La seigneurie de Soucy (5) (1698 - 1741)

Extrait du plan d'intendance de Fontenay-les-Briis.

JP. Dagnot

Cette chronique est le cinquième et dernier volet de l'histoire de la famille "de Ficte" à Soucy. Nous avions laissé Isaac de Ficte prendre possession de la baronnie de Soucy et faire le partage de la terre de Soucy avec son frère et les enfants de sa soeur.

Nous sommes en 1696. On pourrait penser que l'éternel sujet de discorde entre le vassal et ses suzerains est bien clos. Hélas non, cette fois il s'agit d'une transaction entre le seigneur de Soucy et les deux communautés religieuses qui représentent les suzerains de Soucy:
- Dom Nicolas Gebenault, prestre religieux représentant le monastère de nostre dame de Bonne Nouvelle d'Orléans, seigneur du fief de Vaux,
- Noel Valboy, commis par le conseil d'estat et représentant le prieuré de la Saussaye, transféré à Saint Mandé,
lesquels pour terminer toutes les contestations & procès depuis plusieurs siècles, pour raison des fiefs manoirs et héritages de la seigneurie de Soucy qui sont relevant des deux ordres religieux comme il paroit dans l'aveu de 1382, par lequel il se voit que le sieur de Soucy possédait quatre fiefs qui consistoient en quatre manoirs, et plusieurs héritages dont il y avoit deux fiefs consistant en deux manoirs et 194 arpens et estre en la mouvance des religieuses de la Saussaye, et deux autres fiefs consistant aussi en deux manoirs et 228 arpens aussy spécifiés en détail aussi estre mouvants du seigneur de Vaux Jean Besnier... À cette époque les deux ordres religieux débattaient devant la justice royale de Montlhéry. Ces différents ont continué ainsi qu'il paroit dans une sentence de 1543 entre le seigneur de Vaux et celui de Bruyères le Chateau. Rappel ensuite des aveux rendus par Pierre de Ficte en 1562 et 1564 aux deux ordres religieux, déclarant que ce qu'il avait acheté contenoit plus grande quantité... les héritages de la seigneurie dudit Soucy qui en ont esté tellement mélangés et changé de nature qu'il est impossible de pouvoir les desmeler et distinguer les uns des autres , les manoirs qui subsistoient antiennement ayant esté desmolis et ruinés il y a près de deux siècles (guerre de Cent Ans), en sorte qu'il n'en paroist plus de vestiges les démolitions ayant servy à bastir le chasteau & basse cour qui sont présentement édifiés sur l'une et l'autre des mouvances desdits religieux de Bonne Nouvelle et desdites dames religieuses de la Saussaye comme il paroist dans l'aveu rendu par ledit Pierre de Ficte en 1562 et 1564 qui ne contiennent qu'une seule et mesme chose et par celui rendu en 1695 par ledit Isaac de Ficte. Pour terminer les deux ordres recevront les adveux donnés par le seigneur de Soucy... néanmoins les foy et hommage seront rendu séparément et les droits de quint et relief partagés par moitié. Dans les mois qui ont suivi les deux ordres religieux ont ratifié cette transaction à Orléans et à Saint Mandé.

Plan du domaine en 1781.

Deux ans après, le seigneur de Soucy confirme la transaction faite avec les religieuses de la Saulsaye: Isaac de Ficte, escuyer, seigneur de Soucy, y demeurant ordinairement, fils aisné & principal héritier de deffunt Charles de Ficte, chevalier seigneur dudit Soucy, adjoutant à l'aveu du 20 novembre 1695, passé devant Leroy notaire à Montlhéry, aux religieuses de la Saulsaye, à cause de leur seigneurie de Grand & Petit Vaulx, confirme que le parc, jardin & enclos, ainsy que le chasteau avec la basse cour et ferme joignant, sont en mouvance des sieurs religieux de Bonne nouvelle et des dames de la Saulsaye. Ledit chasteau consistant en :
- un corps de logis couvert d'ardoizes, cour devant grande basse cour à côté, où il y a un entien corps de logis, granges, escuryes, bergerie, estables, pressoir, colombier & remise,
- une avenue devant ledit chasteau & une chapelle à costé,
- un estang canal au dessous, un bois de hautes futayes,
- item une autre ferme enclavée dans ledit enclos composée de maison, cour, grange, et estables, couverte de thuiles.
Le tout clos fermé de murs contenant 120 arpents;
- item 50 arpens de terres & bois assis au lieudit la mare aux prestres,
- item 15 arpens, 7 arpens, 1 arpens , sept livres d'anciens cens
- les fiefs de Bajolet, de la pointe, du Vivier, droit de moulin, de nomination à la chapelle,
En cas de contestation les religieux de Bonne Nouvelle et de la Saussaye devront s'accorder...

