La ferme de Thuillières à Janvry (1780-2012)

Partie du plan de détail de Gometz relevant de Limours (XVIIIe).

JP. Dagnot

Cette chronique est le second volet de l'histoire d'une ferme et d'un fief du nom de Thuillières assis à Janvry et Gometz-la-Ville.

En 1780, la dame de Saint-Jean-de-Beauregard, Montjay et Thuillières, veuve de Laurent Charron, receveur général des domaines et bois de la généralité de Paris, dame patrone de l'église de Saint-Jean-de-Beauregard, laquelle nous a dit être venue exprès en ce bourg de Limours, pour rendre à son altesse la comtesse de Brionne, dame comtesse de Limours, les foys et hommage, serment de fidélité, qu'elle lui doit en raison des justices de Saint-Jean, Monjay et Thuillières... nous sommes transportés au devant de la principale porte du château de Limours... à quoi est comparu Alexis de Rosny procureur fiscal du baillage et comté de Limours, chargé de recevoir les hommages des vassaux... passons sur Saint-Jean et Montjay ... item la haute, moyenne et basse justice, droit de tabellionnage sur le fief de Thuillières sur les paroisses de Janvry et Gommetz-la-ville, relevant en plein fief du seigneur de Bruyères-le-Châtel, laquelle justice ressort du Comté de Limours.

En 1787, le fief de Thuillières est un petit monde à Janvry. Jacques Susane, bailly du baillage de Thuillières fait une enquête de moralité, à la requête de Jean Chauvasseigne ancien procureur fiscal dudit baillage de Thuillières, est examinée la vie et les bonnes moeurs du sieur Louis Didier Ladey, greffier au baillage de Marcoussis, pour l'office de greffier du baillage de Thuillières ...se présentent Sébastien Lenoble, 58 ans, curé de Marcoussis, qui déclare ledit Ladey de bonne moeurs ...dito Laurent Poullet, régisseur de Marcoussis, 71 ans, et enfin Pierre Rochoux, chirurgien de Marcoussis, 70 ans ... nous lui avons accordé la charge de greffier à Thuillières.

Trois jours après un même scénario se déroule, une information est faite par Jaques Claude Susane, bailly juge civil criminel & de police du baillage de Thuillières, à la requeste de Jean Chauvassaigne ancien procureur fiscal pour la vacance de l'office; se présente Nicolas Guézard fermier de Saint-Jean-de-Beauregard pour cet office, pourvu par la dame Charon. Le curé Thalamini lui donne un certificat de moralité catholique, le concierge du chateau également. Signé Ladey notaire de Marcoussis. Également Pierre Claude Machelard laboureur & fermier de Thuillières agit de même. Un second document où Nicolas Guézard se présente avec la lettre de provision accordée par Catherine Marguerite Mortier, veuve Charron, dame de Thuillières. Il y a également un registre des audiences de la haute moyenne & basse justice de Thuillières. À part prendre les prises de possession des fonctions de tous ces personnages, il n'y a pas d'évènements à consigner et encore moins de lieu pour tenir les séances de ce baillage.  

En 1790, Catherine Mortier, veuve Charron décède, le château et les terres de Saint-Jean-de-Beauregard, ainsi que la ferme de Thuillières furent attribués à la fille cadette Françoise-Mélanie Charron qui avait épousé Antoine-Victor Augustin d'Auberjon, dit comte de Murinais.

Notons, en 1808, la fille cadette devenue veuve le bail de la ferme. Françoise Mélanie Charron, veuve d'Antoine Victor Daubergeon, demeurant à Paris, laquelle fait bail à ferme pour neuf années à Pierre Claude Machelard, laboureur à Thuillières, de ladite ferme consistant en:
1°) dans le corps de ferme composé d'un corps de logis pour le fermier, granges, écuries, étables et autres petits bâtiments, cour close de murs, puits et mare en icelle, avec jardin et pâture en face de la ferme,contenant 90 ares,
2°) 31 pièces de terres labourables et pâtures aux terroirs de Gometz, Janvry et Limours contenant ensemble 75 hectares .
Ce bail fait moyennant la somme de 3.000 frs métalliques ou 1.500 myriagrammes de blé froment ! (un myriagramme vaut dix kilos).

Une confirmation est apportée en 1813, par un acte de notoriété disant que la ferme de Thuillières a été recueillie par le comte de Murinais, Pierre-Victor d'Auberjon, dans la succession de sa mère, comme seul héritier du château de Beauregard et de la ferme de Thuillières.

