans l'acte est de noter les pièces visitées ce qui permet généralement de connaître le château :
- ... salle basse du chasteau avec vue sur la basse-cour, dans un cabinet renfermant les titres, et les effets les plus précieux, ...
- ... en un autre cabinet dépendant d'une chambre haute dudit château, dans laquelle salle avons vu Isaac Louis de Ficte, chevalier seigneur de Soucy fils aisné du défunt...

Ce dernier paraît ne pas apprécier, disant qu'il est l'aîné et subrogé tuteur des enfants mineurs du défunt mais qu'il ne veut empêcher l'apposition des scellées, protestant seulement ... Le procureur disant que ces scellées servent à protéger les droits tant des mineurs, que de Jean François de Ficte, chevallier, sous brigadier dans la première compagnie de mousquetaires du roy, absent. Ces préliminaires constatés, l'apposition va commencer. Les intéressés retournent dans la salle basse et ledit cabinet, les deux ayant vües sur la basse-cour ... montés en une chambre haute au-dessus de la salle basse. Le reste du château n'a malheureusement pas fait l'objet des scellées!

Le mois suivant, Isaac de Ficte a pris le domaine en main, il se rend au prieuré royal de la Saulssaye près Villejuifve. Arrivé au couvent il s'adresse à dame Marie Françoise de Roussel de Medany, abbesse dudit prieuré, et déclare qu'il demeure en sa terre de Soucy et qu'il est venu porter les foy et hommage habituels. Relevons que Soucy relève toujours du fief des Petits Vaulx sur la rivière Yvette.

Il faut attendre deux ans pour que le partage des biens de Charles II se réalise devant le bailly de Soucy. Comme nous l'avons déjà constaté avec cette étude, la minute est absente. Cependant un acte postérieur affirme que les biens sont divisés en trois dont un revient aux enfants de Charlotte.

On apprend également que le cadet Jean François de Ficte revend à son frère aisné sa part des droits sur Soucy, échus du partage précédent.

À suivre ...

Notes

(1) Plessis saint Benoist, lieu proche de la paroisse d'Authon à l'ouest d'Etampes.

(2) Les lieux qualifiés du suffixe Saint Didier, sont situés autour du château.

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