Notre seigneur est également suzerain, en 1705, son voisin Jacques Martin, seigneur de Marivaux, se présente sur le perron, devant la principale d'entrée du chasteau de Soucy, lequel en devoir de vassal nüe teste sans espée ny esprons ... pour porter la foy et hommage pour les fiefs de Mulleron et la Challerie ... Isaac de Ficte le reçoit en présence du sieur du Plessis-Saint-Thibaud, Charles Desprez.

En 1709, la famille de Maigneux est toujours en procès concernant leur succession. Notons pour cette chronique, qu'un sixième de la terre et seigneurie de Soucy est concerné. Les soeurs de Maigneux transigent et deux mois après Marie Marguerite des Essarts de Maigneux vend à Isaac Louis de Ficte chevalier, seigneur de Soucy, demeurant ordinairement en son chasteau de Soucy:
- la sixième partie dans la seigneurie haute moyenne et basse justice de la terre de Soucy
- plus une maison ferme enclos parc et jardin appelé Quincampoix...
La vente faite moyennant 45.000 livres.

Notons en 1715, le décès de Jean François de Ficte à Préfontaines. L'année suivante, son frère Isaac Louis, rédige son testament, il se trouve à Paris, logé en l'Isle Notre Dame, assis dans un fauteuil auprès du feu, malade de corps, mais sain d'esprit, ..., ordonne:
- sa sépulture en sa chapelle dans l'église de Soucy,
- que soit fondé en ladite église une messe à perpétuité chaque jour & qu'il soit établi un chapelain qui aura le soin d'instruire la jeunesse et lui sera payé 350 livres par an, à prendre sur le revenu de la terre de Soucy, la nomination du chapelain appartiendra au seigneur de ladite terre.
- donne à sa belle soeur, veuve de Ficte de Préfontaines, 400 livres de rente viagère, en outre son habitation au chasteau de Quincampoix,
- donne 500 livres à son valet de chambre,
- 150 livres à son cocher,
- à Robillard & à sa femme 2.000 livres,
- le reste à son neveu, fils ainé du sieur de Préfontaine.
Il rajoute un codicille deux mois après, au mandement d'Isaac Louis de Ficte, chevalier, seigneur de Soucy, demeurant à Paris, Isle Notre Dame, quay d'Allençon, chez Delafond, au lit, malade, ... pour faire un codicille, donne :
- à chacune de ses nièces 4.000 livres soit 32.000 au total.
- à sa cuisinière 300 livres.

En 1716, Isaac de Ficte, toujours à Paris, vend à Jean Magault, marchand de Leuville, la coupe de 44 arpens de bois en deux pièces, la vente faite moyennant 3.600 livres payables à Paris, le premier Noel prochain... Il décèdera dans l'année.

La même année, à Soucy, Jean François de Ficte, chevalier, seigneur de Soucy, damoiselle Angélique Elizabeth , Geneviève Edmonde de Ficte, filles majeures, ledit seigneur de Soucy demeurant au château et les demoiselles en celuy de Quincampoix, lesquels déclarent qu'ils renoncent à la succession de deffunt Jean François de Ficte, leur père, laquelle est plus onéreuse que profitable. Geneviève Biet, sa veuve renonce à la communauté de bien ...

Comme à chaque changement de situation les héritiers mâles du défunt et l'épouse rendent aveu de leurs biens: le procureur de Jean François de Ficte, chevalier, seigneur de Soucy en partie, de Charles de Ficte, chevalier, aussi seigneur dudit Soucy, et de Geneviève Catherine Biet sa veuve agissant en qualité de tutrice de Louis, chevalier, mineur, aussi seigneur en partie, fils de deffunt Jehan François & d'elle. Ledit Jean François, légataire universel de son oncle Isaac de Ficte. Leur mandataire se transporte chez l'intendant des religieuses pour présenter à la prieure du prieuré royal de Notre Dame de la Saussaye les Villejuif, ordre de Saint Benoist, dame de la seigneurie de Petit Vaux sur l'Yvette, également se trouve un représentant du prieur du monastère de Bonne Nouvelle d'Orléans, seigneur de Grand Vaux, pour présenter la foy et hommage pour la terre et seigneurie de Soucy mouvant des Grands & Petits Vaux . La transaction de 1696 a porté ses fruits, le serment de fidélité est présenté dans les règles. Le mandataire verse la somme de 1.000 livres pour le droit de relief du aux deux suzerains. Suit l'aveu où nous ne retiendrons que la description de la demeure seigneuriale:
- la totalité du parc jardin et enclos ainsi que le chateau et manoir seigneurial avec la bassecourt et ferme y joignant ledit chasteau et lieu seigneurial consistant en un corps de logis couvert d'ardoises, cour devant, une grande bassecourt à costé, où il y a un ancien batimen corps de logis, granges, écuries, bergeries, estables, pressoir, colombier et remise, une avenue devant ledit chasteau, une chapelle à costé,
- grande porte d'entrée où il ya deux tourelles aux deux costés,
- jardin à droite & à gauche,
- un étang et un canal au dessous,
- un bois de haute futaye, un plan de grand arbres fruitiers,
- item une autre ferme scise et enclavée dans ledit enclos composée d'une maison cour grange et establescouvert de tuilles,
Tous les dits héritages clos & fermés de murs contenant 120 arpents environ.