Thuillières est un écart du domaine de Saint-Jean-de-Beauregard, Pierre Victor d'Auberjon, ancien officier supérieur du corps de sa majesté Louis XVIII, ..., et Marguerite Aglé de Beaufort, comtesse de Murinais, son épouse, lesquels vendent en 1824 au baron Louis Charles de Jassaud, officier supérieur des gardes du corps du roi, compagnie du Havre, la ferme de Thuillières à Janvry, consistant:
1°) dans le corps de ferme composé d'un corps de logis pour le fermier, granges, écuries, étables et autres petits bâtiments, cour close de murs, contenant 90 ares,
2°) 31 pièces de terres labourables et pâtures aux terroirs de Gometz, Janvry et Limours contenant ensemble 75 hectares .
La vente est faite moyennant la somme de 80.000 frs. Notons la même année une constitution de société, entre Jassaud et Murinais pour la réalisation d'un immeuble de trois étages à Paris.

En 1825, bail par le baron Louis Charles Auguste de Vassaud, colonel de cavalerie, demeurant à Paris rue grange aux belles, lequel fait bail à ferme pour douze années à Jean Claude Machelard, fermier, demeurant à la ferme de la grange aux moines, la ferme de Thuillières comprenant un corps de bâtiment d'habitation et d'exploitation, jardin y attenant, friche avec deux mares et un puits contenant 10860 m2, 44 ha ...

Un autre bail est consenti en 1845 à Louis Etienne Machelard.

Le baron décède en 1849. Suivant l'ordonance du tribunal de la Seine, son testament nomme le baron Duperré, légataire universel de Louis Charles Auguste, baron de Jassaud, son cousin, décédé à Paris le 27 décembre. Un acte de notoriété confirme les dires du tribunal.

Notons le bail de la ferme en 1862, par Victor Aguste Baron Duperré, capitaine de frégate demeurant à Paris, pour 18 années, à Henriette Fleury, veuve Machelard, fermière demeurant dans la ferme de Thuillières composée de :
- un corps de bâtiment d'habitation et d'exploitation, ayant deux entrées, jardin au midi y attenant, friche devant la ferme et le jardin, où se trouve une mare et une citerne, contenant un hectare et huit ares,
- les terres: 23 hectares à Janvry, 29 hectares Gometz au midi de la pièce précédente, d'autre pièces, le tout contenant 77 hectares.
Le présent bail est fait moyennant un fermage de 6.200 frs correspondant à 430 hectolitres de blé froment. Le bailleur se réserve le droit de chasse sur ses terres. Elle ne pourra faire du colza ou autre oléagineux.

En 1863 et les années qui suivent Victor Auguste Baron Duperré, capitaine de frégate, parisien, est débiteur s'endette envers plusieurs créanciers. La garantie est réalisée par des hypothèques sur la ferme de Thuilières à Janvry et Gometz-la-Ville.

Le cadastre confirme l'appartenance de Thuilières A54, à de Vassaud, puis à Duperré avec passage au marquis du Luart de Janvry en 1874 environ.

Thuillières aux du Luart

En 1872, le baron Duperré, capitaine de vaisseau, officier de la légion d'honneur, demeurant rue Lavoisier, lequel vend à Georges du Luart, propriétaire, secrétaire d'ambassade, et sa femme Alexandrine du Cambout de Coislin, demeurants au Luart (Sarthe), la ferme de Thuillières à Gometz-la-ville et Janvry:
- corps de bâtiments d'habitation d'exploitation avec cour ayant deux entrées sur la friche et jardin où se trouve une mare et une citerne contenant 10.860 m2 .
- 23 hectares à Janvry ...
- 29 hectares à Gometz la ville,
- autres terres,
Le tout pour 77 hectares . La vente est faite moyennant la somme de 180.000 frs. Sur cette somme 49.000 frs seront retenus pour apurer des obligations contractées à partir de 1863, à Louis Besnus notaire, Antoine Renard propriétaire, et Marie Billard propriétaire.

En 1884, les Machelard trouvent toujours Thuillières intéressant, c'est encore un nouveau bail de la ferme par du Luart à Alfred Machelard, cultivateur, et Louise Brunault son épouse. Les éléments sont toujours les mêmes: ferme avec 77 hectares, droit de chasse... Le bail fait moyennant 6.183 frs où 400 hectolitres de blé froment. Le bailleur s'engage à faire construire ou agrandir le bâtiment à gauche de la grande porte d'entrée, de façon à faire suite à la bergerie.