La succession de Jean François de Ficte, vu la nombreuse famille, les décès d'Isaac et de Jean François de Ficte, les trois mariages de ce dernier, va conduire à une transaction. Dame Geneviève Catherine Biet, veuve demeurante à Quincampoix paroisse de Fontenay, tutrice de Marie Magdeleine, Louise Suzanne, Marie Jeanne, Charles, Louis & Marie Anne ; ladite dame Biet estoit troisième & dernière femme de Jean François; les filles auront chacune 4.000 livres comme part dans la succession d'Isaac Louis de Ficte leur oncle seigneur de Soucy & Quincampoix . Le mobilier estimé à 5.830 livres, les dettes passives à 8114 livres. Les deux autres branches sont présentes et réclament le douaire des épouses décédées. La succession est donc vacante et déficitaire. L'intérêt de l'acte la connaissance des trois épouses du défunt ainsi que la donation de Soucy à l'aîné des enfants mâles du frère d'Isaac de Ficte.

La succession d'Isaac dure une prisée de la terre de Soucy par des experts; à la demande de Geneviève Biet, Charles Lambert procureur fiscal du marquisat de Bruyères, et Jean Magault, receveur de la seigneurie de Leuville, se transportent dans le chasteau et maison seigneuriale de Soucy, ensuit:
- la haute moyenne et basse justice de Soucy, Mulleron en dépendant, greffe tabellionnage, ..cens, en la mouvance féodale de la Forest , 8.000 lt,
- plus le chasteau, cour , ... chapelle colombier ... , 12.000lt,
- suivent les terres ...

Nous arrivons en juin 1717, la liquidation de la succession de Isaac de Ficte se fait à Paris: Geneviève Biet, comme tutrice de Charles & Louis mineurs, seuls héritiers d'Isaac leur oncle, par le renoncement des frères & soeurs, d'une part et Jean François de Ficte, capitaine de bombardier, légataire universel dudit Isaac... Lesquels pour parvenir à la liquidation, reprennent les prisées faites :
- le domaine estimé à 99.000 livres.
- .... longue liste de rentes ...
- Quincampoix prisé pour 24.000 lt.
La masse totale des biens représente 247.957 livres. Charles et Louis se partageront 65.000lt, Jean François recevra 182.000lt. Charles et Louis se partageront également par moitié en indivis les droits de la seigneurie estimés à 8.000lt ainsi que les 4/5 des bâtiments.

L'année suivante, une sentence du Châtelet entérine le partage entre Charles & Louis de Ficte, seuls héritiers du deffunt seigneur de Soucy leur oncle. Il s'agit d'un intitulé qui va conduire de nouveau, à l'acte suivant. Cette fois en raison de la sentence Charles & Louis de Ficte frères puisnés, se présentent comme émancipés d'âge; leur aîné se fait représenter. Leur mère est également présente. Le but du nouveau partage est simple Jean François devient propriétaite de la totalité de la terre et seigneurie de Soucy en échangeant avec ses frères des terres et des rentes jusqu'à concurrence de 24.000 lt pour chacun.

En ce début d'année 1719, nous assistons au mariage de Marie Madeleine de Ficte, l'époux n'est autre que Pierre Loger demeurant avec ses frères et soeurs à Bligny. Les frères et soeurs des époux sont présent sauf Louis de Ficte.

Notons cette année pour la vie locale, Jean François de Ficte, capitaine de bombardiers, demeurant en son château de Soucy ,lequel confesse avoir reçu de Jean Louis de Bullion, seigneur comte de Fontenay, 9.740 livres du principal de 936 l de rente... La même année Pierre Fromentin, sous-diacre du diocèse de Paris, chapelain de la chapelle Saint Eloy de Soucy , nommé par dame Marie Angélique de Cabannac, épouse de Jean François de Ficte, lequel s'est adressé à Alexandre Guillemain prêtre desservant actuellement ladite chapelle de Soucy ... pour prendre possession de ladite chapelle. La cérémonie est classique, baisement de l'autel...

L'année suivante, c'est au tour d'Angélique Elizabeth de Ficte de se marier avec Louis Prieur de Rochemont, capitaine au régiment de Normandie. Cette fois le frère Louis est présent son infirmité lui permet d'assister à la cérémonie.

La vie continue à Soucy, en 1723, le baptême du fils du garde chasse de Monsieur de Souci, nous montre que la marraine Geneviève Edmonde de Ficte demeure au château et que le parrain est un Jordy de Cabanac seigneur de Saint Denis. Louis de Ficte est présent à la cérémonie.

En 1730, Louis décède au chasteau de Soucy. L'acte mentionne qu'il est âgé de 32 ans, et qu'il a été inhumé en la chapelle de Soucy. Peu de temps après, son beau-frère Louis Prieur de Rochemont époux d'Elizabeth de Ficte, Jean François de Ficte en son nom et pour son frère Charles, les trois militaires et capitaines... tous les de Ficte des trois lits, pour procéder au chasteau à l'inventaire dans l'appartement du défunt. Le testament du défunt stipule :
- nomme Marie & Marie Anne de Ficte mes légataires universelles,
- donne 400 livres à la fabrique de Fontenay , à charge par les marguilliers de me faire dire 400 messes pour le repos de mon âme,
- donne 100 livres pour les pauvres de Fontenay distribuées par le curé,
- à ses frères des chemises!
On ressent une très nette descente de situation financière de la famille à Soucy, ce qui va se vérifier dix ans après.

Soucy à Jacques Simmonet

En 1740, Jean François de Ficte, chevalier seigneur de Soucy et de Quincampoix, capitaine au régiment de royal artillerie et dame Marie Angélique de Jordy de Cabanac, séparée en biens, demeurent à Paris rue Bourbon, paroisse Saint-Sulpice. Soucy doit leur permettre d'assainir leur situation financière. Ils échangent avec Jacques Simonnet, écuyer, seigneur de Groslay, secrétaire du roy, demeurant rue des Bourdonnais paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois et Marguerite de Saint-Bonnet, sa femme agée de 25 ans, les biens qui ensuivent:
- le seigneur de Soucy abandonne la terre, seigneurie, baronie et chatellenie de Soucy, ayant haute moyenne et basse justice, consistant en chateau, jardins et parc enclos de murs, terres labourables et non labourable, prés, pastures, vignes, estangs, bois, taillis, futayes, cens, rentes, droit de présentation à la chapelle Saint-Eloy, plus la maison ferme enclos parc & jardins appelée Quincampoix avec les terres, prés, bois, plus les dixmes de la Forest.
- le sieur Simmonet cède en contre échange la terre et seigneurie de Groslay...

Ces échanges se montent à la somme de 300.000 livres, dont 40.000 pour la totalité du parc, jardin, enclos, ainsy que le château et manoir seigneurial dudit Soucy, avec la bassecour et ferme joignante. En outre lesdits échanges sont faits à la charge par ledit Simonet de 120.000 livres de soulte envers ledit seigneur de Soucy, sur et en déduction de laquelle somme de 120.000 livres le seigneur de Soucy confesse avoir reçu en louis d'or 34.000 lt. Plus le sieur Simmonnet a encore payé 60.000 lt au seigneur de Soucy, lequel déclare que la somme de 60.000 livres pour être employée au paiement des créanciers du sieur de Soucy.cette somme restera bloquée jusqu'au décret de la terre et seigneurie de Soucy. Il a été convenu également que ledit de Ficte et ses descendants masles auront la liberté de porter le nom "de Soucy".

Dans l'acte de vente, la rente de 350 livres pour la fondation anciennement faite, renouvellée par le deffunt seigneur de Soucy d'un chapelain à perpétuité de la chapelle st Eloy du chateau de Soucy, doit être respectée. Le seigneur de Soucy abandonne tous les ornements étant en la chapelle. Une convention est faite le jour de la vente mentionnant que toutes les tombes et épitaphes qui sont dans la chapelle du chasteau de Soucyy resteront en l'estat qu'elles sont, sans qu'elles puissent être enlevées.

Huit mois passent, le décret de la terre de Soucy a dû être réalisé, le nouveau seigneur va porter ses hommages au représentant des deux ordres religieux. La description des lieux est identique.

À suivre...

Ces sujets peuvent être reproduits " GRATUITEMENT" avec mention des auteurs et autorisation écrite