En 1894, le marquis Georges du Luart, propriétaire demeurant au château du Luart, commune du Luart (Sarthe), en son nom, et mandataire en cas de besoin de Césarée Jeanne Cambout du Coislin son épouse, lequel fait bail à ferme pour 18 ans, à Alfred Benoist et Désirée Houdon, de la ferme de Thuillières:
- un corps de ferme appelée Thuillières comprenant divers bâtiments d'habitation et d'exploitation, cour au milieu, jardin au midi,
- pâture devant le corps de ferme avec une citerne,
- une pièce de terre triangulaire dite les terres rouges 24 hectares avec la ferme,
- 29 hectares au midi au lieudit la Guiboiserie,
- 32 hectares à Gometz chantier la Guiboiserie,
- diverse petites pièces,
le tout pour 70 hectares affermé pour la somme de 7.000 frs.

La description au XXe siècle va devenir succincte, les archives notariales n'étant pas disponibles. La matrice cadastrale de Janvry mentionne en 1925, Georges de Luart pour la ferme de Thuillières A54.

À cette époque, la ferme fut louée à Armand Dramard, qui l'exploita jusqu'aux années 1950. Ensuite ce fut son fils Jacques qui le remplaça comme fermier. Comme pour la famille Machelard au siècle précédent, ce fut au tour de Jean-Michel Dramard, fils de Jacques de prendre le relais.

Côté propriétaire, l'année1931, voit la donation entre vifs, devant Banlier, notaire à Châteaudun, par André Reille qui voit sa fin proche. Sa femme, Magdelène du Luart et lui demeurant à Marboué, donnent à leur quatre enfants leur biens sous réserve d'usufruit. Le père décède le mois suivant et Magdelène héritière pour un quart reçoit entre autre Thuillières et la Brosse.

Thuillières aux Reille

Le cadastre confirme ce changement, Marie Madeleine Françoise Reille déclare A54 pour la ferme de Thuillières et A71 pour la ferme de la Brosse. Une autre feuille mentionne Jean Marie Victor Reille pour le reste à Janvry.

En 1949, Magdelène du Luart décède à Paris. Sa fille Magdeleine Françoise Reille hérite de Thuillières. Elle se marie avec Robert Henri Lestelle, et de cette union naissent Marie Thérèse et Charles Henri.

En 1976, Magdeleine Lestelle (Reille) baille la ferme à Jacques Dramard, agriculteur et à Noyale Lambert son épouse, à savoir la ferme de Thuillières comprenant divers bâtiments d'habitation et d'exploitation, terres le tout d'une contenance de 100 hectares, sur Janvry 66 hectares et sur Gometz 36 hectares. Le bail est conclu à Limours.

En 1982, Magdeleine Françoise Reille, propriétaire demeurant à Paris 7e, fait une donation entre vifs de la nue propriété de ses biens dont la ferme de Thuillières et partage ses biens entre les donataires Marie Thérèse et Charles Henri. Les parents se réservent l'usufruit. Six ans plus tard, Robert Lestelle décède à Châteaudun. La veuve attend 1997 pour renoncer à l'usufruit de ces biens. Les enfants attendront le décès de leur mère pour disposer de Thuillières.

Thuillières aux Dramard

En 2005, lors d'un renouvellement de bail et suite au décès de Magdeleine Reille, le couple qui exploite la ferme saisit l'opportunité et achète les lieux. Les enfants Marie Thérèse et Charles Henri Lestelle vendent à Jean Michel Dramart et Marie Line Ianneta un corps de corps de ferme comprenant:
- une maison d'habitation en pierre, crépi de chaux, couverte de tuile composée:
1) au rez de chaussée d'un bureau, WC, cuisine, salle, salon,
2) au premier quatre chambres, ...
3) au second étage grenier.
- au nord, cave extérieur, cellier, écurie,
- au sud, grange à céréales,
- à l'est, grange de stockage de matériel,
- à l'ouest, bergerie, étable, garage , réserve phytos,
- au centre grange à céréales,
- suivent des terres 58 hectares à Janvry et 36 hectares à Gometz .
Cette description montre que la ferme comporte toujours les mêmes bâtiments transformés par les méthodes de culture, les tracteurs ayant remplacé les chevaux, la réserve phytos, les greniers. Notons également l'utilisation de l'informatique pour la météo, la vente des grains à terme...

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